Théâtre - Signaux d'alarme
Ce ne sont pas les signaux ni d'ailleurs les signes en tous genres qui manquent dans notre si beau monde mondial d'aujourd'hui: ils nous tombent dessus sans même qu'on les sollicite. De tous les côtés, sur toutes les plateformes, on cherche à attirer notre attention pour nous vendre quelque chose. Mieux encore, pour nous faire raconter sur Twitter ou sur Facebook ce qui nous passe par la tête quand la circulation est bloquée par une manif dans le centre-ville... ou encore quand il se met à faire 20 °C en plein mois de mars, wow. Le sirop de la bonne conscience participative; l'infantilisation permanente du consommateur potentiel... M'enfin.
Cette amorce un peu tirée par les cheveux pour aboutir évidemment sur les planches. Plutôt sur ce qu'on y raconte parfois et qui peut être aussi particulièrement léger et divertissant étou, étou, merci. Parce qu'il ne faut pas se prendre la tête à coeur de journée et qu'il faut bien rire aussi pour oublier tout le reste, hum. Le théâtre mou: comme les montres de Dalí ou comme le manger du même nom. Eh bien, ce théâtre-là par les temps qui courent, sachez qu'il se porte plutôt court.D'ailleurs, si vous faites le tour de ce qui vient de prendre l'affiche ou qui s'apprête à le faire, vous constaterez que les signaux en tous genres dont on parlait plus haut ont plutôt ici la forme de signaux d'alarme devant tout le reste. Une sorte de: Wo! Fini la fuite en avant!
Dans la grande majorité des spectacles à l'affiche, les coutures craquent et les masques tombent. L'alarme résonne partout de façon différente, mais le message est le même, multiforme. Réveillons-nous: on nous dit n'importe quoi! À force de nous infantiliser sans arrêt, on nous prend collectivement pour des imbéciles. Des oies à gaver plutôt avec le plus de signes en tous genres et d'apparences de vrais contacts entre les êtres... jusqu'à ce qu'on ne s'y retrouve plus. Ne voyez surtout pas là les signes avant-coureurs d'une de mes montées de lait périodiques. Au contraire: c'est ce qu'on raconte à peu près partout sur une scène de théâtre près de chez vous!
Un peu comme si, encore une fois, Réjean Ducharme avait ouvert les vannes avec cet Ines Pérée et Inat Tendu encore à l'affiche il y a dix jours au Théâtre d'Aujourd'hui, tout se précipite depuis. Même sans faire allusion au Lear de Denis Marleau que je n'ai pas vu au moment d'écrire ces lignes et que l'on présente comme une charge assez radicale, la semaine dernière a été particulièrement riche. Des Belges — les compagnies Transquinquennal et Toc proposaient Capital Confiance à l'Espace libre — sont venus en rajouter, après le Dissidents du PÀP, avec un spectacle inclassable tenant de l'installation, du manifeste politique et du théâtre engagé.
Ailleurs et sur un tout autre registre, les Éternels pigistes lançaient à La Licorne une de leurs plus percutantes productions, une sorte de «brûlot relationnel» qui fera beaucoup jaser dans les chaumières (Après moi). Du cru. Du dur à mâcher. Du qui fait rire jaune jusqu'aux larmes... et jusqu'à vivre avec pendant longtemps.
Pourtant, les signaux d'alarme sont loin d'être rares au théâtre depuis les premiers rituels cathartiques de la tragédie grecque. Même que l'on a trop facilement tendance à oublier à quel point ils ont contribué, depuis le Ti-Coq de Gratien Gélinas, à forger notre identité culturelle.
Rien ne laisse croire que ce soit fini, bien au contraire...
Hommage à Jean Vilar
Ça se passe surtout en France, mais comme il s'agit de souligner la vie et l'oeuvre d'un personnage qui a redéfini la planète Théâtre dans son entier, il est difficile de ne pas y faire écho, même de ce côté-ci de la grande mare. Le 25 mars donc, dimanche prochain, il y aura 100 ans que Jean Vilar naissait à Sète. Un peu partout des événements souligneront le rôle de Vilar dans la naissance de ce qu'il appelait le «théâtre populaire» et qui a profondément influencé tout ce qui s'est passé en Europe et plus directement chez nous dès la fin des années 1950 déjà.
Élève de Charles Dullin, compagnon de route de René Char et d'André Malraux, il fut un ardent défenseur d'un théâtre de recherche qui s'adresse à tous les publics et, bien sûr, le fondateur du festival d'Avignon. Un peu partout sur les scènes de théâtre françaises, on proposera la lecture d'une réflexion de Jean Vilar autour de la culture qu'il concevait, il y a déjà plus d'un demi-siècle, comme un service public au même titre que «l'eau, le gaz et l'électricité». Il serait temps que de telles affirmations se mettent à circuler un peu plus souvent ici aussi...
En vrac
Saguenay à Lyon. À compter d'aujourd'hui et jusqu'au 31 mars, huit compagnies de théâtre de Saguenay sont à Lyon en France dans le cadre de l'événement «Saguenay en 8 compagnies». Les Têtes heureuses, La Rubrique, Les Amis de Chiffon, le Théâtre CRI, le Théâtre 100 Masques, le Théâtre du Faux Coffre, La Tortue Noire et le Théâtre À Bout Portant présenteront là des spectacles, des lectures, des ateliers et des tables rondes tout en rencontrant diffuseurs et autres professionnels du milieu théâtral lyonnais. Toutes ces activités se tiendront notamment au Théâtre des Marronniers et au Théâtre des Asphodèles de Lyon. Cette dernière compagnie, qui entretient des liens étroits avec Les Têtes Heureuses, se retrouvera à Saguenay cet automne pour présenter Dom Juan de Molière et donner quelques ateliers. Cette visite de groupe est rendue possible grâce aux gouvernements français et québécois.
Gary-Contamine à Fred-Barry. Dès demain à la salle Fred-Barry, Pascal Contamine reprend son Gros-Câlin: conférence sur la vie des pythons dans les centres urbains, un spectacle qu'il avait créé en 2009 au MainLine Theatre. Contamine a adapté ce texte complètement sauté de Romain Gary, il en signe la mise en scène et c'est lui qui interprète le seul et unique rôle principal... qui n'est pas celui du python. Rappelons que le spectacle raconte l'histoire de Michel Cousin, un homme profondément seul, statisticien de son état, qui vit avec un python dans un appartement minuscule. «L'adaptation de Pascal Contamine, dit le communiqué, propose un monologue cocasse et pathétique, truffé d'humour naïf et de contorsions linguistiques.» La production du CIRAAM est présentée jusqu'au 7 avril. On se renseigne au 514 253-8974.
Fred Gravel aux Gros Becs. C'est dans la peau de Fred Gravel que Simon Boulerice fera sa prochaine apparition à Québec. Il présentera là, aux Gros Becs plus précisément et jusqu'au 1er avril, son plus récent texte Les mains dans la gravelle. L'oeuvre, qui vise les enfants de plus six ans, raconte brillamment l'enfance du jeune Fred «l'enfant pauvre qui passait ses journées à scruter le gravier de sa cour pour y dénicher des pierres précieuses». Cette remarquable production créée à l'Arrière Scène à Beloeil il y a deux ans devrait être offerte en cadeau à tous les enfants du Québec! On se renseigne sur les horaires et le prix des billets au 418 522-7880.