Les arbres, les frênes et l’agrile

Les arbres sont une passion depuis longtemps pour Bertrand Dumont, horticulteur et vulgarisateur scientifique. Depuis 40 ans, il a écrit de nombreux livres sur le sujet, dont le dernier, sorti ce printemps. Il y aborde l’incontournable agrile du frêne ainsi que les bienfaits des arbres, en plus de la façon de les sélectionner judicieusement. Entrevue.
Après toutes vos publications sur les arbres, pourquoi, maintenant, le guide Des arbres pour les jardins paysagers ?
Nos arbres en milieu urbain et périurbain se portent mal pour toutes sortes de raisons. Ils sont attaqués de toutes parts : en ce moment par l’agrile du frêne et prochainement, peut-être, par le longicorne asiatique, mais aussi par certains citoyens qui les voient comme une nuisance, malgré le fait qu’ils soient parmi les plantes essentielles du monde végétal.
On sait également que les fosses des arbres de rue sont bien trop petites pour permettre leur développement et que cette situation doit changer. Et je trouve important que notre vision de l’arbre passe d’une vision esthétique à une vision axée sur la biodiversité.
L’agrile du frêne est un fléau incontrôlable actuellement. Croyez-vous qu’il y ait des solutions dans un proche avenir ?
Non, je n’ai pas d’espoir. L’arrivée officielle de l’agrile date de 2002, mais dans les faits, il est présent depuis au moins 1990. Un des problèmes avec ce ravageur est que les arbres demeurent asymptomatiques durant de nombreuses années. D’ailleurs, il est clair que les boisés de Montréal, d’Ottawa et de Toronto sont beaucoup plus attaqués qu’on le pense. Le TreeAzin utilisé pour lutter contre cet insecte a une certaine efficacité, mais est-il logique de dépenser pour finalement être obligés de replanter ?
De plus, comme c’est un traitement systémique, on sait par expérience qu’à la longue les insectes deviennent souvent résistants au produit. Il faut donc faire des choix stratégiques lorsque l’on décide de traiter. Aussi, n’oublions pas que l’agrile pond 40 à 60 oeufs par année : 20 d’entre eux arriveront à maturité et auront chacun 20 oeufs, qui arriveront à maturité, etc. C’est exponentiel et rapide.
Quant à la guêpe asiatique, un prédateur de l’agrile qui fait l’objet de recherches, avant qu’elle soit d’une certaine efficacité, il faudra encore une dizaine d’années, tandis que pour le champignon Beauvaria, un autre prédateur, de nombreuses questions se posent, car en laboratoire, il s’attaque également aux abeilles.
Finalement, à mon point de vue, l’argent public devrait être investi dans la replantation en favorisant la biodiversité des genres, autant sur le domaine public que privé, afin de nous mettre à l’abri de situations semblables dans le futur. Il faut se le dire, cet insecte n’est qu’un des exemples des nouveaux ravageurs que nous amène la mondialisation.
Que recommandez-vous aux citoyens qui ont des frênes sur leur terrain ?
D’abord, il faut s’assurer de l’identification de l’arbre, car souvent, ils sont confondus avec les ormes. Ensuite, demander l’aide d’un professionnel. La Société internationale d’arboriculture du Québec peut recommander quelqu’un de fiable et compétent. Toutefois, attention, car les professionnels tendent à recommander automatiquement un traitement quand il faut d’abord se poser quelques questions…
Quelle est la santé de l’arbre à long terme ? Sa valeur émotionnelle ? Le nombre d’arbres sur le terrain ? Leur biodiversité ? Le traitement, qui coûte environ 250 $, doit être consécutif les deux premières années, et par la suite, à l’année ou aux deux ans (il y a toutefois des contradictions quant à ce dernier point). De plus, il est appliqué uniquement par des professionnels, vu ses particularités.
Enfin, si vous prenez la décision d’abattre l’arbre, l’Agence canadienne d’inspection des aliments recommande de le faire l’hiver, et surtout de ne pas déplacer ce bois vers une autre région afin d’éviter la propagation.
Le choix d’un arbre doit être réfléchi pour bien des raisons, afin d’éviter des erreurs.
À quoi doit-on penser lors de la sélection, et quels sont les arbres à éviter ?
D’abord, on doit penser au type de sol dans lequel on plantera l’arbre ; ensuite, on doit le choisir en proportion de l’espace disponible ; et puis, c’est simple, on se fait plaisir. Voici quelques arbres à éviter, même si je vais me faire lyncher par les producteurs et les jardineries…
En premier : les érables de Norvège et leurs cultivars, en milieu périurbain et en milieu boisé. Pourquoi ? Parce qu’ils mettent en péril certaines plantes indigènes à cause de leur grande capacité d’adaptation et de leur énorme production de samares. Deuxièmement : le Prunus « Schubert », car il est très affecté par le nodule noir, au point d’être problématique et de faire mourir des arbres. Enfin : toutes les vieilles variétés de pommetiers et de pommiers parce qu’elles sont sensibles au feu bactérien, à la rouille, au blanc et à la tavelure. Je précise bien les vieilles, puisque les nouvelles variétés sont généralement résistantes aux maladies.
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Dans la bibliothèque
Des arbres pour les jardins paysagers
Sélection, plantation et entretien faciles
Bertrand Dumont
Éditions MultiMondes, Québec, 240 pages
La sélection d’un arbre est souvent difficile ; faire un mauvais choix peut coûter cher et briser le cœur. De plus, dans le contexte où plusieurs d’entre nous devront abattre les frênes sur leurs terrains, ce guide de Bertrand Dumont arrive à point. Voici les différents sujets qui y sont abordés : l’agrile du frêne 101, les nombreux bienfaits des arbres, l’étude du site et l’aide à la sélection de l’arbre, entretien et plantation. Un grand répertoire d’arbres, des listes en fonction des hauteurs, des largeurs, des formes, et une liste d’arbres non recommandés aident à faire un choix éclairé. Mes bémols : certaines sensibilités ou certains ravageurs et maladies connus ne sont pas mentionnés, entre autres la cochenille à carapace sur les magnolias dans la région de Montréal, la brûlure des feuilles du marronnier, la sensibilité du bouleau à la pollution.
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.
Au jardin cette semaine

Entre la mi-mai et la mi-juin, on s’occupe de la pelouse, on nettoie et on terreaute, c’est-à-dire qu’on saupoudre au moins un centimètre de terreau. Mon choix va au compost, mais on peut aussi utiliser de la terre à jardin ou de la mousse de tourbe, on aère avant au besoin et on sursème les zones endommagées.
Si vous avez besoin de plus d’informations, consultez le site pelousedurable.com. Avant que les végétaux ne se développent, c’est le temps d’étendre l’or brun du jardinier, le compost, dans les platebandes et le potager. Deux bons centimètres au moins, une fois dans la saison, cela permet d’entretenir la richesse et la texture du sol.
Je vous recommande aussi le BRF composté. Le seul point de vente que je connaisse se trouve dans la région de Québec : Les jardins vivaces de Charlesbourg. La Ville de Montréal donne du compost deux fois par année : profitez-en ! Ce printemps, au Complexe environnemental de Saint-Michel, ce sera les 9 et 10 mai, entre 8 h et 18 h. Toutefois, il y a aussi des distributions dans les arrondissements. Pour les dates, rendez-vous sur le site de la Ville, à « Remise de compost ».