Ces souvenirs qui ont bon goût

On la conserve sa vie durant et on y fait souvent référence lors de rencontres familiales ou gastronomiques. Pourtant, on sait peu de choses de la mémoire olfactive.
Très tôt dans l’enfance, le goût se manifeste. Le salé et le sucré sont détectés sur le bout de la langue. L’amer, lui, est détecté à l’arrière de la langue, tandis que les côtés permettent de goûter l’acide. À la naissance, nous disposons d’environ 10 000 papilles gustatives ; en vieillissant, il en reste entre 5000 et 8000. Celles-ci durent de 8 à 10 jours et se renouvellent toute notre vie.
Le goût ne se transmet pas, mais peut aisément se développer par la connaissance des aliments et surtout à force de les déguster. Le goût est aussi lié - ne l’oublions pas - aux autres sens que sont la vue, le toucher, l’ouïe et l’odorat. Ainsi, pour décrire un vin, on parle tant de sa couleur et de son odeur que de son goût.
Depuis quelques années, une cinquième saveur s’est ajoutée à celle que l’on connaissait déjà, que les Japonais appellent l’umami, alliant le salé et le sucré. On l’identifie de façon spécifique, différemment des autres saveurs reconnues. L’umami provient d’un acide aminé, comme le glutamate, que l’on retrouve dans la sauce soja, la viande, le poisson, les algues, etc.
La bonne odeur du pain
Les odeurs de notre quotidien s’impriment dans notre mémoire olfactive. Elles s’inscrivent comme une référence qui demeurera toute notre vie. Ces odeurs, jugées réconfortantes, sont même volontairement dégagées dans des centres commerciaux ou des rues commerçantes pour attirer la clientèle vers des points de vente. L’une de ces bonnes odeurs caractéristiques, qu’on a tous emmagasinée, est celle du pain chaud.
Cette odeur, tout le monde la reconnaît tant sur le continent nord-américain qu’en Europe ; en Asie, par contre, c’est le riz cuit qui était la principale odeur gardée en mémoire par les populations jusqu’aux cinq dernières années et, dans quelques cas, l’odeur de la sauce poisson. La mémoire olfactive emmagasine donc les odeurs jugées réconfortantes et contribue ainsi à créer une stabilité émotionnelle chez les individus.
Ce côté réconfortant de la nourriture est largement utilisé par les grandes chaînes de restauration, qui ont compris le phénomène et influencent le choix des consommateurs en créant des produits accrocheurs. C’est le cas du fast-food, auquel bon nombre de consommateurs ont de la difficulté à renoncer. On joue tant sur l’aspect visuel des aliments que sur des saveurs gagnantes, comme le poulet, le bacon, une sauce sucrée, comme le ketchup, des choix qui réconfortent le client, qui consomme souvent de façon quotidienne les mêmes plats dont le goût est constant.
Le goût est un sens qui se développe, d’abord avec les plats que cuisinent nos proches, puis au cours de voyages ou au fil de rencontres qui nous permettent de découvrir d’autres aliments ou d’autres façons de cuisiner. Mais les mets liés à notre enfance, comme les plats mijotés, dont l’odeur est ancrée dans notre mémoire olfactive, garderont toute notre vie un côté réconfortant. Notre mémoire olfactive reconnaît les odeurs aimées et les relie rapidement à la notion de plaisir, bien avant celle de la faim.
Changer notre goût
La curiosité nous attire souvent vers des expériences alimentaires qui marqueront notre évolution sensorielle, mais aussi celle de nos enfants. On se souviendra du manque d’intérêt des enfants pour le poisson, les abats ou encore les légumes, par exemple, si leurs parents n’ont pas l’habitude d’en consommer.
Mais la mondialisation des marchés a sûrement contribué à faire évoluer notre goût initial, tout comme les voyages. L’arrivée sur nos étals de fruits exotiques, de racines multiples qui entrent dans la composition de plats asiatiques, de nouvelles textures, comme celle des algues, que les Japonais consomment d’ailleurs depuis la nuit des temps, a aussi fait évoluer notre goût.
Un exemple flagrant de cette évolution est la découverte et le succès des sushis. On ne parle pas ici nécessairement de qualité, mais de curiosité pour une méthode de préparation, un style de vie et un goût alliant des saveurs et des textures diverses. En fait, dans cette expérience, on découvre rapidement que c’est davantage le mélange qui attire le consommateur que le seul fait de consommer du poisson.
Jusqu’où notre goût et nos autres sens peuvent-ils évoluer ? On imagine que, comme pour la culture en général, il n’y a pas de limites. Chaque jour, de nouveaux aliments, de nouvelles saveurs, textures et combinaisons font leur apparition.
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BIBLIOSCOPIE
Pâtes, riz, et Cie
Comme un chef
Éditions Larousse
Chine, 2012, 191 pages
Un livre qui permet de faire ses propres pâtes, de préparer un risotto, des sushis, ou encore des gratins, des soupes ou des salades. Avec 70 recettes abondamment illustrées, ce livre permet de réaliser des plats au succès garanti. Rien de nouveau, mais, il faut l’avouer, c’est un ouvrage réconfortant qui ouvre l’appétit.
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Philippe Mollé est conseiller en alimentation. On peut l’entendre tous les samedis matin à l’émission de Joël Le Bigot Samedi et rien d’autre à la Première chaîne de Radio-Canada.