C'est du sport! - Suite, mais certainement pas fin
Un petit suivi sur Jeremy Lin, la sensation instantanée du basketball professionnel qui suscite les calembours les plus vaseux de l'histoire de l'humanité qui se pense drôle et n'arrive pas à passer proche de faillir l'être? C'est que la vague continue de déferler. Comme disait le linguiste patenté, The Sky's the Linit. Hé, patate.
Ça s'est donc poursuivi ces jours derniers, avec quelques dérapages. Vous savez comment sont les internets? En plein cela: propices aux dérapages. Déjà que n'importe quel abruti peut y déverser n'importe quoi, surtout sous un anonymat fort commode, les médias dits sérieux peuvent aussi tomber dans le panneau. Il faut tout rapporter tout de suite, sans filet, sans vérification, sans le recul qui permet de songer à part soi qu'on vient peut-être de dire une connerie.Vendredi soir, les Knicks de New York ont perdu 89-85 contre La Nouvelle-Orléans. Première défaite en huit matchs depuis que le jeune homme est devenu partant, la Linning Streak prenait fin. Lin y a commis neuf revirements, un aspect du jeu qui est son tendon d'Achille. (Sérieux, j'ai déjà entendu un commentateur sportif auquel je ferai la grâce de ne pas l'identifier dire d'un joueur qu'il avait subi une blessure au talon d'Achille. Cela brise des certitudes.)
Or que titre dès lors le prestigieux site espn.com, l'autoproclamé Worldwide Leader in Sports? Quatre mots: Chink in the Armor. Une expression bien connue qu'on pourrait rendre par «une faille dans l'armure». Mais il est de notoriété publique et parapublique qu'utiliser le mot chink lorsqu'on fait allusion à une personne d'origine asiatique n'est pas particulièrement flatteur. La manchette est demeurée en ligne pendant environ une demi-heure.
Le gars du Web, qui s'est excusé et assure ne pas avoir eu de mauvaises intentions — comme d'habitude —, a été congédié, et un autre commentateur d'ESPN qui a employé la même formule a été suspendu.
Le New York Post, de son côté, a soulevé des réactions partagées en écrivant en lettres de bois Amasian! après que Lin eut réalisé le panier gagnant avec une demi-seconde à faire la semaine dernière à Toronto. Que dirait-on si on agissait de même dans le cas d'un Noir, ou d'un juif, ou d'un autochtone? La référence à l'ethnie ne fait-elle pas en sorte de reléguer au second plan son talent sportif?
Par ailleurs, le révérend Stephen Chen, pasteur de Lin dans la Chinese Church in Christ, en Californie, a tenu à rappeler au jeune joueur que la Linsanity, cette frénésie folle autour de sa personne, n'était pas sans périls. «Il serait stupide de dire que je ne suis pas préoccupé par toutes les tentations que cela suscite. Les Écritures évoquent le diable qui attend comme un lion attend sa proie. Tous les chrétiens seraient stupides de sous-estimer le diable», a-t-il dit.
Le diable? Dans les gradins du Madison Square Garden, une jeune dame se fait photographier brandissant bien haut un écriteau: «Jeremy, I want you Linside me», peut-on lire.
La prochaine fois, nous dresserons une liste exhaustive des manières d'éviter de sombrer dans le péché, à commencer par ne pas jouer au basketball à New York.