Économie verte

Pour certains gens d’affaires, mais aussi pour des écologistes, il est impossible de conjuguer développement économique et protection de l’environnement. Il n’est pas facile d’avancer dans ce cas-là.

Personne ne s’attendait à ce qu’il sorte grand-chose du Sommet de la Terre, Rio + 20, de la semaine dernière, mais on a quand même été déçus par l’extrême minceur de sa déclaration finale. «Nos efforts n’ont pas été à la mesure des défis qui nous attendent», a même déploré le pourtant très réservé secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.


Le principe d’une « économie verte dans le contexte du développement durable et de l’éradication de la pauvreté » devait être l’un des grands thèmes de l’événement. Il s’est toutefois attiré bien des critiques, pas seulement des milieux d’affaires et de leurs alliés, mais aussi de certains écologistes. Pour certains, l’imposition d’obligations environnementales serait malvenue en cette période d’incertitude économique ou ne serait qu’un moyen déguisé d’empêcher le rattrapage économique du Sud. Pour d’autres, le concept d’économie verte permet à des gouvernements et à des compagnies d’améliorer leur image à peu de frais sans avoir à changer réellement leurs pratiques dommageables. Dans les deux cas, on semble penser que la croissance économique et la protection de l’environnement sont incompatibles et qu’il faut nécessairement choisir entre l’une ou l’autre.


On sait pourtant, depuis le fameux rapport de l’ancien économiste en chef de la Banque mondiale, Nicholas Stern, en 2006, que les coûts annuels des dommages causés par les changements climatiques seraient compris, à terme, entre 5 % et 20 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, alors que les moyens de contrer ce phénomène ne coûteraient que 1 % ou 2 %. Des études plus récentes estimaient que la facture annuelle des dommages environnementaux en Chine (9 % du PIB) est déjà équivalente à sa croissance économique.


Selon l’Organisation internationale du travail, la transition vers une économie verte pourrait créer jusqu’à 60 millions d’emplois. Selon les experts de l’ONU, cités par Les Échos, il suffirait de réorienter l’équivalent de 2 % du PIB mondial des investissements publics et privés vers le verdissement de dix secteurs économiques cruciaux pour obtenir, au bout de dix ans, non seulement une meilleure croissance économique, mais aussi une reconstitution de stocks de ressources naturelles et une réduction suffisante des émissions de gaz à effet de serre pour rester sous la barre des 2 °C de réchauffement planétaire.


Une bonne façon de commencer serait d’utiliser à meilleur escient les 400 à 500 milliards de subventions qui vont chaque année à la consommation de carburants fossiles et dont l’élimination permettrait, à elle seule, de réduire les émissions mondiales de GES de 6 % selon l’Agence internationale de l’énergie.

 

Le portrait complet


Une condition essentielle à la bonne prise de décision est d’avoir le plus d’information possible sur la nature et les conséquences de ses choix. On a convenu, la semaine dernière, d’essayer de mettre au point un nouvel indice de développement qui ne se base pas seulement sur le PIB ou le taux d’emploi, mais qui mesure aussi le développement humain et la valeur du patrimoine environnemental des pays. Ce genre de démarche a déjà été entrepris par d’autres, notamment à l’OCDE, et représente un défi scientifique considérable. On voudrait que ce nouvel indice serve par la suite à la poursuite d’objectifs mondiaux de développement durable comme on s’était donné, en 2000, des Objectifs du millénaire de lutte contre la pauvreté.


Pour certains écologistes, les nouvelles mesures du patrimoine environnemental risquent, au contraire, de faciliter la commercialisation de l’eau, des forêts et d’une foule d’autres choses auxquelles on ne devrait jamais essayer d’accoler un prix. Le problème, avec cette critique, est que tant que l’on n’attribue pas formellement une valeur à quelque chose, on tend souvent à agir comme si elle n’en avait aucune et qu’elle pouvait être gaspillée.


On a montré, plus d’une fois, comment le fait de rattacher une valeur à la tonne de rejet de carbone ou aux « coûts de remplacement » d’une rivière sauvage et de sa biodiversité sur 50, 100 ou 200 ans pouvait complètement changer le portrait des choses et forcer la recherche de solutions de rechange.


Les récents développements en matière de voitures électriques, de bâtiments écoefficients, d’énergies renouvelables, de rapports de développement durable des entreprises, de nouvelles techniques agricoles à faibles intrants, de chimie verte, de services d’autopartage ou encore d’agriculture locale laissent entrevoir tout le bouillonnement et la capacité d’innovation qui n’attendent que les bonnes conditions pour améliorer notre mode de développement.


Cela requiert des lois, mais aussi que les cadres économiques reflètent le coût réel de nos choix, tous les coûts. Seuls les gouvernements peuvent faire cela. Chacun de leur côté, et dans des forums internationaux comme celui de la semaine dernière.

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