Des obligations encore vert pâle

Les obligations vertes composent encore un marché restreint. Dans l’attente d’une demande appelée à croître, ces obligations dédiées deviennent mieux encadrées et intéressent davantage d’émetteurs.

 

La Banque mondiale a, en définitive, donné le coup d’envoi à cette forme d’investissement dite socialement responsable avec une première émission d’obligations vertes effectuée en 2007-2008 auprès d’investisseurs institutionnels. Après les fonds éthiques et les « fonds verts », la Banque mondiale créait ainsi un lien direct entre les investisseurs et les projets environnementaux, ici associés au réchauffement climatique. Mais sans les risques inhérents à l’investissement direct.

 

Sous le sceau de ces grands émetteurs, l’opération consistait, à l’origine, à émettre des obligations vertes présentant les mêmes caractéristiques financières que les obligations traditionnelles émises par ces mêmes institutions. Avec, aussi, le même rendement. Elles sont en outre de la plus haute qualité en matière de notation de crédit. Ces obligations ne comportent pas de frais additionnels et n’exposent pas leurs détenteurs au risque inhérent aux projets financés. Les projets financés par ces obligations vertes couvrent généralement ceux ayant pour objectif de faire face au changement climatique, soit en atténuant les effets, soit en s’y adaptant. La vérification diligente est effectuée par les émetteurs de ces titres.

 

11 noms différents

 

Du moins, cela valait pour les premières générations d’obligations vertes. Depuis, et avec aujourd’hui une trentaine d’émetteurs utilisant au moins 11 noms différents pour leurs obligations vertes, le marché tend à devenir mieux encadré, balisé et normalisé. Le cabinet spécialisé en titres obligataires Addenda Capital rappelle que « le programme international de normes et de certification des obligations vertes dirigé par la Climate Bonds Initiative [CBI] est le système en cours d’élaboration le plus fiable à ce jour pour aider les investisseurs à évaluer l’exactitude des affirmations relatives à l’environnement ».

 

De plus, « pour que les obligations soient certifiées vertes, elles doivent répondre aux critères qui s’appliquent au projet puis faire l’objet d’une vérification par un tiers autorisé et recevoir l’approbation du conseil des normes en matière d’obligations climatiquement responsables », explique le cabinet.

 

Récemment, les banques Royale et de Montréal ont annoncé qu’elles figuraient parmi les 25 institutions financières de premier plan ayant adhéré aux Principes sur les obligations vertes, comprenant une série de dispositions visant à uniformiser le traitement et l’élaboration de ce type d’instruments financiers dédiés. Ce geste volontaire a pour objectif de promouvoir l’intégrité du marché de ces obligations.

 

Masse critique

 

« Les institutions financières internationales ont commencé à offrir des obligations vertes parce qu’un groupe de leurs investisseurs réguliers a exprimé le désir d’investir exclusivement dans des activités comportant des bénéfices pour l’environnement », poursuit Addenda. Autrement, les investisseurs institutionnels se montrent plus réticents. Surtout, l’investissement direct expose à l’incertitude réglementaire et au risque technologique. Il est également limité par le nombre restreint d’occasions répondant au critère d’investissement.

 

Une masse critique commence donc à prendre forme. Mais tout cela demeure encore minime, embryonnaire. Selon le CBI, la valeur des obligations vertes émises en 2013 était de 11 milliards $US, soit moins de 0,2 % du volume total des titres de créances émis l’an dernier. Depuis le début de 2014, la valeur émise oscille autour de 9 milliards. Depuis leur apparition en 2007, leur valeur totale atteint les 29 milliards. On retient également que, si ces obligations offrent un rendement à l’échéance équivalant à celui des obligations traditionnelles, elles peuvent être soumises à un marché secondaire restreint et plus volatil. « En matière de risques, les obligations vertes pourraient comporter des niveaux plus élevés de risque politique, d’incident et de liquidité », met en exergue Addenda.

 

Milliers de milliards

 

Quant au potentiel de marché, l’Agence internationale de l’énergie a estimé à 36 000 milliards $US les investissements additionnels requis jusqu’en 2050 pour obtenir une probabilité de 80 % de limiter à 2 °C l’augmentation de la température mondiale à long terme, a illustré Addenda. Le cabinet international d’avocats Latham Watkins a souligné, pour sa part, que les gouvernements et fournisseurs de services publics recherchent des façons innovatrices de financer des initiatives en matière d’énergie propre, qui pourraient nécessiter des investissements de 2300 milliards $US au cours de la période 2010-2020.

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