Perspectives - Un concurrent à Maple
L'offre du consortium Maple visant à mettre la main sur l'univers boursier canadien manque de concurrence. Si elle avait un sens lorsqu'elle s'opposait aux visées de la Bourse de Londres sur Bay Street, aujourd'hui cette offre, puisque comparée au statu quo, soulève de sérieuses questions de concentration, de légitimation. Il faudrait un concurrent à Maple.
Un an jour pour jour après l'intention manifestée par la Bourse de Londres de fusionner avec le Groupe TMX abritant les parquets boursiers canadiens, Maple se trouve toujours dans l'attente de la décision des autorités de régulation et du Bureau de la concurrence. Il y a hésitation réglementaire, surtout de la part du protecteur de la compétition qui, depuis le désistement de Londres, doit statuer entre un statu quo concurrentiel et la concentration à saveur monopolistique proposée par Maple.L'offre de Maple a perdu le gros de son sens depuis la décision de la Bourse de Londres, annoncée le 29 juin dernier, de se retirer, faute d'appui. Dans l'enthousiasme des jeux de fusions et d'acquisitions des parquets boursiers à l'échelle planétaire, Londres prenait Bay Street par surprise le 8 février 2011 en manifestant son intérêt pour le Groupe TMX, abritant les parquets canadiens. Rejetant cette mainmise londonienne sur leur univers boursier, les grandes institutions financières, les caisses de retraite et les firmes de courtage canadiennes ont annoncé en mai leur intention de répliquer, pour déposer leur réponse canadienne à l'offre londonienne le 13 juin. Aujourd'hui, le consortium Maple, composé de 13 grands institutionnels, se retrouve seul devant les autorités réglementaires à défendre la pertinence de son offre de 3,8 milliards, face à un statu quo plus éclaté dans lequel ces mêmes joueurs dominent, mais dans un environnement plus compétitif.
L'offre de Maple mise sur l'intégration verticale et horizontale, à savoir la Bourse traditionnelle et celle de produits dérivés réunies. Le tout étant renforcé par un regroupement des chambres de compensation des produits dérivés, au comptant et du système de paiement au sein d'une entité à but lucratif. Et par l'acquisition du système de négociation alternatif Alpha, lancé par ces mêmes firmes de courtage canadiennes qui cherchaient pourtant à offrir une négociation concurrentielle à moindres coûts à la Bourse de Toronto. Alpha vient de se voir accorder le statut de Bourse.
Au demeurant, les organismes de réglementation en valeurs mobilières pourraient se satisfaire des garanties offertes par Maple. Même assurance pour la spécificité montréalaise dans l'univers des produits dérivés. Mais le Bureau de la concurrence doit, pour sa part, statuer entre un statu quo impliquant la domination des mêmes joueurs, mais dans une structure plus éclatée, et la concentration proposée par Maple.
En regroupant TMX et Alpha, l'entité trônerait sur plus de 80 % du volume de négociation au pays et sur la totalité du marché canadien des options adjacentes et des contrats à terme. Dans le sillage de la crise financière de 2008, les banques centrales misaient justement sur l'activité de compensation pour apporter plus de transparence en matière d'appariement et d'exposition des institutions par rapport aux produits dérivés et à leur sous-jacent. Une activité qui serait détenue et contrôlée par ces mêmes institutions que la Banque du Canada souhaite surveiller.
Donc, concentration réglementaire et monopole opérationnel laissant peu de place à l'arrivée de nouveaux joueurs, soit deux conséquences que craignent les grands émetteurs canadiens, les plus petites firmes en valeurs mobilières et les organismes de surveillance.
Et dans l'intervalle, la Commission européenne a opposé son veto, le 1er février dernier, à la fusion entre NYSE Euronext et Deutsche Börse devant donner naissance au premier opérateur boursier au monde. Bruxelles invoquait un risque de trop forte concentration. Le commissaire européen à la concurrence a écarté l'argumentaire voulant que le marché des produits dérivés soit mondial et que les échanges afférents se fassent pour la plupart de gré à gré. «Ces marchés sont au coeur du système financier et il est essentiel qu'ils restent concurrentiels dans l'intérêt de l'ensemble de l'économie européenne», a retenu la Commission. Sans compter que la crise de 2008 a démontré l'importance que les acteurs de ces marchés s'y activent dans la transparence.
En quoi un monopole canadien serait-il justifiable là où un quasi-monopole européen serait préjudiciable? Au demeurant, le Bureau de la concurrence pourrait accompagner son aval à la proposition Maple de conditions susceptibles d'infirmer la pérennité du statu quo en l'absence de mainmise extérieure. Donc, pas de quoi justifier le versement de 3,8 milliards.