Ce n’est jamais gagné

Ça dure depuis que le monde est monde. Sur notre petite planète, les femmes de toutes origines ont toujours été considérées comme inaptes à développer leurs propres talents. Les hommes, à travers les siècles, ont inventé une vie parallèle pour les femmes afin d’éviter qu’elles puissent même s’imaginer jouer un rôle équivalent à celui de l’homme, cet être supérieur, que les femmes devaient se contenter d’admirer, de satisfaire en tout et même de soigner. Il faut relire le formidable livre de Diane Ducret La chair interdite (Albin Michel, 2014) pour bien comprendre pourquoi notre désir d’un rapport égalitaire ne s’est jamais réalisé.

Même aujourd’hui, alors que les femmes réclament ouvertement la reconnaissance de l’égalité hommes-femmes, alors qu’elles ont franchi toutes les étapes qui font d’elles des citoyennes à part entière, les femmes voient de nouveau des portes se fermer devant elles.

Durant les siècles récents, elles ont pourtant réussi à faire profiter toute la société de leur intelligence, de leur capacité à maîtriser des situations difficiles, de leur maîtrise dans des débats où elles font connaître leurs idées sur l’évolution des besoins des peuples de la Terre. Pourtant, au bout de tout ça, elles sont encore mises de côté très souvent parce que considérées comme une menace pour le pouvoir que les hommes ne veulent pas partager. Nous aurions pu croire que la paix allait s’installer devant l’évidence que la Terre a besoin de tous ses cerveaux, qu’ils soient masculins ou féminins. Ce n’est pas ce qui se produit.

La haine envers les femmes ne disparaît pas. Chaque semaine apporte son lot d’assassinats, de violence physique ou mentale. Je ne dis pas que tous les hommes sont dans la haine, ce serait faux et injuste. Je dis simplement que beaucoup d’entre eux ont encore de la haine au coeur et qu’il paraît évident qu’il faut faire un lien entre les attentes, petites ou grandes, de certaines femmes et la violence qu’elles déchaînent chez certains hommes.

Il y a quelques jours par exemple, l’Université de Toronto a renforcé sa sécurité après qu’un appel à la violence contre « les féministes » a été repéré sur un blogue. D’un seul coup, tout le drame de Poly, où 14 jeunes femmes ont perdu la vie, nous revient en mémoire. Aucune femme ne veut rejouer dans ce film. Être une femme, même dans notre siècle, c’est avoir peur presque tout le temps. Le jour, le soir, la menace est toujours là. C’est évident que ce n’est pas normal comme c’est évident que les femmes ne pourront pas régler le problème de la violence des hommes. Les solutions doivent venir d’eux-mêmes, de leur entourage ou de leurs amis. Les hommes doivent aider les hommes quant à leur comportement.

Les femmes ne demandent rien d’autre que d’occuper toute la place qui leur revient et elles sont prêtes à se qualifier pour y arriver. Elles souhaitent vraiment aider à changer le monde parce que celui que les hommes nous ont fabriqué ne marche pas. Vous n’avez qu’à lire le journal et à regarder les images transmises à la télé pour en évaluer toute la pourriture.

Les femmes sont prêtes à partager le pouvoir et les responsabilités qui viennent avec. Les partis politiques vont devoir faire bien mieux que ce que la présente campagne électorale nous donne à voir.

On ne pourra jamais mettre les femmes de ce pays sous le niqab, la burqa ou le voile, espérant ainsi les faire disparaître ou les faire taire. Nous avons déjà goûté à cette médecine à l’eau bénite et il ne faut pas compter sur nous pour en redemander. C’est pourquoi il est urgent d’arriver à une entente avec les nouvelles arrivantes. Il faudra donc les rencontrer, les connaître, leur expliquer notre position pour qu’elles cessent de penser qu’elles vont nous convertir ou convertir nos enfants. Il serait dangereux de faire semblant que le problème n’existe pas.

Si notre accueil était accompagné d’explications sur l’importance des valeurs que nous défendons, si nous arrivions à expliquer que le multiculturalisme tel que pratiqué ailleurs n’est pas une solution pour une nation comme la nôtre qui défend son existence et sa survie, peut-être pourrions-nous enfin ouvrir les bras.

En fait, vous les hommes qui me lisez aujourd’hui, vous êtes des fils que des femmes comme moi ont mis au monde. Je voulais vous dire que nous avons besoin de vous et qu’il va falloir que vous répondiez « présents ». Le féminisme est une démarche longue et il nous arrive d’être à bout de souffle. C’est en fait une révolution tranquille mais réfléchie et tenace. J’ai l’impression que pour la première fois, depuis que le monde existe, nous pourrions, hommes et femmes, changer le monde, la main dans la main. Voulez-vous essayer ?

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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