L’ex Marie Grégoire

Exit le péquiste Jean-Pierre Charbonneau. Expulsé le libéral Christos Sirros. Les exclusions ont été annoncées vendredi par Le club des ex de RDI en même temps que l’arrivée de deux nouveaux experts, soit Gilles Duceppe du côté des souverainistes et Yolande James pour les libéraux.

 

Deux extraits et deux extras, donc. Ce qui laisse en place l’animateur Simon Durivage et la panéliste Marie Grégoire. La version officielle de la direction explique qu’il s’agissait de renouveler la formule tout en assurant une certaine continuité. La mutation dans la continuation. La routine habituelle.

 

Pas besoin de creuser très loin pour extraire d’autres causes du changement. M. Charbonneau se serait fait dire qu’il était « trop intense ». M. Sirros lui, péchait peut-être par l’extrême contraire. Et Marie Grégoire ? Quelles qualités expliquent qu’elle reste ?

 

La formule de l’émission quotidienne fait commenter l’actualité sociopolitique par d’anciens députés ou ministres des grands partis. Mme Grégoire a été un tout petit temps une élue de l’ADQ, formation qui n’existe plus. Elle parle vraisemblablement de là.

 

Mais Marie Grégoire est aussi vice-présidente et associée principale de Tact Intelligence-Conseil. La firme a été fondée en septembre 2011, alors que la membre du club s’activait déjà quotidiennement en ondes. Selon son site, Tact offre des services en « affaires publiques et relations gouvernementales », mais aussi d’« accompagnement en vue d’audiences publiques et de commissions parlementaires », de « relations de presse » et de « prévention et gestion de crise ».

 

La liste des clients rassemble la Banque Laurentienne, Labatt, Ubisoft, St-Hubert, les éleveurs de porcs du Québec, IGA, la Financière Sun Life, la pharmaceutique Merck. Du Québec inc. et du capitalisme mondialisé, quoi.

 

D’où la question toute simple : Marie Grégoire ne se place-t-elle pas parfois en apparence de conflit d’intérêts ?

 

En tout cas, Tact peut conseiller la pétrolière Valero tandis que sa vice-présidente commente à la télé le projet d’exploitation des réserves d’Anticosti ou le plan d’électrification des transports. Tact a Roche Pharma comme cliente et son associée principale peut juger en ondes le projet Pharma Québec de Québec solidaire. Tact aide Gaz Métro et Marie Grégoire peut parler éolienne ou nucléaire en ondes.

 

D’où la question répétée il y a quelques semaines à la principale intéressée : Marie Grégoire, êtes-vous en conflit d’intérêts ?

 

« À votre question, je réponds pas du tout, a-t-elle tranché dans un courriel. Mes propos représentent mes opinions personnelles. Elles se sont construites à travers une expérience politique et professionnelle de longue date. Elles sont cohérentes et indépendantes des organisations au sein desquelles j’ai travaillé. »

 

Elle poursuit en se réclamant d’une position nette et pure. « […] Mon attitude a toujours été d’agir en toute transparence, écrit-elle encore. Je n’ai jamais caché mon parcours professionnel. Si jamais il y a une zone grise, soyez assuré que [je]n’hésite pas à le mentionner en ondes. D’ailleurs, j’ai justement choisi de faire de la consultation pour garder ma liberté et l’indépendance qui vient avec. »

 

Liza Frulla donne-t-elle l’exemple d’un précédent ? En mars 2013, l’ancienne ministre libérale a quitté Le club des ex et le panel du Téléjournal du jeudi quand l’entreprise de son mari, André Morrow, a été citée durant la commission Charbonneau. Dans un communiqué envoyé par Radio-Canada, elle expliquait devoir se retirer parce que « le mandat de panéliste politique, notamment dans une émission comme Le club des ex, implique qu’on puisse commenter librement et spontanément les développements de l’actualité brûlante ».

 

Cette fois, Radio-Canada défend sa panéliste. « Radio- Canada n’est pas l’employeur de Mme Grégoire », explique Marc Pichette, directeur des relations publiques de la Société d’État. « […] Ses opinions n’engagent qu’elle. Il en est de même pour tout autre commentateur invité à notre antenne. »

 

Dans son courriel, M. Pichette ajoute : « Cela dit, Radio-Canada s’attend à ce que les commentateurs réguliers ne se trouvent pas en situation de conflit d’intérêts. Nous considérons que les explications de Mme Grégoire sont amplement satisfaisantes dans le dossier […] soumis [par Le Devoir] à notre attention. »

 

Très bien. Passons à autre chose alors. Tant qu’à renouveler dans la continuité, pourquoi avoir conservé ces trois seuls angles partisans ? Pourquoi ne pas inclure un ex (ou un in) venant de Québec solidaire, la formation qui a bel et bien participé aux débats des chefs ? Ou quelqu’un du NPD ? Après tout, ce parti a presque rayé de la carte le Bloc québécois aux dernières élections fédérales. Et carrément fait de Gilles Duceppe un ex…

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