Choisir un chef
Les néodémocrates devront choisir un nouveau chef au cours des premiers mois de 2012. Plusieurs députés jonglent avec l'idée d'entrer dans la course. Le président du parti, Brian Topp, y pense aussi. Et il y a le député manitobain Pat Martin qui, avec l'appui du président du Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile, veut qu'une fusion éventuelle avec le Parti libéral du Canada soit un des enjeux débattus durant cette course. Si aucun candidat ne veut en parler, il se lancera dans la mêlée.
Mais avant d'en arriver au choix du prochain leader, le parti doit traverser une étape cruciale: la détermination des règles de la course et de l'élection du chef. Le conseil fédéral du NPD doit en discuter dès vendredi. Il y aura les éternelles questions autour des dépenses autorisées et de l'organisation de débats entre candidats. Plus problématiques encore seront le choix de la date du congrès, qui aura un impact sur la durée de la période de recrutement de nouveaux membres, et la décision de permettre ou non aux syndicats d'avoir un mot à dire sur le choix du chef.La question de la date et, par ricochet, du recrutement intéresse au premier chef les Québécois. La seconde, sur le rôle des syndicats, concerne tous les membres, car elle peut sérieusement les diviser.
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Que le NPD ait peu de membres au Québec n'étonne personne. Le parti n'y a jamais eu une véritable organisation. Dépourvu d'une aile provinciale, il n'a pu, comme dans d'autres provinces, jumeler les efforts et le recrutement. Les Québécois, de leur côté, avaient la tête et le coeur ailleurs. Par conséquent, moins de 5 % des membres du NPD viennent actuellement du Québec, ce qui n'est pas sans conséquences importantes dans le contexte actuel.
Le NPD est le seul des trois grands partis fédéraux où le suffrage universel des membres n'est pas pondéré par un système de répartition des voix par circonscription ou province. Chez les conservateurs, par exemple, chaque circonscription détient 100 points, peu importe le nombre de membres. Chaque candidat à la direction obtient un nombre de points équivalant au pourcentage de votes obtenus. Les progressistes-conservateurs avaient fait de ce système une condition essentielle pour procéder à la fusion. Ils voulaient ainsi éviter d'être totalement écrasés par les alliancistes, beaucoup plus nombreux qu'eux et concentrés dans l'Ouest.
Le NPD n'a jamais eu à se préoccuper des effets pervers qui pourraient découler d'une trop grande domination d'une région sur une autre. Ou, à l'inverse, du déséquilibre provoqué par la trop grande faiblesse d'une province. Jusqu'à aujourd'hui. Avec un caucus majoritairement québécois, il devient difficile, et même dangereux pour l'enracinement du parti au Québec, de laisser se sédimenter le décalage entre le résultat du scrutin du 2 mai et la réalité sur le terrain.
Le conseil fédéral ne peut pas chambouler le mode de scrutin inscrit dans la constitution du parti, mais il peut, toujours en vertu de cette constitution, établir «les autres lignes directrices relatives à la sélection du chef». Personne ne croit que cela peut aller jusqu'à imposer une pondération du vote, mais cela vise sûrement l'échéancier de la course. Une porte de sortie serait donc de donner à son aile québécoise (et à tous les candidats) suffisamment de temps pour recruter des membres. Tout le monde veut respecter la volonté de Jack Layton de choisir son successeur au début de 2012. À ceux qui ont conclu que cela voulait dire janvier, plusieurs rappellent que remettre le tout en février ou mars ne trahirait pas sa mémoire, mais permettrait de tenir compte de la nouvelle réalité du parti.
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Et il y a la présence des syndicats. La constitution du NPD dit que tous les membres ont droit de vote lors de la course à la direction, mais elle ne prévoit rien d'explicite pour les membres affiliés (syndicats, organisations agricoles, groupes de femmes, coopératives, etc.), une catégorie de membres qui n'existe pas dans les autres formations. Certains en déduisent que le conseil fédéral a le pouvoir de leur accorder un certain pourcentage de votes.
Les membres affiliés, en particulier les syndicats et les organisations agricoles et coopératives, ont de longues racines dans ce parti qu'ils ont contribué à créer. Parmi eux, les syndicats tiennent à leur droit de participation et ils ont longtemps exprimé leur volonté en argent sonnant, finançant le parti à coup de centaines de milliers de dollars chaque année. Mais depuis que ces dons sont interdits, leur rôle est devenu moins clair et leur place, l'objet de débats.
La perspective de voir les syndicats contrôler jusqu'à 25 % des voix, comme ce fut le cas en 2003, ne fait pas l'unanimité. Deux camps se dessinent déjà parmi d'éventuels candidats. Thomas Mulcair serait contre alors que Brian Topp pense qu'il faut respecter la tradition du parti.
Il serait anachronique que les syndicats aient ce privilège. Les temps ont changé. Les syndicats ne financent plus le parti, et leurs membres qui souhaitent soutenir le NPD peuvent le faire de façon individuelle. Que les syndicats et le NPD fassent cause commune sur des enjeux particuliers est compréhensible, mais accorder aux premiers le quart des voix serait absurde. Ce serait plus que ce que le Québec peut espérer obtenir, même avec une solide campagne de recrutement.