Les possibilités qu’offre la récupération de l’eau de pluie

Devant son bureau de Laval, le Groupe Rousseau Lefebvre a aménagé un jardin de pluie avec des plantes indigènes.
Photo: Groupe Rousseau Lefebvre Devant son bureau de Laval, le Groupe Rousseau Lefebvre a aménagé un jardin de pluie avec des plantes indigènes.

Depuis des décennies, l’eau de pluie est considérée comme un problème à canaliser plutôt que comme une richesse à utiliser. Dans les villes, aussitôt tombée elle est dirigée vers le système d’aqueduc. Propre en apparence, elle entraîne sur son passage toutes sortes de polluants qui aboutissent dans nos cours d’eau. De plus, dans certaines municipalités, elle est combinée aux eaux usées et, lors d’une surcharge, les débordements sont fréquents. Sans oublier les inondations monstres lors des pluies torrentielles parce que le réseau est saturé.

Afin de remédier à cette situation, le gouvernement québécois a élaboré en 2011 le guide La gestion des eaux pluviales, lequel est en application depuis janvier 2012. L’approche traditionnelle de la gestion de l’eau, chasse gardée des ingénieurs, s’intéressait avant tout aux débits de ruissellement. Aujourd’hui, il est reconnu qu’il est préférable d’imiter le plus possible un régime hydrologique naturel afin de favoriser l’infiltration à la source, de décontaminer l’eau et de favoriser l’évapotranspiration.


Dans les milieux urbains denses et artificialisés, de 75 à 100 % du territoire est imperméabilisé ; seulement 15 % de l’eau s’infiltre, 30 % retourne à l’atmosphère par évapotranspiration et 55 % de l’eau de pluie ruisselle au sol (Federal Interagency Stream Restoration Working Group, 1998). À l’avenir, les aménagements de biorétention, tels que les jardins pluviaux, les bassins de rétention, les bandes filtrantes et autres, seront partie prenante de la gestion des eaux pluviales.


D’ailleurs, à cet égard, le Québec a un certain retard, car cette approche est déjà utilisée en Europe, aux États-Unis et dans plusieurs provinces canadiennes. Quant à la récupération de l’eau de pluie, une approche qui existe depuis plusieurs millénaires, elle redevient graduellement populaire. Elle offre plusieurs avantages, permet d’échapper aux restrictions d’arrosage et constitue une réserve d’eau non chlorée.


Les aménagements de biorétention


Selon le guide La gestion des eaux pluviales, les quatre critères maintenant privilégiés sont le contrôle de la quantité et de la qualité de l’eau de pluie ainsi que la diminution de l’érosion des sols et la recharge de la nappe phréatique. Les aménagements de biorétention respectent tous ces critères car ils réduisent la vitesse de l’écoulement, permettent le dépôt des particules en suspension, filtrent les polluants et favorisent l’infiltration de l’eau dans le sol, rechargeant ainsi la nappe phréatique.


Qu’est-ce qu’un aménagement de biorétention ? C’est une zone peu profonde de diverses formes et dimensions, pourvue de végétaux et d’un sol perméable laissant l’eau s’infiltrer. Voici différents aménagements de biorétention. Premièrement, la bande filtrante, qu’on réalise sur un terrain gazonné en pente douce, parfois conçue avec une tranchée rocheuse et ensuite une zone plantée. Elle permet l’infiltration de l’eau provenant des pentes, des toits et des petites aires de stationnement.


Deuxièmement, le jardin de pluie, esthétique, est facile à réaliser et ajoute en plus du cachet à la propriété. On l’aménage dans une cuvette peu profonde qui recueille et retient l’eau de ruissellement des fortes pluies, jusqu’à l’infiltration complète. Le terrain doit être bien drainé et il faut choisir des végétaux qui tolèrent les inondations et la sécheresse. Ce type de jardin permet l’infiltration de 30 % plus d’eau qu’une pelouse, selon l’horticulteur Nigel Dunnett et l’architecte-paysagiste Andy Clayden.


