Le sexe, langue universelle

L’animateur de Sexe autour du monde observe discrètement un cours de massage érotique en Argentine, le pays proclamé des meilleurs amants.
Photo: Source TV5 L’animateur de Sexe autour du monde observe discrètement un cours de massage érotique en Argentine, le pays proclamé des meilleurs amants.

On aurait pu s'imaginer que le bon vieux sexe faisait partie de ces espérantos muets, capables de vous mener partout sans encombre, ou presque. Nous parlons tous la même langue corporelle; le langage des phéromones, des hormones et des atomes crochus fait le reste. Bien sûr, il y a toujours la curiosité, les affinités d'épidermes, mais au final on se dit que cet ultime bramement de notre animalité a moins à voir avec la dérive des continents qu'avec la biologie surexcitée.

Mais, et il y a un mais d'envergure, le sexe étant une activité paranormale, tout se passe dans la tête avant de réunir deux (?) corps. La bagatelle est donc très influencée par la culture ambiante et ses figurants ne sont peut-être que les marionnettes dociles de leur environnement social et géographique.

C'est avec cette théorie ethnologique en poche que l'animateur-journaliste-réalisateur Philippe Desrosiers s'est embarqué pour un tour du monde dans la série documentaire Le sexe autour du monde, dont le troisième volet a été diffusé cette semaine avec les Anglais. Shocking? Pas tant que ça. Et lorsque le journaliste s'enquiert auprès des passants où se trouve le point G (destination touristique inconnue pour la plupart), on devient tout simplement hilare.

Dans cette série à la fois ludique et instructive, l'animateur fort sympa a réussi à se positionner (si on peut dire) face à la délicatesse du sujet, tantôt tendre, tantôt coquin, toujours juste et parfois drôle, jamais vulgaire ou trop cérébral.

Le gars jase sexe avec une cinéaste féministe suédoise qui produit des films pornos (lesquels sont à faire débander un troupeau de dromadaires; j'ai eu droit à une initiation l'été dernier par mon féministe de mari tout neuf, totalement séduit par le modèle scandinave) et le même gars fait preuve d'une égale aisance avec un prince indien homosexuel qui saute ses domestiques et milite pour la liberté des droits de l'homo. Tant de souplesse force l'admiration, surtout (et je serai vilaine) chez un hétéro. L'adresse pour m'envoyer un char de bêtises est écrite plus loin. Pour les autres, l'humour est un refuge universel, même devant une érection perdue.

Les meilleurs amants au monde

Après avoir visionné le docu sur le Rwanda, ceux sur la Suède, l'Argentine, l'Inde (très décevant, le pays du Kama Sutra) et l'Angleterre, je n'ai qu'une certitude quant au sexe: à part quelques modifications physiques (les Rwandais, par exemple, qui pratiquent l'étirement du baba dès l'adolescence), faire monter le blanc en neige se passe plutôt «avant» et les préludes comptent tout autant, sinon plus, que l'acte lui-même, somme toute assez prévisible.

Par contre, la façon d'aborder l'autre et de lui signifier son attirance, les complexes physiques, le rapport à la performance, à la fidélité, l'ambiance économique, tout cela peut influencer une sexualité à fleur de peau.

La semaine prochaine, on apprendra que les Argentins, machos à souhait, se disent les meilleurs amants du monde. Selon une sexperte argentine en jouets sexuels, ils ne le sont pas et souffrent plutôt d'insécurité, ce qui explique peut-être pourquoi 95 % des Argentines ont déjà feint l'orgasme. La crise économique les a stressés et les mâles associent toujours sexe et performance, à ne pas inviter dans le même lit.

Quant au tango, pour l'avoir longtemps pratiqué (ma troisième langue), je dirais qu'il ne mène pas nécessairement au sexe, bien au contraire. Tester la chimie à la verticale vous évite certaines déconvenues horizontales.

En visionnant la série Le sexe autour du monde, je n'ai pas pu résister à l'envie de faire la liste des races que j'ai explorées plus assidûment depuis 30 ans. Un Chilien, un Californien, quelques Français, un Tunisien, plusieurs Noirs (dont un Guadeloupéen), un Catalan, un Brit, un Acadien, des Québécois, un Yougoslave, un Ontarien (le plus équipé, y a pas de justice), un Westmontais (oui, oui, c'est un pays défusionné).

