La phytoremédiation, une solution pour les sols contaminés?

Phytoremédiation d’un site où des saules sont utilisés pour le traitement du sol et de l’eau souterraine dans le sud-ouest de Montréal.
Photo: A. Voicu Phytoremédiation d’un site où des saules sont utilisés pour le traitement du sol et de l’eau souterraine dans le sud-ouest de Montréal.

La phytoremédiation, une technique de dépollution des sols, est un sujet de recherche qui intéresse depuis une dizaine d’années Michel Labrecque, botaniste et chef de division R D scientifique au Jardin botanique de Montréal et professeur associé en science biologique à l’Université de Montréal.

 

En phytoremédiation, les micro-organismes du sol, en conjonction avec les plantes, réduisent la mobilité de certains agents polluants contenus dans les sols ou dans l’eau. En les absorbant, les plantes font de la phyto-extraction ; si elles les fixent dans leurs tissus, elles font de la phytostabilisation ; et si elles les métabolisent, permettant ainsi leur détoxification et leur élimination, elles font de la phytodégradation.

 

En plein essor, la phytoremédiation et les phytotechnologies en général aident à résoudre des problèmes écologiques importants grâce à l’utilisation de végétaux.

 

Entretien avec Michel Labrecque.

 

Quelle est la solution classique pour la décontamination des sols?

 

La solution classique utilisée pour les sols contaminés est de creuser, de mettre ce sol dans de gros camions et d’aller l’enfouir ailleurs, ou parfois de le traiter, explique Michel Labrecque. On appelle ça du dig and dump, et il y a aussi des risques de contamination lors du déplacement.

 

Afin de régler rapidement le problème, cette méthode est souvent appliquée aux terrains de petites dimensions, mais les grands sites contaminés, eux, sont généralement clôturés et laissés à l’abandon, à cause des coûts.

 

La phytoremédiation, qui permet de régler le problème in situ, offre dans ces cas-là une solution intéressante. D’ailleurs, si cette technique avait été appliquée il y a 5, 10, 15 ou 20 ans, de nombreux sites seraient désormais décontaminés.

 

Quels sont les deux types de contamination rencontrés?

 

Nous rencontrons deux types d’agents contaminants : les métaux traces, tels que le cadmium, le plomb, le zinc et le cuivre, puis les composés organiques complexes, tels que les teintures, les hydrocarbures et les pesticides.

 

Premièrement, pour la décontamination des métaux traces, on choisit des plantes soit qui absorbent et stabilisent les agents contaminants dans leurs racines (phytostabilisation), soit qui les transloquent dans leur feuillage (phyto-extraction). Si la deuxième méthode est utilisée, les plantes sont recepées et ensuite brûlées. Par conséquent, au lieu de travailler avec des tonnes et des tonnes de sols, on travaille avec des kilos de plantes et ensuite de cendres dans lesquelles sont concentrés les métaux.

 

De plus, certains métaux précieux, tels que l’or, le nickel et l’argent, peuvent être extraits des cendres. Comme les métaux traces sont peu mobiles, la décontamination dans ces cas est un travail de longue haleine : on parle de décennies. D’autre part, sa croissance rapide, sa grande biomasse et son système racinaire vigoureux ont fait du saule la plante de prédilection pour la phytoremédiation.

 

Deuxièmement, dans le cas des composés organiques complexes, les plantes travaillent avec les micro-organismes du sol qui sont activés grâce aux exsudats racinaires sécrétés par celles-ci. Les molécules complexes sont ainsi dégradées (phytodégradation), et ce, dans un horizon assez court, car le processus est plus simple.

 

Vous travaillez actuellement sur la faisabilité de la décontamination d’un jardin communautaire : pouvez-vous nous l’expliquer?

 

Actuellement, nous avons un projet de recherche visant à évaluer la faisabilité de la décontamination de sites sur lesquels il y a déjà eu des jardins communautaires. Ce projet est d’une durée de trois ans et nous amorçons la deuxième année. Nous analysons le cycle de vie de l’intervention : évaluation des coûts énergétiques, des impacts écologiques… et nous voulons aussi démontrer l’efficacité de la phytoremédiation.

 

Pour ce projet intégré dans un tissu urbain, nous avons des contraintes paysagères, car le terrain doit conserver un aspect esthétique, et nous cherchons à simplifier le plus possible la gestion des végétaux.

 

Le projet Genorem

 

Genorem est un projet de recherche majeur qui, à l’aide de la génomique en particulier, vise à améliorer les techniques de phytoremédiation des sols pollués. Lancé en 2011, il réunit de nombreux chercheurs issus de différentes disciplines et bénéficie d’une importante subvention de 7,6 millions de Génome Canada et de Génome Québec.