Troisièmement, pour recueillir, emmagasiner et acheminer l’eau, on crée des noues, ou fossés végétalisés. Les noues favorisent l’infiltration de l’eau et une biofiltration, et là aussi les végétaux plantés devront être tolérants à la sécheresse et aux inondations.


Finalement, à une échelle plus grande, on utilise des bassins secs, avec ou sans retenue prolongée, ou des bassins avec une retenue permanente. Ce dernier type permet un meilleur contrôle de la qualité de l’eau et permet de recréer des écosystèmes naturels attrayants.

 

Rousseau Lefebvre innove


Le Groupe Rousseau Lefebvre est une firme multidisciplinaire qui offre des services en architecture du paysage, en environnement, en design urbain et en urbanisme. Architecte paysagiste et associé principal de ce groupe, Michel Rousseau a une passion pour la gestion des eaux pluviales ; il y voit une occasion de créer des projets vivants à l’aide d’une approche écosystémique.


Au cours des dernières années, la firme a réalisé plusieurs projets innovants et est devenue un chef de file en la matière. D’ailleurs, l’entreprise est accréditée par le gouvernement pour faire de la recherche et du développement dans ce domaine ; elle teste les plantes à utiliser, les sols les mieux adaptés et pousse plus loin les connaissances.


Devant leur bureau à Laval, ils ont aménagé, au printemps 2011, un jardin de pluie dans le but de démontrer et d’expérimenter plusieurs techniques, et ce, avec une approche artistique. Pour un défi supplémentaire, toutes les plantes sélectionnées étaient indigènes et se devaient de tolérer des sols frais, humides et détrempés. Les végétaux sont maintenant bien implantés, le système a fait ses preuves et cet été ils n’ont dû être arrosés que deux fois.


Lors de chaque averse, la pluie est récupérée dans un système de gouttières décoratives qui l’achemine vers des fils métalliques verticaux sur lesquels elle perle pour se rendre jusqu’à des bacs de végétaux sur le balcon. Très joli effet ! Le surplus d’eau est récupéré sous le balcon, dans des poutres d’acier, d’où elle est acheminée jusqu’au jardin, et son parcours se termine en une petite chute.


L’Union Saint-Laurent Grands Lacs a réalisé une capsule Web sur les marais filtrants qui présente la conception de ce jardin ; on peut la visionner à partir du site du Groupe Rousseau Lefebvre : rousseau-lefebvre.com. De même, un projet commercial auquel la firme a participé, le stationnement du centre urbain Centropolis à Laval, a gagné cette année le prix Dunamis 2012 dans la catégorie Développement durable/Écocitoyenneté. Ce projet novateur comprenait l’installation d’un bassin de biorétention et d’infiltration végétalisé à l’un des stationnements du Centropolis.


De plus, selon le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, dans le guide Lagestion durable des eaux de pluie, et selon Michel Rousseau, les approches de gestion durable des eaux de pluie semblent de toute évidence moins coûteuses à mettre en place que les infrastructures traditionnelles. Ces types d’aménagement, de surcroît, améliorent le paysage urbain et accroissent la qualité de vie de la collectivité.


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Après la lavande, la pêche

 

André Librex, propriétaire du Lavandou, premier producteur de lavande au Québec, a développé une production secondaire surprenante. Depuis cinq ans, il cultive des pêches à chair blanche, nommées « pêches de vigne ». Ce type de pêcher est planté en France avec les vignes comme plantes indicatrices pour détecter l’oïdium, et ses fruits sont récoltés en même temps que le raisin. D’où l’origine probable de son nom.


Ces pêchers, cultivés à Huntington, dans le sud du Québec, produisent des fruits de 7 à 8 cm de diamètre ; ils ne sont ni irrigués, ni traités, ni taillés, ni protégés. Actuellement, M. Librex vend des arbres mais non des fruits, car il n’en possède pas suffisamment pour en proposer. lelavandou.ca.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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