Ça roule pour la Panthère verte

Les meilleurs sandwichs aux falafels en ville logent à la Panthère verte. Ici, devant leur camion de rue : ils sont jeunes, ils sont fous, ils sont végés et veulent changer le monde dans le plaisir plutôt que le dolorisme.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Les meilleurs sandwichs aux falafels en ville logent à la Panthère verte. Ici, devant leur camion de rue : ils sont jeunes, ils sont fous, ils sont végés et veulent changer le monde dans le plaisir plutôt que le dolorisme.

Chacun sa façon de changer le monde. Certains s’enchaînent à des plates-formes de forage en Arctique, d’autres font le plein à l’huile de patates frites et il s’en trouve pour choisir le falafel comme objet de propagande.

Le falafel ? Une petite boulette de farine de pois chiches d’origine libanaise, frite dans l’huile, qu’on insère dans une pochette de pain pita avec de la sauce tahini, de la laitue et de la luzerne. Les sandwichs aux falafels de La Panthère verte ont vite atteint le palmarès des secrets les moins bien gardés en ville depuis 2008.

L’idée du jeune Chaïm Shoham, qui a eu la vision sur une plage en Inde (Ganesha ? Vishnu ?) d’une entreprise durable, bio, locale et surtout végétalienne, a fait son chemin. Aujourd’hui, La Panthère verte compte trois adresses montréalaises et un camion de rue, et elle effectue depuis ses débuts les livraisons à bécane.

Mais ces bannières érigées aux « sans produits d’origine animale » n’attirent pas que des hipsters du Mile-End qui partagent leur « mère » kumbucha pour fabriquer leur thé fermenté le dimanche matin, en écoutant Patrick Watson ou Bon Iver. « 70 % de notre clientèle n’est pas végé », me glisse Daniel Rushton, un des Anglos à la tête de l’entreprise en pleine expansion.

D’ici quelques années, la Panthère aura une douzaine d’antennes locales et vise même le marché international dans ses rêves les plus fous.

La Panthère verte est un pur produit anglophone d’esprit Côte Ouest, cool, sans prétention, mais avec beaucoup d’ambition. La mission éducative percole à tous les niveaux, de la simple feuille de papier ciré compostable aux contenants que vous pouvez emporter (on vous donne une petite ristourne d’encouragement) pour repartir avec votre repas au bureau ou à la maison.

Entre les smoothies, les jus verts et les brownies sans oeufs ni beurre, entre tofu BBQ et tempeh —du soya fermenté qui m’a arraché un soupir de plaisir depuis que j’ai goûté à celui de la Panthère—, il y a une pensée, une cohérence qui s’installe.

Le premier local, rue Saint-Viateur, fut aménagé avec du matériel usagé. Les employés arborent la vingtaine pétrie d’espoir et de vitalité vitaminée et les germinations germent, comme les bonnes idées.

Rallier dans le plaisir

 

Au sein de la minuscule communauté végétalienne montréalaise, il y a dissension. Les véganes vont plus loin que les végétaliens et en font une philosophie pro-droit-des-animaux-non-humains, un principe moral. La Panthère verte n’est pas en religion et déplore le jusqu’au-boutisme de certains « militants » moralisateurs et rigides, prosélytes du purisme alimentaire qui rebutent davantage qu’ils n’inspirent à se « convertir ».

J’écoute attentivement Daniel Rusthon, Panthère britannique, québécoise d’adoption, en grignotant les succulentes frites aux patates douces trempées dans la mayo sans oeufs de leur camion de rue. « Oui, nous voulons changer la culture. Mais tu ne peux pas dire aux gens que ce qu’ils font n’est pas bien. Ça ne fonctionne pas ! Si tu as du succès, ils vont vouloir s’associer à ça. »

Pour ce faire, la Panthère explique, enseigne, partage et fait goûter. Je dirais même qu’elle inspire. Comme leurs plats sont délicieux, le principe Hygrade s’applique, mais sans saigner le cochon ni faire monter notre cholestérol.

L’entreprise tente de réduire au maximum le gaspillage, quitte à vendre les restants du jour dans des pots Mason à un prix dérisoire dans les frigos du resto. La Panthère est aussi forcée de réduire sa marge de profit, car même l’huile à friture et les pains pitas maison sont bios. « Nous devons vendre beaucoup pour compenser ces coûts supérieurs, explique Daniel. L’esprit général qui sous-tend notre démarche, c’est la durabilité [sustainability] en mode urbain. Et la façon la plus simple d’y parvenir, c’est de devenir végane. »

Effectivement, à l’heure où la viande coûte de plus en plus cher (15 % de plus cette année pour le boeuf et 17 % pour le porc), les solutions de rechange s’avèrent peut-être plus séduisantes qu’avant.

Et quiconque s’intéresse un tant soit peu à la sécheresse en Californie sera consterné d’apprendre qu’il faut 15 400 litres d’eau pour produire 1 kilo de boeuf, alors qu’on en utilise 4000 litres pour 1 kilo de légumineuses comme le soya. L’empreinte en CO2 est de deux à trois fois moins grande pour un végétarien ou un végétalien.

