Intelligentes, les plantes?

Deux chercheuses canadiennes ont démontré que les racines des arbres se greffent les unes aux autres. Leur cambium, un tissu vivant situé à la limite du bois et de l’écorce et qui permet le transport de l’eau et des minéraux, se fusionne, favorisant ainsi les échanges d’un arbre à l’autre.
Photo: Doucet Deux chercheuses canadiennes ont démontré que les racines des arbres se greffent les unes aux autres. Leur cambium, un tissu vivant situé à la limite du bois et de l’écorce et qui permet le transport de l’eau et des minéraux, se fusionne, favorisant ainsi les échanges d’un arbre à l’autre.

L’expression « intelligence des plantes » ainsi que celle de « neurobiologie végétale » créent beaucoup de vagues actuellement dans la communauté scientifique. Quoi qu’on en pense, il n’empêche que tout le monde s’entend pour dire que les plantes ne sont plus les objets quasi inertes que l’on croyait dans les 1990.

 

Inspiration de cette chronique, l’article-choc paru dans le magazine Science vie demars 2013 nous révèle les plantes sous un tout autre jour. Déjà, il y a 30 ans, on avait découvert que les plantes communiquaient à l’aide de composés organiques volatils. Au cours des dernières années, les découvertes se sont multipliées. L’exploration des capacités sensorielles et comportementales des plantes a démontré leur extrême sensibilité végétale. Selon Ian Baldwin, directeur de laboratoire de l’Institut d’écologie chimique Max-Planck en Allemagne, leur sensibilité serait comparable, voire supérieure à celle des animaux. À ce jour, plus de 700 sortes de capteurs sensoriels ont été trouvées ; ceux-ci sont chimiques, mécaniques, lumineux, etc. En général, ils sont plus réceptifs que ceux de l’humain. Par exemple, les plantes perçoivent des longueurs d’onde que notre oeil ne voit pas, elles réagissent à des effleurements auxquels notre doigt demeure insensible et, en particulier, elles reconnaissent des signaux chimiques que nous ne détectons aucunement. L’éthologie végétale, une autre expression controversée, étudie le comportement des plantes. Elle a dévoilé que les plantes, loin d’être inertes, modifient leurs formes et leurs compositions chimiques constamment. Selon Stefano Mancuso, professeur à l’Université de Florence, l’action des plantes passe inaperçue parce que leurs mouvements sont trop lents pour être perceptibles à l’oeil nu et que leurs signaux chimiques ne se détectent pas sans instrument. Les dernières découvertes démontrent aussi que les plantes ont un comportement social, car elles rivalisent plus ou moins rudement avec leurs voisines et partagent leurs ressources selon leur degré de parenté.

 

Deux exemples de… comportement

 

Le tabac et la chenille. La chenille attire, bien malgré elle, son prédateur, ont démontré Ian Balwin et son équipe de l’Institut Max Planck dans une étude dont les résultats ont été publiés dans le journal Science. En effet, pour se prémunir contre la chenille du Manduca sexta, un papillon nommé sphinx du tabac, la plante Nicotiana attenuata (ou tabac sauvage) dégage des composés chimiques volatils qui attirent le prédateur de son ravageur. En plus, après avoir ingéré des feuilles, la chenille aussi émet des composés chimiques volatils, lesquels sont encore plus efficaces que ceux dégagés par la feuille pour attirer son prédateur… une punaise qui se nomme Geocoris. Sans moyen de défense, les plantes ?

 

La solidarité et le sens du partage des arbres. Deux chercheuses canadiennes sont arrivées, chacune de leur côté, à la même conclusion : les arbres collaborent entre eux. Les recherches d’Annie Desrochers, professeure à l’Université d’Abitibi-Témiscamingue, et d’Émilie Tarroux, doctorante, dont les résultats ont été publiés dans l’American Journal of Botany, ont révélé que les arbres sont reliés par leurs racines et communiquent ainsi entre eux. Elles ont démontré, en exhibant les racines d’un échantillon de la forêt abitibienne, que celles-ci se greffent les unes aux autres. Leur cambium, un tissu vivant situé à la limite du bois et de l’écorce et qui permet le transport de l’eau et des minéraux, se fusionne, favorisant ainsi les échanges d’un arbre à l’autre. L’étude s’est penchée sur les peuplements de pins gris, mais d’autres espèces ont montré le même phénomène, comme l’épinette noire et la grise, le pin blanc et le peuplier faux-tremble. Fait intéressant, des greffes entre espèces différentes n’ont jamais été observées. Finalement, les arbres, constate-t-on, ne sont pas des individus en compétition, mais des colonies partageant ressources et nutriments.

