L’influence féminine

Jusqu’ici, le débat se faisait essentiellement sur la présence féminine au sein des conseils d’administration. Plusieurs approches ont été essayées, plusieurs cibles retenues, beaucoup de résultats atteints, mais toujours un seul grand dénominateur : la représentativité féminine. L’argumentaire de Monique Jérôme-Forget, sous-tendant son livre lancé cette semaine, Les femmes au secours de l’économie, permet d’approfondir la réflexion. Avant elle, le plaidoyer de Monique Leroux, prononcé l’an dernier alors qu’on saluait sa contribution à l’avancement des femmes au sein des entreprises, élargissait les enjeux. Le thème de la représentativité a servi de catalyseur à la manifestation d’un besoin criant propulsant désormais les femmes dans un rôle d’influence, voire de décision.
 
La représentativité féminine est devenue réelle. Selon l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), la parité hommes-femmes était atteinte en décembre dernier au sein des conseils d’administration des sociétés d’État québécoises. Même si neuf des 22 sociétés d’État n’avaient toujours pas atteint cette cible, dans l’ensemble, sur un total de 269 postes d’administrateurs au sein de ces conseils, 141 sièges étaient occupés par des femmes. Soit une représentation de 52,4%. À titre de comparaison, chez les 100 plus grandes entreprises canadiennes inscrites en Bourse, les femmes n’occupaient que 14 % des sièges des conseils d’administration. Cette proportion n’était que de 12 % dans l’Europe communautaire.
 
Ainsi, en janvier 2011, la France retenait l’approche coercitive ou législative visant à imposer aux entreprises françaises un quota de 20 % en 2014, de 40 % en 2017. À l’opposé, le gouvernement britannique optait plutôt pour une démarche incitative et volontaire avec, pour objectif, un taux de représentation de 25 % d’ici 2015.
 
Voilà pour les différentes approches retenues, et pour quelques résultats. Mais toutes se bornent à cibler une représentativité féminine. Quoique réductrice, cette vision a cependant eu le mérite de sensibiliser les parties prenantes à l’importance de la pluralité des connaissances et de la diversité en matière de sexe, d’âge, de nationalité, de formation ou encore de culture parmi les membres des conseils d’administration. Elle a également eu pour effet de stimuler l’intérêt féminin pour la chose économique et financière. « J’observe que tant l’intérêt et la capacité que l’expérience sont là », avait déclaré Monique Leroux en juin 2011. « Il reste toutefois un petit bout à faire. Un geste de confiance à poser, tant chez les hommes que chez les femmes, quoique ce petit manque de confiance peut être plus culturel chez la femme. »
 
La prochaine étape ? La présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins peut témoigner qu’on observe un nombre accru de femmes occupant des fonctions de première ligne. « Elles sont cependant encore peu nombreuses dans des postes d’Influence et de direction. » Monique Jérôme-Forget ajoute son témoignage à cette réalité en dénonçant la lourde perte économique et le gaspillage de talent inhérents à cette faible présence féminine dans les hautes sphères décisionnelles.
 
Au lendemain de 2008, un chroniqueur financier a déjà suggéré que les risques de crises financières seraient peut-être plus ténus si davantage de femmes étaient impliquées dans la direction des institutions financières. S’inspirant de la finance comportementale, il évoquait l’appât du gain moindre chez les femmes, qui se veulent plus humaines et se soucient davantage du volet social des finances.
 
Question d’ajouter du concret, revenons aux résultats de cette étude européenne, dévoilés en 2008, soulignant que les entreprises dirigées par des équipes mixtes ont comptabilisé entre 2003 et 2005 un résultat d’exploitation moyen supérieur de près de 50 % à celui des entreprises de leur secteur dirigées par des hommes seulement. Le rendement moyen sur fonds propres a été de 10 % supérieur et cette direction mixte a offert à ses actionnaires un taux de rendement de 34 % supérieur.

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