Et surtout, la production de viande dépassait tout le secteur du transport en matière de GES en 2013, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), soit 14,5 % des émissions globales. Si ce n’était pas suffisant, rappelons-nous que nous payons la viande trois fois : une première fois en subventions, une seconde au comptoir et une troisième… en soins de santé.

Un sandwich à la fois

Tout en préparant des sandwichs aux falafels dans le camion où ils m’ont invitée à grimper, je questionne la jeune Marie-Ève, 23 ans, étudiante en cinéma et végétarienne depuis un an, Panthère pour l’été. « Les valeurs de l’entreprise me touchent. Je ne travaillerais jamais chez McDo », dit-elle en s’affairant.

Ce vendredi soir, ils seront plus d’une trentaine de camions de rue au Parc olympique, attirant de 15 000 à 20 000 ventres creux et curieux, comme chaque premier vendredi du mois dédié aux food trucks de la métropole. DJs, ambiance festive, buvettes, ateliers sur la fabrication de bière et bouffe rapide à déguster avec les doigts, voilà le credo.

Entre les camions de l’« Air de Boeuf » et « Pas de cochon dans mon salon », un camion vert muni de poubelles pour le compostage et le recyclage distribuera ses best falafels ever et des frites to die for saupoudrées d’un mélange d’épices au sumac à des badauds qui ne savent pas encore qu’on veut non seulement leur bien, mais aussi celui des générations qui les suivent.

Si Jésus vivait encore, il serait assurément une Panthère verte lui aussi.

La cause des animaux passe avant le souci de me ridiculiser

Les animaux sont mes amis et je ne mange pas mes amis

Comment pouvez-vous avoir un animal comme compagnon et un autre pour le lunch ?

Noté que les camions de rue seront présents à l’événement mensuel au Parc olympique ce vendredi soir de 16h à 23h. On peut les suivre sur Twitter : @cuisinederue ou #premiersvendredis et @lapanthèreverte.

 

Lu Voir son steak comme un animal mort de Martin Gibert (Lux). Ce professeur d’éthique et de philosophie du droit, qui vit à Montréal (et chez qui j’ai déjà mangé), nous offre un ouvrage fort bien documenté sur les raisons qui devraient nous pousser à devenir végane. J’ai d’ailleurs puisé quelques chiffres dans son livre pour mettre un peu de viande autour de l’os de mon texte du jour. Mais — et c’est grand dommage — le ton de cet essai peut irriter, même si je suis gagnée à la cause depuis longtemps et que je ne connais aucune bonne raison de manger de la viande, hormis l’odeur du barbecue.


L’ouvrage est moralisateur et assez dogmatique, mais on s’y familiarise avec les abolitionnistes, les carnistes, les welfaristes, les hédonistes utilitaristes ou le spécisme. J’ai tiqué devant cette phrase : « On désire éviter la catastrophe climatique, mais on désire aussi voyager en avion, avoir une grosse voiture, un double cheeseburger ou, pire, des enfants. »

Et l’auteur de nous expliquer que les enfants occidentaux contribuent significativement aux émissions de GES.

Moi, les militants qui n’ont pas l’instinct de se reproduire et jettent leur dévolu sur leur chat, je respecte. Mais en faire une règle générale pourrait avoir l’effet contraire de celui qu’on recherche. Les canines me poussent…
 

Adoré le livre de recettes Street Cuisine. Les meilleurs restos roulants de Montréal de Christine Plante (édito). Vous y trouverez de la photo vraiment appétissante, un esprit truck avec un texte pour expliquer chaque histoire, du fast-food local fait avec amour et pas trop graisseux. Les recettes de « chic-kebab » et de salade « tempehtation » de la Panthère verte y sont. Un livre très estival, idéal pour bâtir un menu pique-nique sur la terrasse, ou garden party.

 

Feuilleté avec envie le livre Plenty… la suite. 150 recettes végés qui font saliver. Yotam Ottolenghi a fait un malheur avec son dernier livre (Plenty), et pour cause. Il a remis les légumes au goût du jour. Le hic, c’est le nombre d’ingrédients qui n’en finit plus. Perso, je m’inspire plus que je ne suis à la lettre. J’essaie les gourganes au citron et à la coriandre, le fenouil aux câpres et aux olives, les friands au cassis… Du food porn à son meilleur.

Tacotruck

Ma fascination pour ces cantines mobiles date peut-être de mon ancienne vie, celle où j’étais traiteur. Quoi qu’il en soit, mon B a réellement caressé l’idée de devenir propriétaire d’un camion à tacos après avoir vu (et revu) le film Chef de Jon Favreau l’été dernier. C’est l’histoire d’un chef de resto viré par son patron et qui se recycle dans le sandwich cubain. J’ai même acheté la bande sonore du film, hip-hop, reggae, salsa. Enlevante. Un film familial sensuel.


À voir en vidéo