Le rituel du xocoalt, la boisson des dieux

Un temple maya dans la région mexicaine de Tabasco. Dès le IVe siècle, les Mayas cultivent le cacao.
Photo: Philippe Mollé Un temple maya dans la région mexicaine de Tabasco. Dès le IVe siècle, les Mayas cultivent le cacao.
Tout a commencé dans une plantation ombragée du Mexique, plus précisément dans l’État de Tabasco. Il s’agit d’un fruit nommé cabosse qui se teinte de couleur au fil de sa maturation. La cabosse renferme des fèves laiteuses, très peu sucrées et acidulées.

La première fois qu’on se retrouve dans une plantation, c’est surprenant. On découvre alors, probablement comme les Toltèques, les Mayas et les Aztèques à l’époque, sur le tronc de l’arbre, la fleur qui se transforme vite en toute petite cabosse. Les cabosses vont grossir de cinq à sept mois avant la cueillette.

Les Mayas cultivent le cacao

On sait qu’entre le IVe et le Xe siècle, les Mayas cultivent le cacao et qu’ils tirent déjà de la fève une boisson amère. Dans la foulée, les Aztèques vont parfaire à leur tour la recette à partir de la fève fermentée et grillée, qu’ils vont nommer xocoalt. Sur une meule de pierre volcanique, ils écrasent la fève avec de la vanille, du piment et du maïs, puis complètent la recette en ajoutant parfois du miel.

L’empereur aztèque Moctuzema offrira à Hernán Cortés, dans une coupe en or, la fameuse boisson qu’on donne aux guerriers selon un rituel rigoureux et en gage de respect pour les dieux. Avant Cortés, Christophe Colomb était parti à la conquête du Mexique. Pensant qu’il s’agissait d’une monnaie d’échange, il ne s’intéresse pas au cacao. Cortés, lui, fait parvenir en Espagne, en 1528, la première cargaison. Au fil des ans, dans le Pays basque tant espagnol que français, le chocolat acquiert une importance capitale. En 1596, le chocolat est introduit en Italie, puis en France, avec le mariage d’Anne d’Autriche à Louis XIII.

Petit à petit, le chocolat gagne toute l’Europe, avant de revenir aux États-Unis en 1780 avec l’apothicaire James Baker, qui s’intéresse d’abord à ses vertus médicinales avant de manifester son intérêt pour le plaisir qu’il procure et l’usage gastronomique qu’on peut en faire.

Un grand produit du monde

Dès la cueillette de la cabosse, celle-ci est ouverte afin d’en récupérer la fève laiteuse. Viendra ensuite, durant plusieurs semaines, la fermentation nécessaire au développement des arômes, puis le séchage au soleil, la torréfaction et, enfin, le conchage, technique qui consiste à rendre le grain de la fève d’une extrême finesse, pour en faire du chocolat.

Par la suite, on ajoute tantôt du beurre de cacao, tantôt du sucre et du lait, pour produire les tablettes de chocolat que nous connaissons. Le pourcentage du cacao et du sucre utilisés dans la fabrication dépend avant tout de l’intérêt des consommateurs pour le chocolat noir, amer, et donc moins sucré. À ce jour, on a su sélectionner de grands crus chez les grands pays producteurs de cacao comme la Côte d’Ivoire, Cuba, la République dominicaine ou encore le Brésil et l’Équateur.

Bien que le Mexique soit le fief du fruit cultivé, le pays est considéré comme un producteur moyen au chapitre des quantités récoltées, tout comme le Venezuela et la Colombie. Trois principales variétés se partagent le marché mondial du cacao. Le Criollo représente de 5 à 8 % du volume total utilisé. Il se distingue par la finesse des fèves, peu amères, et un arôme délicat. Le Trinitario est en fait un hybride du Criollo et du Forestaro. Il a d’abord été identifié sur l’île de Trinité et représente 20 % de la production mondiale. Enfin, le Forestero, qui fournit la majorité du cacao (70 %), est surtout cultivé en Afrique de l’Ouest, au Brésil et en Équateur.

Comme pour un vin, les chocolatiers reconnus usent parfois d’assemblages de fèves ou encore de crus redécouverts au Pérou, comme celui qu’utilise le grand chocolatier Christophe Morel, à Montréal, pour la confection de tablettes de chocolat uniques et d’une grande finesse.

La concurrence dans le domaine du chocolat est devenue féroce et a dépassé depuis bien longtemps la boisson des dieux originale. Rien n’arrête les chocolatiers, qui font preuve de créativité pour concevoir recettes et bonbons avec des arômes, des épices ou encore des noix et amandes de toutes sortes.

Ce métier valorise le chocolat et met en évidence la fève des dieux. Les Mayas ont laissé un héritage intéressant, recherché par les fins connaisseurs et les épicuriens du monde entier, le xocoalt. Plus qu’un breuvage, la boisson divine fait désormais partie de nos plaisirs gourmands.


Philippe Mollé est conseiller en alimentation. 

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DÉCOUVERTE

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Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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