Prospérité asymétrique
En appui au lancement de la campagne du CPQ, le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, a ramené à l’avant-scène le mouvement « je vois mtl » lancé en novembre dernier. « Avec la campagne " Prospérité. Québec pour tous et avec tous ", le CPQ amène cette mobilisation à l’échelle du Québec », a-t-il dit. Mais une fois l’enthousiasme dissipé…
La comparaison tient difficilement avec cet autre événement ayant pour thème la relance économique de Montréal. Car je vois mtl a été propulsé par L. Jacques Ménard, dont l’engagement envers le Québec économique et social est inspiré et profondément ancré en lui. Surtout, les promoteurs de cet événement en ont fait une mobilisation citoyenne, avec un encadrement soutenant des engagements concrets et une promesse de résultats, sous un leadership politique convaincu.
Pour sa part, le CPQ parle d’un « dialogue constructif » étalé sur trois ans, « utilisant graduellement toutes les plateformes et toutes les occasions disponibles ». Avec, pour souhait, que les participants aux échanges contribuent « à mettre en marche un mouvement inclusif pour un développement durable partout au Québec, ainsi qu’un engouement pour l’entrepreneuriat et la réussite de nos entreprises ».
En septembre dernier, lorsqu’il dévoilait le Bulletin de la prospérité accordant une nouvelle fois la note C au Québec, le p.-d.g. du CPQ, Yves-Thomas Dorval, faisait grand cas de cette méfiance des Québécois envers les gens d’affaires. Il appelait de tous ses voeux l’instauration d’un « dialogue social » entre la population et ses dirigeants d’entreprise. Or ce qui a été annoncé lundi semble plutôt vouloir prendre la forme d’un monologue du milieu des affaires ayant tardé à prendre le virage des réseaux sociaux.
Préoccupation sincère
La motivation traduit cependant une préoccupation aussi sincère qu’inquiétante. M. Dorval évoquait en septembre les résultats d’un sondage faisant ressortir que près de la moitié des Québécois estiment que les entreprises ne profitent pas à la société. Il retenait également que, « selon le baromètre des professions, la confiance des Québécois envers toutes les professions qui ont trait à l’argent a diminué de plus de 20 % en 20 ans ». Le p.-d.g. a raison : il existe un malaise profond qu’on ne peut que déplorer. Et, oui, un fossé s’est creusé.
Il faudra expliquer tout cela. Mais il faudra parler alors de toutes ces entreprises s’adonnant à l’évitement fiscal. De ces études mettant en exergue tous ces profits des entreprises accaparés par les actionnaires plutôt que redistribués aux employés. Du salaire réel faisant en définitive du surplace, entreprises et actionnaires s’appropriant l’essentiel des gains de productivité. De cette étude de l’IREC affirmant qu’on assiste depuis 30 ans à un vaste mouvement de transfert de la valeur aux actionnaires, accompagné d’une érosion sensible des salaires. De cette autre étude, celle de l’IRIS, illustrant que les baisses d’impôt consenties aux entreprises pendant les années 1990 et à la fin des années 2000 afin de stimuler l’investissement ont plutôt engendré la surépargne des entreprises.
Mercredi, dans ses recommandations prébudgétaires, l’Association des économistes québécois (ASDEQ) a dû ramener le gouvernement à son rôle dans un contexte « où les consommateurs sont endettés » et où « les entreprises hésitent à investir ». Alors que l’IRIS dénonçait en janvier le fait que les entreprises dorment sur une montagne de liquidités, l’ASDEQ se dit préoccupée par le fait que « c’est au Québec que le fardeau des contribuables est le plus élevé en Amérique du Nord si l’on tient compte de l’ensemble des ponctions fiscales et des prélèvements sur la masse salariale provenant des gouvernements de Québec et d’Ottawa ainsi que des administrations municipales et scolaires ».
Bref, il faudra aborder cette prospérité économique asymétrique. Mais on ne fera que parler.