Le parti des Anglais

Les organisateurs libéraux ont dû voir un signe du ciel, et le maudire, en constatant que la pluie cessait sur la région de Montréal, hier après-midi. De l’avis général, un faible taux de participation était la clé d’une victoire du PLQ dans Vimont. Or il a dépassé les 53 %. Si même la Providence est contre Jean Charest...

En réalité, la défaite dans Vimont est simplement la plus spectaculaire, en raison des 17 % de non-francophones qui y résident, et dont la grande majorité était en principe acquise au PLQ. Le portrait général qui se dégage des quatre élections partielles est tout aussi cauchemardesque pour les libéraux. La débandade est générale dans l’ensemble de l’électorat francophone.

En 1998, le PLQ avait terminé bon deuxième dans les quatre circonscriptions qui étaient en jeu. Cette fois-ci, il est dernier partout, sauf dans Vimont. Au total, il a tout juste recueilli l’appui d’un électeur sur cinq.

Malgré la cuisante défaite que le PLQ avait encaissée lors de la partielle dans Saguenay, le 15 avril, M. Charest avait continué à se bercer de l’illusion qu’il avait remporté le pari qu’il avait fait au lendemain des élections de 1998, soit en faire le «parti des régions». Les victoires du 1er octobre dans Laviolette et Jonquière n’en étaient-elles pas la preuve?

Il serait grand temps, s’il n’est pas déjà trop tard, que les libéraux et leur chef regardent la réalité en face: le PLQ est en voie d’être chassé des régions francophones à grands coups de pied au derrière. Dans la réalité des choses, M. Charest n’est déjà plus le chef de l’opposition. Au train où vont les choses, le Parti libéral de Jean Lesage et de Robert Bourassa redeviendra plus que jamais le «parti des Anglais». Il ne reste plus qu’à souhaiter bonne chance à son organisateur, Pierre Bibeau, dans sa chasse aux candidats.

Le plus triste est que M. Charest ne semble avoir aucune conscience de la nature du problème. Hier soir, il a parlé d’«ajuster le tir», mais il a toujours cru que le simple jeu de l’alternance allait à terme le porter au pouvoir. D’où un programme d’une rare platitude. L’idée qu’un aspirant au poste de premier ministre doive avoir une certaine vision de l’avenir semble ne jamais l’avoir effleuré. Évidemment, il est difficile de donner ce qu’on n’a pas.

Depuis le congrès d’octobre 2000, on avait tenu pour acquis que son leadership ne serait pas sérieusement contesté jusqu’aux élections générales. Il n’y a plus rien d’assuré. On pensait aussi que Daniel Johnson avait passé le test avec succès en mars 1997. Un an plus tard, il n’était plus là. Il est encore heureux pour M. Charest que le duel Chrétien-Martin monopolise toutes les énergies à Ottawa. Autrement, les Cauchon et Pettigrew pourraient avoir de sérieuses tentations.

Cette fois-ci, personne ne peut prétendre avoir été surpris par l’ADQ. Au contraire, aussi bien les libéraux que les péquistes ont concentré leurs attaques contre le parti de Mario Dumont durant toute la campagne. De toute évidence, la «campagne de peur» autour du programme de l’ADQ n’a rien donné.

Ceux qui prédisaient que la «baloune» adéquiste allait se dégonfler, dès que les électeurs auraient saisi toute l’horreur de la médecine «à deux vitesses» et d’un taux d’imposition uniforme, devront se faire à l’idée que l’ADQ est là pour longtemps. Soudainement, l’hypothèse d’un gouvernement Dumont devient moins loufoque.

Dans l’immédiat, la victoire du PQ dans Lac-Saint-Jean permettra sans doute à Bernard Landry de sauver la mise, mais elle est si peu glorieuse qu’il est nettement prématuré de conclure qu’il sera toujours là à la prochaine élection, peu importe les assurances en ce sens qu’il a pu donner la semaine dernière.

Dans les notes qu’on lui avait préparées pour sa conférence de presse de fin de session, on pouvait lire: «Quel que soit le résultat des élections partielles, je serai là pour diriger une équipe extraordinaire aux prochaines élections générales...» Consciemment ou non, il a préféré utiliser une tournure un peu moins catégorique, déclarant plutôt: «Il est de mon devoir de diriger une équipe...» Les circonstances pourraient finalement l’amener à voir son devoir autrement.
Les derniers sondages internes du PQ donnaient des signes encourageants, affirmait-il, mais il faudrait vraiment un microscope pour en trouver dans les résultats d’hier. Imaginez, le PQ a réussi à sauver de justesse la circonscription qu’il a toujours considérée comme son bastion par excellence.

Jusqu’à présent, tout le monde au PQ avait plus ou moins estimé que, dans les circonstances actuelles, M. Landry demeurait encore un moindre mal, ne serait-ce que pour ne pas brûler inutilement un nouveau chef. Encore faudrait-il qu’il reste une base sur laquelle reconstruire après les prochaines élections. Les candidats à sa succession vont maintenant y réfléchir plus que jamais. Les malheurs de Jean Charest sont encore plus grands que les siens, disait M. Landry, vendredi dernier. Peut-être, mais rendu à ce niveau, c’est une simple question de nuance.

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