 

Grâce à ce projet notamment, le Québec — mais surtout l’Université de Montréal — est devenu une référence au monde dans le domaine.

 

Colloque de la Société québécoise de phytotechnologie

 

Les 29 et 30 mai derniers a eu lieu le colloque annuel de la Société québécoise de phytotechnologie, sur le thème « De la rive au talus, la stabilisation des sols ». Les phytotechologies proposent des solutions actuelles et innovantes pour cet enjeu majeur auquel sont confrontées nos sociétés.

 

Trois conférenciers internationaux étaient sur place. Bernard Lachat, ingénieur et biologiste de la Suisse, a souligné l’importance de respecter les modèles naturels, la morphodynamique, l’espace et la diversité des cours d’eau. André Evette, chercheur et ingénieur de la France, a mis l’accent sur le génie végétal en rivière et l’adaptation de techniques ancestrales aux nouveaux défis d’un monde en transition. Et Slobodan B. Mickovski, Ph. D. Ceng MICE, en a surpris plusieurs avec l’aspect géotechnique de la stabilisation des pentes de talus à l’aide de la végétation. Plusieurs autres excellents conférenciers québécois ont fait le point sur les récents développements en la matière.

 

En vrac

 

Le journal Les Affaires du 30 janvier 2014 a dressé une carte des terrains contaminés au Québec. Il y a 5593 emplacements qui sont toujours à nettoyer, selon les gouvernements québécois et canadien.

 

À la suite de l’accident à la centrale nucléaire de Fukushima, les scientifiques du Japon songent à utiliser le cannabis pour décontaminer les sols. Testé antérieurement à Tchernobyl, le cannabis s’est montré efficace pour extraire les radionucléides qui contaminent les sols.

 

Dans un futur pas si lointain, selon Michel Labrecque, il sera possible de créer la plante OGM parfaite pour la phytoremédiation, mais on devra s’assurer de ne pas générer de nouveaux problèmes en voulant en résoudre un.

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Au jardin cette semaine

- Si vous êtes à la recherche de paillis de cacao, qui se dégrade plus rapidement que le cèdre mais qui n’acidifie pas les sols, vous en trouverez à la Pépinière Gentile, 8360, rue Pascal-Gagnon, Saint-Léonard. Merci à Mme Sylvie Audouin !

- Vos hibiscus vivaces semblent morts : soyez patient, ils ont besoin de beaucoup de chaleur avant de commencer leur croissance.

- Comme le printemps est humide, on doit surveiller les limaces : on les contrôle soit avec des écailles d’œufs, soit avec de la cendre, de la bière ou des produits commerciaux.

- Étant donné que les nuits sont maintenant plus douces, on peut sortir nos plantes tropicales, mais, même dans le cas de celles qui aiment le soleil, ne les placez pas immédiatement sous les rayons ardents, car elles brûleraient

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Dans la bibliothèque

Plantes aromatiques
Bénédicte Boudassou
Guide Hachette Jardin
Hachette, 2014, 95 pages

Un petit livre sur les plantes aromatiques qui est garni de belles photos et qui, de plus, regorge d’informations pratiques. D’abord, on y trouve tous les trucs essentiels pour ces plantes, leur utilisation, leur culture en pleine terre, en pot, la façon de les récolter et de les conserver, mais aussi comment choisir les meilleures associations au jardin et les différentes façons de créer son potager aromatique. Chaque plante a une fiche technique bien documentée qui présente les espèces et les variétés, la culture et la récolte, les propriétés et les utilisations… puis un conseil de l’auteur.

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Activités

La fête de la plante médicinale

Le dimanche 8 juin, la Guilde des herboristes organise au Jardin botanique de Montréal une journée « Plantes médicinales ». Cette année, l’agripaume cardiaque prend la vedette. Les activités se déroulent entre 10 h et 16 h 30 avec la vente de produits et des conférences. À 11 h 30 : « Les arbres et plantes médicinales urbaines, des nomades résilientes », par Anny Schneider, auteur et herboriste-thérapeute ; à 12 h 30, « Cuisinez les fleurs comestibles », avec Nathalie Beaudouin, herboriste ; et, à 14 h, « L’agripaume cardiaque, un baume d’amour pour la santé du cœur », avec Chantal Beaulieu, herboriste thérapeute. C’est gratuit.

Vente de plantes chez Solo Vivaces

Une fois par année, Solo Vivaces invite les amateurs de vivaces rares et inusitées à y faire des achats et à visiter ses champs de production. La journée portes ouvertes a lieu le samedi 14 juin, de 9 h à 16 h, au 4395, avenue des Perron, Laval.

 

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

Plantes aromatiques

Bénédicte Boudassou

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