Pas un échec

Ce minisommet de l’ONU sur le climat n’a pas été un échec. Certes, il n’y a pas eu de résultats concrets ni d’engagements contraignants, mais que peut-on espérer d’une rencontre politicienne préparatoire au grand rassemblement de décembre 2015 à Paris ? On a pu y voir que les gouvernements sentent désormais sur eux cette pression les exhortant à exercer le leadership politique faisant encore défaut.

Les 120 chefs d’État et de gouvernement réunis à New York ont compris en quittant le sommet qu’ils n’ont plus le droit à l’immobilisme. L’inertie politique n’est plus un choix, d’autant que le changement climatique est toujours mieux documenté et confirmé, et que le réchauffement s’accélère à vitesse grand V.

On peut laisser aux tenants du catastrophisme le soin de démontrer qu’il est trop tard, que le point de non-retour a été franchi. Or, il se dégage plutôt du sommet éclair de New York l’impression que les gouvernements, traditionnellement retardataires, commencent à saisir que des changements sont déjà en cours. Qu’il est encore possible de baliser la marche à suivre et de l’aligner sur des cibles ambitieuses plutôt que de se limiter à configurer des lendemains empruntant au fatalisme.

Auparavant, les analystes se contentaient de chiffrer les coûts du laisser-faire ou du déni. D’autres suggéraient d’aller plus à fond dans le réalisme et d’élargir les indicateurs pour englober les externalités, transformant ainsi la croissance officielle en une décroissance s’apparentant à une longue dépression. Des études se succèdent depuis, démontrant plutôt qu’il y a adéquation entre protection de l’environnement et croissance économique. Mieux, la lutte contre les changements climatiques pourrait se faire à coût dérisoire, nous dit un rapport de l’ONU. Au début d’août, le FMI publiait un livre en appui à une proposition de virage vert de la fiscalité. On y apprenait qu’une taxe carbone fixée au niveau approprié devenait même synonyme de croissance, ajoutant au PIB tout en incitant à adopter des comportements amenant une réduction notoire des émissions de carbone et des décès liés à la pollution de l’air.

Un déni

 

Déjà, sur la scène économique, des personnages influents du monde des affaires américain avaient, en définitive, mis la table à la fin de juin. Ils dévoilaient les conclusions d’un rapport sur les lourdes conséquences du réchauffement climatique sur leur économie. On y démontrait que de ne pas tenir compte de la valeur actuelle des externalités négatives venant de l’environnement en général, de l’impact du réchauffement climatique en particulier, relevait désormais du déni.

Rien de nouveau, donc, mais le rapport Risky Business, commandé par des personnages issus tant des rangs démocrates que républicains, avait le mérite de surprendre. Les commanditaires se défendaient de reprendre à la lettre la thèse des partisans du catastrophisme pour qui, face au réchauffement climatique, seule la peur peut être catalyseur de changement. Ils confirmaient que le monde des affaires avait récupéré le thème non pas par opportunisme, mais bien dans un contexte d’évolution des mentalités. D’autant que les décideurs économiques sont désormais toujours plus confrontés à des modèles de financement incorporant le risque environnemental et le cycle de vie complet de leur production.

Ils y voyaient une façon d’infléchir le leadership politique. Car, faut-il le rappeler, le creusement des inégalités venait de supplanter l’effet des changements climatiques au sommet de la liste des grands périls de la planète établie auprès de 700 experts sondés par le Forum économique de Davos. Certes, les écarts grandissants de revenus entre riches et pauvres, la disparition de la classe moyenne et le chômage structurel, particulièrement sensible chez les jeunes, sont des enjeux économiques et sociaux de première urgence. Mais il y avait risque qu’ils accaparent toute l’attention de gouvernements plutôt obnubilés par le court terme de leur mandat. Le rapport Risky Business avait le mérite de ramener les préoccupations environnementales à l’échelle de l’immédiat.

Le ton a changé au sommet de l’ONU. Il fallait convaincre les gouvernements qu’ils n’avaient pas à choisir entre les effets du réchauffement climatique et une réponse aux défis immédiats auxquels ils sont confrontés.

Il faut cependant en convenir, le rendez-vous de Paris est encore lointain.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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