Lendemain de veille médiatique

La campagne électorale s’est terminée il y a quelques heures devant les petits écrans, fixes ou mobiles, surtout à la télé, vieille reine de notre univers surmédiatisé. Normal. Le politique et le médiatique avancent en cordée et on ne sait plus trop qui mène devant qui. Mais bon, il y a la manière et le résultat. Voici donc quatre observations, proposées à chaud, sur les rapports entre l’un et l’autre.

1. Les médias ne prédisent pas l’avenir. En tout cas, les « augures » médiatiques (chroniqueurs, éditorialistes et autres commentateurs professionnels) payés pour lire les signes annonciateurs des changements se trompent à peu près autant que tout le monde. La dernière élection fédérale et son surprenant tsunami orange ont bien exposé cette difficulté. Cette fois, personne n’a pressenti la capacité de résistance du Parti libéral. Personne, et les pros étaient les premiers à se pincer à la télé en découvrant le verdict des urnes. D’ailleurs, l’outil de prédiction par excellence, le sondage, semble lui-même embrouiller en partie le travail de lecture. Le morcellement sans précédent du vote, avec trois blocs imposants au lieu des deux traditionnels, a stimulé l’importance de ces coups de sonde, notamment pour les votes stratégiques. Un peu comme ces prévisions météo alarmistes (« moins 25 avec le facteur de refroidissement ») qui influencent non pas le climat, mais les réactions au climat de leur auditoire.


2. Les médias ne valent pas mieux que le système. En tout cas, ils peuvent s’avérer aussi injustes que le mode de scrutin. Radio-Canada a exclu le fondateur du parti Option nationale de son traditionnel débat des chefs. TVA a carrément choisi de ne pas inviter un porte-parole de Québec solidaire dans son triple face-à-face. Dans ce cas encore plus inique, les intentions de vote exprimées à hauteur de sept, huit ou même dix parts ont donné encore moins de résultats à l’écran qu’au Parlement. Dans notre mode de scrutin archaïque, inchangé depuis deux siècles, un parti a encore pris le pouvoir avec le tiers des voix.


3. Les médias ne suivent pas le présent. En tout cas, ils ne contrôlent pas tout l’ordre du jour médiatique. Sinon, comment expliquer l’absence de débats électoraux autour de la crise étudiante ? Le Québec a passé le printemps et le début de l’été en surchauffe. Les tensions sociales ont servi de prétexte pour en appeler aux urnes. Il a pourtant été impossible de centrer les discussions autour de cette question qui va se repositionner dès aujourd’hui.


4. Les médias ne changent pas le monde, sauf que… En tout cas, avec d’autres institutions, ils peuvent aider à stimuler les oubliés du système démocratique, sans toutefois faire de miracle. La campagne a monopolisé l’espace médiatique comme jamais. Les médias québécois, déjà trop nombrilistes, ont passé les dernières semaines à suivre la politique provinciale et rien d’autre, ou presque. Au décompte de la firme de courtage en information Influence Communication, on en était à une nouvelle sur cinq consacrée à la joute politique au cours des derniers jours. Cette couverture monomaniaque (et d’autres campagnes de promotion du vote) ont permis de hausser le taux de participation vers les trois quarts des parts et environ 73%. On est quand même loin des niveaux de 80 ou 85 % souhaitables quand les enjeux grimpent vers de tels sommets d’importance. Ces résultats témoignent d’une profonde fracture sociale. La division oppose une masse de citoyens éduqués, informés et branchés à une multitude d’exclus, de désoeuvrés et de désabusés. L’exclusion volontaire, l’abstentionnisme, mettons, passe encore, y compris par un snobisme chic et radical. Le pire ostracisme sociopolitique provient de la marginalisation imparable, celle engendrée par l’analphabétisme et le manque d’éducation, par exemple. On peut toutefois se consoler en se disant que le niveau remonte. En 2008, à peine trois électeurs sur cinq (57,43 %) avaient exercé leur droit de vote, soit le chiffre le plus bas depuis 1927. Les médias ne changent pas le monde, sauf que…

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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