Le 8 mars, on fête l’égalité hommes-femmes
Pas cette année mes amies. Il n’y a vraiment pas de quoi fêter dans ce domaine. C’était pourtant devenu la phrase de passage pour tous les politiciens. L’égalité hommes-femmes, à les entendre, serait non négociable. Mieux, selon eux, elle ferait même partie de nos grandes valeurs québécoises, rien de moins. Les femmes pourraient donc dormir tranquilles pendant qu’ils veillaient au grain. Maintenant que ça leur est entré dans le coco, les femmes pourraient peut-être passer à autre chose. Ça les arrangerait bien les pauvres chéris si occupés à faire et défaire le monde.
Il serait temps pour nous de regarder la réalité en face. Combien de fois m’avez-vous entendu dire que les gains des femmes ne sont jamais acquis de façon définitive et qu’il suffit d’un chef de parti un peu zinzin pour que l’édifice que nous pensions avoir construit de façon solide s’écrase comme un château de cartes ? Nos victoires sont fragiles et notre avancement n’est jamais garanti. On peut choisir de ne pas y croire, de se fermer les yeux même, mais il arrive un moment où on se prend la vérité dans le baba. Nous y sommes.
Je sais que quelques lecteurs vont m’écrire pour me dire que je radote. Ça ne sera pas la première fois. Mais après avoir écrit que Stephen Harper était dangereux pour l’avancement des femmes, après avoir insisté sur la complète insensibilité de Philippe Couillard face à la réaction des femmes quand elles ont découvert le prix qu’elles devraient payer pour assumer la plus grande partie de « l’austérité » qu’il leur imposerait à elles d’abord, je ne vais certainement pas me taire quand, enfin, des chiffres viennent justifier notre inquiétude.
L’IRIS, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques, vient de rendre public un long travail qui démontre que les coupes des libéraux au nom de la sainte austérité ont frappé beaucoup plus les femmes que les hommes. Le Devoir de mardi dernier, sous la signature de Karl Rettino-Parazelli, en a fait un exposé percutant. Nous, les femmes, nous le savions déjà, mais les chiffres publiés nous confirment dans notre affirmation que la punition imposée aux femmes du Québec n’a pas de bon sens.
Deux chercheurs, Evelyne Couturier et Simon Tremblay-Pepin, signent ce rapport et signalent que depuis que l’austérité est devenue une obsession pour le gouvernement Couillard, les femmes sont frappées de plein fouet. Elles occupaient 75 % des emplois liés à l’État et les coupes dans les ministères, en santé ou en éducation les touchent directement. Ces coupes ont des effets démesurés sur la population et sur l’économie, affirme le rapport de l’IRIS, mais c’est aux femmes que l’austérité fait le plus mal. Et monsieur Couillard va rire dans sa barbe tout en continuant à affirmer que l’égalité est non négociable au Québec ?
Ma question, évidemment, c’est : Y a-t-il quelque chose à fêter au Québec en ce 8 mars 2015 ? Ne devrions-nous pas défiler en silence, vêtues de noir, en signe de deuil ? Je vais sans doute vous étonner, mais je pense qu’au contraire, il y a matière à se réjouir. Je m’explique.
Les femmes du Québec sont plus éveillées qu’elles ne l’ont jamais été. À force de voir leurs acquis remis en question chaque fois qu’il y a un changement dans le monde politique, elles ont fini par comprendre qu’elles ne peuvent plus se contenter de voter un peu n’importe comment sans réfléchir aux conséquences de leur vote. Les hommes qui nous entourent, nos compagnons, nos fils, les pères de nos enfants, dans une proportion importante, adhèrent à ce projet d’égalité. Ils ne se contentent pas de le dire, ils le vivent dans la vie quotidienne. Et ça, il a fallu du temps pour y arriver. Pour certains, c’est parfois encore instable, vacillant même, mais ne dites pas à un père que sa fille ne pourra pas faire les études qu’elle veut faire ou le travail pour lequel elle se serait qualifiée. Il sera le premier à la défendre. Certains défendent farouchement l’égalité des filles avec encore parfois un peu d’inquiétude dans le coin de l’oeil, mais avec un respect évident pour l’égalité.
Les mesures d’austérité nous auront coûté des milliards de dollars à nous les femmes. Combien ? Si on met bout à bout les coupes qui ont fait si mal dans tant de secteurs, les hausses de taxes et des tarifs de toutes sortes, plus les réductions de salaire ou les gels annoncés, l’IRIS nous dit que les femmes ont été privées de plus de 3 milliards de dollars de plus que les hommes du Québec.
C’est sûr qu’on ne vous oubliera pas, Monsieur Couillard. Comment serait-ce possible avec tous ces cadeaux empoisonnés que vous nous faites ? « Je me souviens », ça vous dit quelque chose ?
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.