 

Suzanne Simard, écologue et professeure à l’Université de la Colombie-Britannique, a aussi confirmé, avec ses étudiants, que les arbres partagent leurs ressources, mais aussi que les vieux arbres s’occupent des plus jeunes. En enveloppant les branches d’un pin de l’Oregon, Pseudotsuga menziesii, et en y injectant du CO2 faiblement réactif, ils ont pu suivre à la trace, à l’aide d’un compteur Geiger, des sucres qui étaient transférés d’un arbre à l’autre. Et ceux qui profitent le plus de ces échanges sont les jeunes qui poussent sous les grands arbres-mères et qui sont issus de leurs graines ! Dans ce cas-ci, les mycorhizes, des champignons microscopiques présents dans le sol, ont été reconnues comme le réseau connectant les arbres et transportant les substances nutritives.

 

L’intelligence des plantes et la neurobiologie végétale

 

Ces deux expressions, intelligence des plantes et neurobiologie végétale, sont très controversées, et on comprend pourquoi. Ian Baldwin, qui préconise l’usage du terme « intelligence », précise qu’il faut le comprendre dans le sens de la capacité des plantes à percevoir leur environnement et à s’y adapter finement. Mais pour Francis Hallé, écologiste français réputé, ce mot est inopportun, car il suppose la notion de choix, alors que les plantes agissent automatiquement. Quant au mot « neurobiologie », certains chercheurs estiment que celui-ci ne devrait être employé que pour le monde animal. Mais ce n’est pas l’opinion de Frantisek Baluska, spécialiste slovaque de neurobiologie végétale. Selon celui-ci, les plantes traitent également l’information et ceci à l’aide d’un tissu cellulaire semblable aux tissus neuronaux. Elles sont sensibles à leur environnement avec toutes leurs surfaces et l’extrémité de la racine serait particulièrement perceptive ; elle pourrait même être comparée à la tête des animaux. Les derniers mots iront à Francis Hallé : « Si le riz a deux fois plus de gènes que l’homme, cela montre bien qu’il est au fond plus complexe. » En effet, un petit grain de riz possède 50 000 gènes tandis que l’homme en possède seulement 30 000.


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Au jardin cette semaine

Plus d’un million de personnes au Québec sont allergiques au pollen de l’herbe à poux. Donc, si on en a sur son terrain, on s’assure de l’arracher ou de la faucher.

Au potager, il est temps de récolter l’ail à tige dure. Si les tomates ou les piments ont une tache noire sous leur fruit, c’est qu’ils souffrent de pourriture apicale, qui est un problème abiotique. On peut tenter de corriger le problème à l’aide d’une vaporisation de calcium, soit 5 gr./litre de nitrate de calcium, ou essayer la recette de lessis de Lili Michaud (dans son livre Mon potager santé). On verse un kilo de cendre dans un sceau et on couvre le tout d’eau. On mélange et on laisse reposer pendant une nuit. Puis, on utilise cette eau pour arroser les plants.

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Idées de sortie

Les Jardins du Grand-Portage. Depuis déjà 34 ans, Yves Gagnon et Diane Mackay entretiennent, améliorent et transforment avec toute leur âme et leur cœur Les Jardins du Grand-Portage à Saint-Didace, dans Lanaudière. Dans cette oasis de paix et de tranquillité, on déambule doucement à travers les sentiers pour y découvrir chaque jardin. Conçus pour être autosuffisants, ils sont d’abord potagers et médicinaux, mais des plantes ornementales omniprésentes apportent une touche de gaieté et augmentent la diversité végétale. Un endroit pour se reconnecter, apprendre et découvrir. Le public est invité à venir visiter les jardins entre 10 h et 17 h jusqu’au 2 septembre. Le prix d’entrée est de 8 $ pour un adulte et c’est gratuit pour les moins de 12 ans. À noter que le dimanche les propriétaires offrent une visite commentée à 11 h.

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Pour la bibliothèque

Tous ceux qui ont fait de l’herborisation dans les années 1980-1990 connaissent bien ces petits volumes, qui étaient les outils de référence par excellence pour apprendre à connaître et à identifier les plantes. Comme c’est une réimpression, peu d’aspects ont changé, à part une nouvelle couverture et des photos de meilleure qualité dans plusieurs cas. Ces guides pratiques d’identification contiennent beaucoup de symboles, on s’y retrouve donc rapidement, et ils donnent énormément d’informations sur les plantes : intérêt agricole, utilisation culinaire, utilisation médicinale, etc. Le tome ii aurait gagné à être réédité lui aussi, pour avoir l’aspect graphique du tome i, plus aéré et mieux organisé.
 

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