Dans le coin droit: Couillard

Le brave homme était sûr d’avoir tout ce qu’il lui fallait entre les mains et sûr surtout de pouvoir, enfin, se montrer un peu plus généreux envers ce brave peuple qui l’avait élu. Il se préparait à étonner tout le monde en jetant un peu d’eau froide sur l’austérité. Il allait prendre doucement le virage qu’il souhaitait pour retrouver la confiance qu’il avait vu fondre au soleil après avoir été élu. À deux ans de la prochaine élection, il allait essayer de se montrer un peu plus généreux, un peu plus juste et plus sensible à la misère humaine pour se refaire ainsi une réputation avant que le peuple n’aille aux urnes dans deux ans.

Le budget, son troisième, allait témoigner de sa bonne volonté. On reconnaîtrait enfin sa générosité et sa sagesse proverbiale. Il ne laisserait pas tout aller d’un seul coup, mais il pouvait se permettre de faire la preuve qu’il était un être sensible et qu’il travaillait toujours pour le bien-être du peuple. Qui pourrait lui reprocher d’avoir équilibré le budget envers et contre tous. Il était si fier de ses décisions, même celles qui détruisaient ce que d’autres gouvernements avaient construit avant lui et auxquelles les citoyens tenaient. Le budget qu’il avait préparé serait assez généreux pour calmer tout le monde. Il avait deux ans pour remettre son parti au goût du jour. À condition que personne ne vienne remettre en question ce qui avait déjà été fait, il avait toute la liberté dont il avait besoin pour mener son plan jusqu’au bout. Que ça fasse mal ou non n’était pas son problème.

Dans le coin gauche : l’UPAC

Après la fermeture des dossiers de la commission Charbonneau, notre déception était profonde. Non seulement avions-nous l’impression que la Commission n’était pas allée au bout du travail qui lui avait été confié, mais nous avions l’impression que l’UPAC allait disparaître doucement de l’écran radar sans explications. Personne ne répondait plus à nos inquiétudes et nous avons vécu péniblement l’abandon dont nous nous sommes crus victimes.

Toutes ces heures de confessions publiques, affirmant l’ignorance des indices que la commission Charbonneau brandissait devant des brebis qui se disaient toutes innocentes, allaient se retrouver dans de grands cahiers abandonnés quelque part et ne serviraient à rien. Si bien que nous en étions venus à penser que tout ça ne servirait à rien, que nous avions été les dindons de la farce et que les changements que nous souhaitions n’auraient pas lieu.

Nous avons été découragés devant le silence de l’UPAC. De temps en temps, nous avons vu des policiers se présenter à certaines adresses et en ressortir des heures plus tard les bras chargés de boîtes bien remplies… mais de quoi exactement ? Mystère et boule de gomme.

Un sentiment profond que nos espoirs ne survivraient pas, et que la vie corrompue que la Commission nous avait permis de connaître un peu mieux ne serait pas remise en question. Certains disaient même que c’était beaucoup trop d’argent dépensé pour si peu, quand on ne disait pas que finalement c’était pour rien.

Notre surprise a été grande à notre réveil jeudi matin. L’UPAC, dont nous avions pratiquement rayé l’existence de nos vies, a refait surface. Des arrestations étaient en cours et pour la première fois, nous avons su tout de suite qu’il s’agissait d’accusations sérieuses. L’UPAC venait de nous dire que nous avions tort de penser qu’il ne se passerait plus rien dans ces dossiers, et que la justice allait être appelée à trancher. Les arrestations étaient en marche. Enfin !

Il va falloir du courage pour aller au fond de toutes ces magouilles. Le vrai travail ne fait que commencer. La tentation sera grande pour certains de déclarer que ça suffit et que le reste du nettoyage va se faire tout seul. C’est faux. Il nous appartient d’empêcher le démantèlement de l’UPAC et il faut exiger que l’on continue de donner, à ceux qui y travaillent, ce dont ils ont besoin pour que le vrai nettoyage se fasse.

C’est sûr que la journée de jeudi a jeté un peu d’ombre sur le 3e budget du gouvernement libéral présentement au pouvoir. Il reste important de savoir ce qu’il y a dedans, et de bien lire les analyses qu’en feront les spécialistes, mais quoi qu’en pensent ses auteurs, on ne pourra pas s’empêcher de penser que la journée du 17 mars 2016 est le jour où le peuple a gagné une première manche. Bravo à l’UPAC. Vous pouvez compter sur notre appui. Vous l’avez mérité.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

À voir en vidéo