Sortir de l'ombre

La course à la direction du Nouveau Parti démocratique est entrée dans son dernier droit. Jusqu'à samedi, les sept aspirants à la succession de Jack Layton n'en avaient que pour le recrutement de nouveaux membres. Cette étape étant franchie, ils doivent maintenant passer en mode persuasion et démarcation.

Et faire plus de bruit, s'ils veulent que cette campagne à la direction finisse par attirer les projecteurs sur leur parti et gonfler ses appuis. Mais ce n'est pas leur première préoccupation. Ce sont les néodémocrates qui éliront le chef au suffrage universel des membres. C'est donc auprès d'eux que les candidats concentrent leur énergie et martèlent leur message. Ne serait-ce des débats qui vont se dérouler en rafale d'ici le 24 mars, cette campagne risquerait de passer sous le radar jusqu'à la fin.

Cela ne veut pas dire qu'il ne se passe rien. En fait, une bataille se déroule en ce moment entre les aspirants à la deuxième place. Alors que tous les sondages internes dévoilés par différentes campagnes donnent Thomas Mulcair favori, les résultats varient quand il s'agit d'identifier celui qui le talonne de plus près. Ça tiraille entre Peggy Nash, Brian Topp, Paul Dewar et, dans une moindre mesure, Nathan Cullen.

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Cette lutte pour la deuxième place est plus évidente depuis le débat tenu à Québec il y a une semaine. Après s'être écorchés à demi-mot tout l'automne, les Nash, Topp et Dewar ont sorti un peu plus leurs griffes, et chacun en est ressorti avec des égratignures capables de laisser des cicatrices. Peggy Nash a été mise sur la défensive dans le dossier de la santé, après qu'elle eut répondu à Paul Dewar qu'il s'agissait d'une compétence provinciale et qu'un gouvernement fédéral dirigé par elle n'interviendrait pas pour empêcher le Québec d'imposer un ticket modérateur. Dans l'univers néodémocrate et progressiste canadien, ce fut la commotion et l'affaire a poursuivi Mme Nash toute la semaine, la forçant à reculer dans les pages du Toronto Star.

Durant le débat, personne n'a osé attaquer de front le français laborieux de Paul Dewar. Dans les jours qui ont suivi, par contre, M. Topp est revenu sur le sujet. À Québec, Mme Nash et lui ont toutefois reproché à M. Dewar son manque de sensibilité à l'égard du Québec avec son choix d'un lieutenant unilingue anglais. Dès le lendemain, M. Dewar publiait un sondage interne le plaçant dans le peloton de tête, derrière M. Mulcair et Mme Nash. Le but de l'exercice: démontrer qu'aux yeux des membres du parti, il reste un candidat sérieux.

Malgré sa faible maîtrise du français, pourrait-on ajouter. Car ce que Paul Dewar veut, c'est faire taire ceux qui lui recommandent de se retirer. Il n'y parviendra pas, à en croire les commentaires dans la presse anglophone. Le handicap du député d'Ottawa-Centre est trop fondamental pour diriger un parti qui doit son titre d'opposition officielle à sa percée du 2 mai dernier au Québec.

Brian Topp, de son côté, s'est fait reprocher par Paul Dewar et Peggy Nash — toujours le même trio — de ne pas avoir de siège à la Chambre des communes, une façon de souligner son inexpérience électorale. Les deux députés lui ont demandé sans grand succès où et quand il se ferait élire. Son silence n'a fait qu'alimenter les questions de la presse dans les jours qui ont suivi, mettant en relief la principale faiblesse de sa candidature. Malgré toute l'estime que le NPD a pour sa chef intérimaire Nycole Turmel, il compte les jours qui le séparent de l'élection d'un nouveau chef. S'il faut que ce dernier ne siège pas aux Communes pendant des semaines, le malaise ne fera que durer.

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Des débats tenus jusqu'à présent et des entrevues accordées, on retient toujours la même grande question qui hante les candidats. Est-il ou non nécessaire pour le NPD de faire des compromis pour enlever le pouvoir aux conservateurs? Et si oui, jusqu'où? La majorité des candidats défendent, à des degrés divers, une certaine orthodoxie néodémocrate. En revanche, Thomas Mulcair présente une vision plus centriste, ce qui lui vaut d'ailleurs des attaques fréquentes de MM. Topp et Dewar. Nathan Cullen est, pour sa part, le seul à militer pour que néodémocrates, libéraux et verts coopèrent pour battre les conservateurs lors des prochaines élections.

Le choix que les membres du NPD auront à faire d'ici le 24 mars n'est donc pas cosmétique, même si la campagne fait peu d'étincelles. Le processus y est pour quelque chose. Tous les membres ont le droit de vote et pourront, avec le mode de scrutin préférentiel, établir leur ordre de préférence des candidats. Il ne suffit donc pas, pour les Thomas Mulcair, Brian Topp et autres, de se gagner des supporteurs inconditionnels. Ils doivent aussi, pour espérer passer la barre des 50 % au deuxième ou troisième tour, démontrer qu'ils méritent d'être le second choix des partisans de leurs adversaires.

Si les candidats s'entredéchirent à belles dents, cela fera de belles manchettes, mais minera les chances des plus mordants de séduire les supporteurs de leurs vis-à-vis. Et il y a l'impact que de tels affrontements peuvent avoir à long terme. Les libéraux en savent quelque chose, eux qui ont vu l'exploitation que les conservateurs ont faite de certains échanges de la campagne de 2006, entre Michael Ignatieff et Stéphane Dion.

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