Hors-jeux - Méchants moineaux


	Surprise à Londres. Brent Hayden a fait oublier la déception des jeux de Pékin en glanant hier le bronze au 100 mètres style libre. Il devient ainsi le premier médaillé canadien de l’histoire de cette discipline.
Photo: Agence France-Presse (photo)
Surprise à Londres. Brent Hayden a fait oublier la déception des jeux de Pékin en glanant hier le bronze au 100 mètres style libre. Il devient ainsi le premier médaillé canadien de l’histoire de cette discipline.

Comme on en montre déplorablement peu à la télé, je m’étais interpellé dans mon Ford intérieur dès avant l’avènement des Jeux de la XXXe olympiade d’été de Londres 2012 et promis d’aborder le domaine général du badminton. De la gymnastique, de la natation, du plongeon, en voulez-vous en voici mur à mur, mais du badminton, peu ou prou. J’ai donc pris moult notes, fait imprimer des documents d’intérêt, mais à cent mille lieues étais-je de penser que cette excellente discipline allait faire parler d’elle pour des raisons de scandale.

Tout a commencé en 1873, quand des officiers de Sa Majesté rentrés des Indes ont voulu adapter un jeu qu’ils pratiquaient sur place avec une raquette et une balle légère. Ils eurent l’idée de fixer des plumes à un bouchon de bouteille de champagne, donnant ainsi naissance au volant, le moineau de notre enfance qui nous faisait tant pester lorsqu’il ventait, c’est-à-dire pas mal tout le temps. Et comme ils étaient à ce moment réunis chez le duc de Beaufort, à la Badminton House, dans le Gloucestershire, le mot s’imposa naturellement en tant que nom du jeu, d’autant plus que Gloucestershire était plutôt difficile à prononcer et qu’il y aurait pu avoir confusion avec la sauce Worcestershire mise au point une quarantaine d’années auparavant.


Et puis, tenez, pour vos archives : un volant normal compte très exactement 16 plumes et pèse entre 4,74 et 5,5 grammes. La plus grande vitesse jamais enregistrée pour un volant est de 259 kilomètres/heure. Et à Londres, les plumes proviennent toutes d’ailes gauches d’oies. (D’intenses recherches en laboratoire ne m’ont malheureusement pas permis d’établir au juste ce qui cloche avec les ailes droites. Si jamais vous détenez ce genre d’information, vous seriez chou de la partager.)


Mais venons-en au scandale. Mardi soir au Wembley Arena avaient lieu des matchs de la phase de poules du double dames de badminton. Or, afin de se retrouver face à un adversaire plus abordable en quarts de finale, des équipes, mesdames messieurs, ont fait exprès pour perdre. (« Fold for Gold », a raillé la presse américaine.) Des services directement dans le filet - à un moment donné, l’arbitre est allé sur le terrain pour montrer aux joueuses comment donner des coups plus énergiques -, des frappes largement à l’extérieur du court, des échanges brefs, le spectacle laissait à désirer, les spectateurs huaient et exigeaient d’être remboursés, les organisateurs n’étaient pas contents du tout et certains se demandaient ce que Pierre de Coubertin aurait fait de tout ça, lui qui disait, n’est-ce pas, que gagner n’est pas vraiment important.


Je profite d’ailleurs de l’occasion pour rappeler que si le baron fondateur des Jeux olympiques a bien dit que l’essentiel consistait à participer, il a piqué la célèbre formule à Ethelbert Talbot. Mgr Ethelbert Talbot était l’évêque du diocèse épiscopal du Centre de la Pennsylvanie lorsqu’il prit part, en 1908 à Londres, à une conférence de Lambeth qui coïncidait avec la tenue des Jeux olympiques. Dans un sermon prononcé en la cathédrale Saint-Paul le 19 juillet, il cita une épître de… saint Paul (toute est dans toute) qui disait grosso modo qu’il y avait un seul gagnant mais que tous devraient tirer bonheur du fait de concourir. Saint Paul, il n’est pas vain de le noter, faisait profession d’écrire aux Thessaloniciens et aux Galates à la suite d’une chute en sports équestres qui devait changer sa vie.


Deux paires de badmintoniennes sud-coréennes, un duo chinois (les championnes du monde 2011 et numéros 1 mondiales Yu Yang et Wang Xiaoli) et un autre indonésien ont donc été disqualifiés. Alors même que les joueuses décriaient la formule de la compétition - au lieu d’un système à élimination directe, un tournoi à la ronde où il peut être avantageux de perdre en certaines circonstances -, les autorités compétentes ont décrété que celles-ci n’avaient pas fait tout en leur possible pour gagner et que s’incliner délibérément était contraire à l’esprit olympique, au fair-play et à la morale institutionnelle, en plus de constituer un bien mauvais exemple pour notre jeunesse qui accumule les sacrifices et se lève à cinq heures du matin dans l’espoir diffus d’un jour réaliser son rêve incroyable.


En somme, pour reprendre une expression chère à Teilhard de Chardin, « They put the “ bad ” in “ badminton ” ».


Elle est facile, certes, mais franchement désopilante.


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Quelques nouvelles dans le domaine de l’alimentation olympique pour se mettre en appétit ?


La palme de la pire question posée par un reporter d’enquête sur le terrain aux Jeux de Londres revient pour le moment à celui qui a demandé à l’escrimeuse française Asatrid Guyart : « Toute cette nourriture au village olympique, c’est pas un peu difficile, quand vous êtes une fille ? »


Par ailleurs, les efforts pour respecter les deux langues officielles du mouvement olympique, le français et l’anglais, donnent parfois des résultats cocasses. Ainsi un sandwich a-t-il été aperçu sur une tablette du village portant la mention : « Turkey - Stuffing - Bacon », « Turquie - Farce - Bacon ».


Cela n’est pas sans nous rappeler une caisse de marchandises arrivée au Canada et dont la photo avait largement circulé il y a plusieurs années. Sur la caisse, on pouvait lire : « Made in Turkey - Fabriqué en dinde ».


Alors voilà.

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