Perspectives - Diplomatie économique

Dans le nouveau plan d’action économique quinquennal dévoilé mercredi, les services des délégués commerciaux, les fonctionnaires aux affaires internationales et autres grands ambassadeurs et agents consulaires mandataires de la politique étrangère canadienne sont réquisitionnés. Il faut assurer le succès des entreprises canadiennes et des investisseurs sur les marchés internationaux.


Selon le nouveau Plan d’action sur les marchés mondiaux, dévoilé par le ministre fédéral du Commerce international Ed Fast, « tous les actifs diplomatiques du gouvernement du Canada seront conscrits au profit du secteur privé afin d’atteindre les objectifs établis dans les marchés clés à l’étranger ». Il faudra délaisser les repas guindés pour les lunchs de chambres de commerce. Et les objectifs sont à ce point ambitieux que toute la diplomatie canadienne est mobilisée. Dorénavant, les acteurs de la politique étrangère et des affaires internationales du gouvernement canadien voient leur mandat être tributaire de la réussite commerciale des entreprises et des investisseurs canadiens.

 

Pour être certain de satisfaire les moindres besoins des entreprises canadiennes dans le développement de ses marchés à l’étranger, le gouvernement fédéral a appuyé l’ébauche de son plan commercial mondial sur la contribution d’un groupe-conseil composé des représentants des grandes associations patronales, a souligné le Globe and Mail dans son édition de mercredi.

 

Le commerce constitue donc, désormais, le coeur, voire l’axe dominant de la politique étrangère canadienne. On en a eu un aperçu en mars dernier lorsque le gouvernement Harper a mis la hache dans l’Agence canadienne de développement international en fusionnant l’organisme avec Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada. Et les récentes données sur l’aide au développement témoignent de ce glissement, de ce désintéressement.

 

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a d’ailleurs fait ressortir, en avril dernier, le recul de l’aide au développement des pays riches. La baisse comptabilisée en 2012 était la plus marquée en plus de 15 ans. Le Canada empruntait le chemin inverse avec une aide accrue de 4,1 % en 2012, mais qui faisait suite à une baisse de plus de 5 % l’année précédente et qui prenait plutôt la forme d’un allégement de dette. Quant à l’effort total relatif, le Canada arrivait bien en dessous de la moyenne de l’OCDE (0,43 %), avec une aide au développement atteignant seulement 0,32 % de son PIB. Ottawa ne cesse de s’attirer les critiques de la part des organisations canadiennes d’aide au développement ces dernières années. Selon des estimations d’organismes de coopération internationale, l’aide publique au développement du Canada devrait chuter de 14 % d’ici 2015, pour être ramenée à 0,24 % de son PIB.


Fidèle à lui-même

 

Cela étant, le gouvernement Harper reste fidèle à lui-même et garde sa ligne de conduite. Son plan économique précédent mettait l’accent sur la multiplication des accords commerciaux bilatéraux tout en jetant les bases de négociations plus vastes devant mener à la signature de l’ambitieux accord de libre-échange avec l’Union européenne. Le Canada s’est également invité à la table de négociations du vaste projet de Partenariat transpacifique.

 

On peut également se rappeler l’association faite entre la volonté exprimée du gouvernement Harper de voir une remontée des exportations et la nomination du président de l’agence fédérale chargée de faire la promotion des exportations (EDC), Stephen Poloz, à la tête de la Banque du Canada, en juin. La nomination de Stephen Poloz, préféré à Tiff Macklem, successeur pressenti de Mark Carney à la tête de la banque centrale, a fait croire, chez certains observateurs, à un éventuel assouplissement de la politique monétaire afin d’abaisser la valeur du dollar canadien et d’augmenter les exportations canadiennes. D’autant qu’avec la crise et la disparition de quelque 9000 PME, le Canada a vu sa capacité à exporter s’affaiblir dangereusement. Stephen Poloz, dont les compétences pour diriger la Banque du Canada sont reconnues, a tôt fait de briser ce lien et de rappeler l’indépendance de l’institution.

 

Et l’on attend toujours d’Ottawa des règles plus claires en matière d’investissements étrangers, lui qui multiplie l’exercice de droits de veto sur des projets d’acquisition majeurs.

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