Vive l'automne!

Helen Mirren dans The Debt
Photo: Alliance Helen Mirren dans The Debt

La sortie en salles mercredi de The Debt, efficace thriller d'espionnage de John Madden, sonnait en quelque sorte la fin de la récréation. Durant la saison chaude, l'offre cinématographique destinée aux enfants et adolescents en congé scolaire explose, réduisant d'autant celle potentiellement dévolue à un auditoire adulte, réputé plus exigeant en matière de cinéma. En cette semaine de rentrée des classes, ceux-ci commencent à reprendre leurs droits, et pour peu que les promesses de la rentrée soient tenues, ils auront de bonnes raisons de sortir d'ici Noël.

Depuis la grande capitalisation, les studios américains, qui ont la mainmise dans les grandes villes sur 75 % du paysage-cinéma (et sur presque 100 % de celui-ci en région), coordonnent leur calendrier de sorties à celui du calendrier scolaire et des jours fériés. Cinéma pour la famille, pour enfants, pour ados, au fil des ans les films se ressemblent, et le calendrier aussi. Le box-office du week-end de l'an dernier a explosé grâce à une comédie sentimentale avec Katherine Heigl (27 Dresses) ou Jennifer Aniston (Along Came Polly) sortie le deuxième week-end de janvier? Vous pouvez être certain que l'année suivante, puis la suivante, un studio, le même ou un concurrent, proposera exactement la même chose, probablement avec la même vedette ou sa jumelle. Que proposer un 15 juillet où Harry Potter est en jachère? The Sorcerer's Apprentice. Rien de mieux pour appâter un troupeau repéré qu'un truc familier. Pourquoi l'effaroucher avec de la nouveauté? Suites, remakes, copier-coller, Hollywood a des actionnaires à satisfaire.

Je me suis amusé cette semaine à comparer les dates de sorties estivales, en remontant les cinq dernières années, pour constater qu'effectivement, en matière d'offre-cinéma, le calendrier grégorien dicte le scénario hollywoodien. Ainsi, le premier week-end de mai fait le vide autour de la première superproduction de l'été, qu'il soit Spider-Man 3 (2007), Iron Man (2008), Star Trek (2009), Iron Man 2 (2010) ou Thor (2011). À même date depuis le succès-surprise de My Sister's Keeper, sorti le dernier vendredi de juin 2009, Cameron Diaz réapparaît, l'an dernier dans Knight and Day, cette année dans Bad Teacher. La critique a beau être sans voix, les fans se ruent. Idem pour le dernier vendredi de juillet, où s'alignent comme des planètes les comédies très grand public — Crazy Stupid Love (2011), Dinner for Schmucks (2010), Funny People (2009), Step Brothers (2008), The Simpson (2007) — comme ça à l'infini...

Au Québec, on a pris exemple sur l'usine d'en bas. D'abord avec audace, en juillet 2003, alors qu'Alliance lançait La Grande Séduction en pleine saison des superproductions. Un risque énorme, qui a porté ses fruits: le film de Jean-François Pouliot a amassé (à l'époque) le deuxième plus gros box-office de l'histoire, derrière Séraphin. Depuis cette date, le week-end de la fête nationale canadienne (juste avant ou juste après) a vu débouler Nitro (2007), Cruising Bar 2 (2008) et depuis ce dernier, un chapelet de comédies mettant en vedette Michel Côté: De père en flic (2009), Piché entre ciel et terre (2010), et cette année Le Sens de l'humour, qui demeure à cette date le film à battre au titre du Billet d'or qui sera remis lors de la prochaine cérémonie des Jutra.

Depuis le triomphe populaire de Bon Cop Bad Cop en 2006, fin juillet début août, c'est Patrick Huard, devant et/ou derrière la caméra, qui le plus souvent prend le relais au rayon de la comédie grand public, avec Les 3 P'tits Cochons (2007), Filière 13 (2010) et Starbuck (2011). Familiarité étant le maître mot quand il s'agit de viser le succès public, rien ne laisse présager un virage de ce côté. Hollywood impose le modèle. On le reproduit à notre profit. Est-ce un crime? Leur devons-nous quelque chose? Bien sûr que non.

Comme un écho à The Debt, à moins que ça ne soit le contraire, à pareille date l'an dernier déboulait sur nos écrans The American, un excellent film d'espionnage avec George Clooney. Sorti un mercredi lui aussi. Marquant une transition entre ce qu'on venait de se faire offrir, et ce qui allait venir. Tout comme Traitor, film du même genre, en 2008. Vive l'automne.

À voir en vidéo