Vos finances - Occasions d’investissement clairsemées
Marché obligataire volatil, récession persistante en Europe, ralentissement dans les pays émergents dominé par celui de la Chine, reprise américaine plus vigoureuse mais déjà largement escomptée, avec des indices boursiers records… La dernière présentation de Clément Gignac, vice-président principal et économiste en chef de l’Industrielle Alliance, donne une image plutôt clairsemée des occasions d’investissement. Bonne chance à tous!
Les rendements obtenus ici et là après les six premiers mois de 2013 parlent d’eux-mêmes. La performance des obligations canadiennes a été négative (de -0,3 % à -1,7 %, selon le type de portefeuille), avec une perte sur papier particulièrement ressentie dans la famille des obligations à rendement réel (-11 %). En Bourse, le S P/TSX de Toronto est en recul de 0,9 % après six mois, et ce, y compris le dividende. La glissade boursière est de 6,3 % pour les pays émergents. L’univers comprenant l’Europe, l’Australasie et l’Extrême-Orient a toutefois offert 8,1 %, mais les plus forts gains sont venus des États-Unis, avec un S P en poussée de 14 % (de 20 % après conversion en dollars canadiens).
Pour la suite des choses, la récente présentation de Clément Gignac est particulièrement éloquente quant au peu de choix offerts présentement aux investisseurs. L’économiste en chef de l’Industrielle Alliance croit que le marché boursier américain renferme du potentiel, notamment avec ses ratios cours-bénéfices « encore très raisonnables ». L’économie américaine prend du mieux avec un retour graduel de la confiance, un bilan des ménages « à son meilleur en 30 ans » et une chute drastique du levier des entreprises, dont un ratio dette-avoir des actionnaires revenu à un pour un.
À plus long terme, la plus importante économie de la planète laisse miroiter des changements structurels dits « inspirants », illustrés notamment par un plongeon des importations de pétrole brut. Clément Gignac mise sur une « renaissance de l’économie américaine grâce au retour en force du consommateur et à la révolution énergétique liée à l’extraction du gaz et du pétrole de schiste ».
Or ces données ne sont pas étrangères à la progression de 14 % du S P après six mois cette année. Depuis le creux atteint en mars 2009 lors de la Grande Récession, cet indice de référence affiche une hausse de 147 %. Encore hier, tant le Dow Jones que le S P établissaient un nouveau sommet historique, clôturant à 15 464,30 et à 1680,19 respectivement. En revanche, le ratio cours-bénéfices prévu du marché n’était que de 14,5 fois en juillet, contre 15,2 fois au sommet de 2007. Il y a donc encore un peu de place.
Correction immobilière sévère
Cette flambée renferme toutefois une composante « par défaut », dans la mesure où les solutions de rechange sont plutôt rares. « Le marché des actions offre encore un bon rapport risque-rendement, compte tenu du niveau actuel et prévisible des taux d’intérêt ainsi que de la diminution des attentes envers le marché obligataire », souligne Clément Gignac. L’économiste pense que le marché boursier canadien continuera d’être boudé par les investisseurs étrangers, notamment en raison de pressions baissières persistantes sur les prix des matières premières. L’économie canadienne devra également conjuguer avec « un ralentissement sévère appréhendé » dans le secteur immobilier.
Ici, les graphiques sont particulièrement parlants. Si le ratio du prix des maisons et du revenu personnel disponible des ménages canadiens suivait jalousement celui des ménages américains jusque-là, une cassure est survenue en 2005. Depuis, le ratio canadien atteint la stratosphère, alors que son correspondant américain est à un creux. Le ratio d’endettement des ménages canadiens poursuit également sa progression constante, pour se situer présentement à un sommet et pointer vers les 160 %, alors que celui des ménages américains a décroché depuis son sommet d’avant-récession pour se diriger vers la barre des 100 %.
Obligations vulnérables
La liste s’allonge. Pour sa part, l’Europe est aux prises avec des problèmes structurels et est confrontée à une récession appelée à se prolonger. À l’échelle planétaire, la croissance anticipée de 3 % du PIB mondial affiche un taux s’apparentant à un seuil de récession, le tout étant dominé par « un ralentissement bien enclenché en Chine ».
Reste le marché obligataire, qui demeure encore très vulnérable à des sorties de fonds, dans l’anticipation d’une fin de l’assouplissement monétaire exceptionnel pratiqué par la Réserve fédérale américaine. Même si une hausse des taux directeurs aux États-Unis et au Canada n’apparaît pas au radar, le jeu des anticipations est venu accentuer une courbe de rendement dont la pente ne peut être que plus abrupte, sous le coup de l’accélération de la reprise américaine.
Clément Gignac entrevoit « un marché obligataire plus volatil avec la fin probable de l’assouplissement quantitatif d’ici la fin de 2013 ». Déjà, l’indication en ce sens donné par le président de la Réserve fédérale a fait bondir les rendements obligataires de 65 à 83 points de base pour les échéances de moyen terme et a poussé les taux d’intérêt réels en territoire positif, tout en provoquant un rachat massif dans les fonds obligataires.
En résumé, donc, le contexte demeure « favorable à une expansion des multiples pour le marché boursier américain », soutient Clément Gignac. Mais, s’il veut s’y aventurer, l’investisseur canadien devra notamment naviguer avec « des vents contraires devant souffler sur le dollar canadien ». L’économiste ajoute que « le billet vert devrait s’apprécier contre la plupart des devises majeures, compte tenu du leadership économique que doivent exercer les États-Unis et des problèmes structurels en cours en Europe ».
Faites vos choix !
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.