C'est du sport! - Satisfaction garantie
Au mot « divertissement », le dictionnaire évoque l’idée de « distraire en amusant ». Personnellement, j’ai une préférence marquée pour la connotation philosophique du terme : « occupation qui détourne l’homme de penser aux problèmes essentiels qui devraient le préoccuper ».L’homme, et sa tendre moitié aussi, est-on en droit de présumer, même s’il peut leur arriver de diverger légèrement d’opinion lorsque vient le temps de déterminer si un problème est essentiel ou pas ; en couple, il est d’ailleurs fortement recommandé, pour bien souligner qu’on peut s’aimer même si on n’est pas d’accord, de débattre par exemple du caractère essentiel de problèmes comme le refus du recours à la reprise vidéo dans certaines circonstances, le déclenchement de la sirène de brume après un but ou l’usage abusif du mot « incroyable » dès qu’il est question de sport.
Pour sa part, Pascal (Blaise, 1623-1662) a écrit que « le divertissement nous amuse et nous fait arriver insensiblement à la mort », et il avait bien raison, le bougre. Quant à son célèbre pari, dont on a cru erronément pendant des années qu’il portait sur l’existence de Dieu, des sources solidement au fait du dossier assurent qu’il aurait en fait consisté à favoriser le Saint-Empire romain germanique — la Kaiserlichemannschaft, en quelque sorte — pour vaincre la Tripolitaine en finale de la Gamelle du monde de jeu de paume.
***
Ce qui nous amène tout naturellement aux Suns de Phoenix, de l’Association nationale de basketball. Cette année, les Suns en arrachent quelque peu, eux qui ont été contraints de se départir de Steve Nash au cours de la morte saison (la saison, soit dit en passant, est morte insensiblement parce qu’elle était trop occupée à se divertir). Ils présentent un dossier de 7-12, et ils peinent à remplir leur amphithéâtre les soirs de match. Imaginez un peu ce que c’est les soirs où il n’y a pas de match.
Les équipes sportives disposent de toutes sortes de trucs pour attirer la clientèle. Des gadgets, des cossins, des bébelles en tout genre puisque l’humain affectionne de posséder des objets qui ne servent à rien. Parfois, on procède par l’absurde, simplement pour susciter la curiosité. Les RiverDogs de Charleston, filiale A des Yankees, sont les champions en la matière. Ils ont déjà organisé la promotion Nobody Night, en vertu de laquelle les portes du stade n’ont été ouvertes qu’à la cinquième manche afin que l’assistance officielle soit de zéro spectateur. Les gens du Curve d’Altoona (club-école AA des Pirates), eux, sont les idéateurs de Awful Night, qui vise à rendre le séjour au parc du visiteur aussi désagréable que possible : entre autres choses, on vend de la bière flat et tiède, les comptoirs alimentaires offrent des sandwichs au Spam, on diffuse au tableau indicateur des images à l’envers, on fait jouer de la musique de David Hasselhoff, on organise un concours de lancer de ballon gonflé à l’hélium.
Du côté des Suns, on procède de manière inverse. Jeudi soir, alors que l’équipe accueille les Mavericks de Dallas, c’est Satisfaction Guaranteed Night. Vous assistez à la joute en personne, et si à son terme vous estimez que vous n’avez pas été suffisamment diverti, votre billet sera remboursé en totalité.
Mais qu’est-ce donc qu’être diverti ? On ne pourra pas accuser ici les Suns de manquer d’audace : il reviendra entièrement au client de le déterminer. Aucune question ne sera posée.
On ne le dit pas, mais évidemment, on mise sur la légendaire paresse du bipède maintenant rompu au courriel, à qui, même s’il y a du fric au bout, ça ne tentera pas de remplir le formulaire, trouver une enveloppe, mettre le formulaire et le talon du billet dans l’enveloppe, cacheter l’enveloppe, acheter un timbre, aller porter l’enveloppe à la boîte aux lettres et tout ça.
Et qui craindrait peut-être de passer pour chiche…