Retour de l'émotivité
Le mois d'août a été particulièrement difficile en Bourse, davantage en Europe qu'en Amérique du Nord, dans le sillage de la décote de la dette américaine et de la crise de la dette souveraine dans la zone euro. L'émotivité est revenue sur les marchés. Elle alimente la volatilité des grands indices de référence, motivée en cela par une paralysie politique venant saper le moral des acteurs économiques. À son pic en août, l'émotivité est revenue aux sommets atteints il y a dix ans, dans la foulée du 11-Septembre.
Le mois d'août a été plutôt négatif en Bourse. Outre-Atlantique, les reculs mensuels ont dépassé les 19 % en Allemagne, 11 % en France et 7 % au Royaume-Uni. De ce côté-ci, l'indice S&P 500 a chuté de plus de 5 %. La brusque contraction d'une activité économique déjà anémique est venue rappeler à tous que les tergiversations politiques des deux côtés de l'Atlantique traduisaient une capacité d'intervention réduite à sa plus simple expression, au moment où l'intervention des banques centrales devient stérile. Chute de la confiance et crainte d'un retour en récession reviennent hanter les marchés.Ce changement d'humeur a ramené les grands indices dans le territoire des pertes, cette année. Le S&P/TSX et le S&P 500 affichaient à la fin d'août un recul de 5,5 % et de 4 % depuis le début de l'année, le recul des huit premiers mois de 2011 atteignant les 7,6 % dans le cas de l'indice représentant les Bourses internationales. Soit un plongeon de 17 % en Allemagne, de 11 % au Japon, de 10 % à Hong Kong et encore de 8 % à Londres.
Si ces trois premiers indices baromètres sont en progression de 68 %, de 56 % et de 45 % respectivement depuis le creux du S&P 500 touché en mars 2009, leur retard par rapport au sommet historique de cet indice, en octobre 2007, a été creusé à 10, à 22 et à 37 % respectivement (en dollars canadiens).
Pas étonnant, donc, que l'indice VIX, qui mesure la volatilité du S&P 500, ait remonté hier autour de 34 points, en réaction immédiate aux mauvais chiffres sur le marché de l'emploi aux États-Unis. À son pic en août, dans le sillage de la décote de la dette américaine, il avait bondi à 48. Avant que les politiciens, tant en Europe qu'aux États-Unis, ne nous plongent dans une rhétorique paralysante, cet indicateur évoluait sous les 20, touchant un creux à 14 points.
Rappelons que cet indice de volatilité, aussi appelé «indice de la terreur», évolue généralement entre 10 et 30 points. Au-dessus de 30, nous entrons en territoire émotif, là où l'émotivité prend le dessus sur le rationnel. À 45 et plus, c'est la crise, la grosse crise. La peur, la grosse peur. Plus haut, c'est la terreur. Le VIX a atteint son niveau culminant à 80,06 le 27 octobre 2008, au zénith de la crise financière, au nadir de l'effondrement boursier, dans le sillage de la faillite de Lehman Brothers.
Lors de la récession de 1990-1992, le VIX a fluctué entre 10 et 30. Il est remonté dans l'intervalle des 25-45 points lors de la crise monétaire asiatique de 1997-1998. Il a bondi momentanément au-dessus des 40 dans la foulée du 11-Septembre, alors que la forte correction boursière ayant accompagné l'éclatement de la bulle des valeurs technologiques au début de 2000 a forcé l'indice à se maintenir longtemps entre 30 et 40. Avec son retour à plus de 30, sa pointe à 48, on voit mieux dans quel climat le débat politique a plongé les acteurs économiques et financiers.
L'historique de cet indice nous enseigne toutefois que le comportement irrationnel se manifeste tout particulièrement lorsque la tendance boursière est baissière, ce qui confère à l'indice VIX un biais à la baisse.
Cela étant, malgré la chute d'août et le mauvais départ de septembre, les actions demeurent l'actif financier privilégié pour les douze prochains mois par une majorité d'analystes, dans un environnement de maintien des taux d'intérêt directeurs à des niveaux historiquement bas. Dans un sondage réalisé par l'industrie des fonds alternatifs auprès de ses membres, 22 % des gestionnaires ont souligné que la macrostratégie offrait le meilleur potentiel de rendement en 2012, avec un accent sur le Brésil, la Chine et l'Inde. Suivent, loin derrière, les stratégies s'inspirant des événements (11 %) et celles misant sur les ressources naturelles (9 %) ou adoptant une approche «acheteur-vendeur» sur les actions américaines (9 %). Les investisseurs clients de ces fonds alternatifs sont également plus nombreux à jeter leur dévolu sur la macrostratégie (23 %) que sur toute autre approche.
Ce sondage, réalisé à la mi-août, avait pour toile de fond des craintes grandissantes d'un retour en récession et des préoccupations persistantes face à l'Europe. Les éléments d'inquiétude les plus souvent cités susceptibles de faire dérailler la reprise étaient la crise dans la zone euro, le déficit budgétaire américain et le système monétaire dans sa globalité.