Finalement, à l'heure du village global, j'en connais juste assez pour savoir qu'on peut varier le menu sans jamais assouvir sa faim. Les Québécois ne sont pas pires que les autres pour mettre le pape dans Rome, sauf dans le domaine de la drague (on dit joliment «défriser la chicorée»), un complexe généralisé qui les empêche d'engager le mouvement et laisse aux femelles le soin de les élire comme pape. Un héritage anglosaxon, semble-t-il. Sinon, c'est chez toi ou chez moi, comme partout ailleurs, pour se faire empapaouater (aucun lien de parenté avec le pape).

Et l'intimité, bordel!

Je n'ai qu'un seul regret en ce bas monde: ne jamais l'avoir fait en italien. Faire la cour et faire l'amour sont de proches parents au pays de la botte. Chez les Argentins, on subit trois rejets avant de déclarer forfait. Chez les Italiens, on y consacre probablement toute une vie.

Qu'importe, les meilleurs amants du monde sont peut-être ceux dont on ne pige pas la langue. On peut s'imaginer mille choses, se rejouer son petit Fellini mental. Les meilleurs amants sont assurément ceux qui savent écouter, frôler, suggérer sans insistance, voire danser. Et ceux qu'on ne voudrait jamais quitter.

Les meilleures baises, elles? Personnellement, ni musclées, ni masos, ni sados, ni sérieuses, ni drôles, ni sportives, ni cérébrales, ni romantiques; ce sont les plus intimes, les plus engagées qui m'émeuvent et me virent les sens dessus dessous. Je dois vieillir...

Quoi qu'il en soit, souhaitons que Le Sexe autour du monde se penche sur le cas du Québec, puis du Canada, dans la seconde mouture de ses pérégrinations déjà en chantier.

Le premier en tant que nation, le second comme... destination.

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Visité: le site de Sexe autour du monde diffusé à TV5 les mardis soir à 21h ou les jeudis soir à 22h, jusqu'au 28 février. www.sexeautourdumonde.com. Très bien conçu; on peut voir les clips, visionner du matériel inédit et se pâmer sur l'animateur très tongue-in-cheek, prof de psycho au cégep Lionel-Groulx le jour... Très hâte de voir l'épisode sur les Français (8 février) et celui sur les Japonais (22 février).

Reçu: la Saab des vibrateurs, le Lelo, made in Sweden. Très ergonomique et design. Assez fort pour l'homme mais conçu pour la femme... www.lelo.com.

Aimé: L'art d'être infidèle de Pamela Druckerman (Saint-Simon). La journaliste américaine, qui vit à Paris (mariée, trois enfants), s'est baladée de Moscou à Chicago, de Tokyo à Johannesburg, pour écrire cet ouvrage (Lust in Translation, en anglais) qui s'attarde à l'infidélité à travers le monde dans dix pays et une vingtaine de villes. Peu importe la nationalité, les hommes trompent bien davantage que les femmes. Sinon, les Africains sont les grands gagnants du concours...

Un survol fort intéressant de la façon dont une culture canalise les pulsions biologiques et justifie les écarts de conduite.

Feuilleté: Le secret des femmes - Voyage au coeur du plaisir et de la jouissance d'Élisa Brune et Yves Ferroul (Odile Jacob). Dans cet essai fouillé (même avec un gode-caméra!), vous saurez tout, tout, tout sur le clito et ses couronnes rapprochées. Des études scientifiques, des témoignages d'heureuses pratiquantes, l'orgasme mis à nu. Le plaisir féminin demeure toujours un grand mystère. Un must pour ceux qui veulent comprendre.

Flirté: entre l'amour et la détestation en parcourant Osez... l'amour des rondes (La Musardine). Tantôt l'auteure frappe dans le mille, tantôt elle fait dans le cliché absolu («La fellation, une spécialité de rondes!»). À lire avec des gants blancs, mais l'adage veut que les hommes sortent avec des minces et rentrent avec des rondes. Comment s'assumer avec ses poignées d'amour.

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Une erreur appelée Romaine

Ça ressemble à L'Erreur boréale, mais vous remplacez Richard Desjardins par Roy Dupuis pour la narration et l'implication patriotique et vous substituez la forêt pour la rivière. Même but visé: celui de nous ouvrir les yeux sur les aberrations commises au nom des contribuables et des besoins énergétiques.

Chercher le courant est un documentaire qui a nécessité trois ans de travail acharné, 60 heures de tournage, 46 jours de descente de rivière en canot, une vingtaine de spécialistes rencontrés, trois mois de montage, et on ne parle pas des centaines d'heures de recherche et de l'achat pour 10 000 $ d'équipement vidéo. Tout ça, Alexis de Gheldere et Nicolas Boisclair l'ont fait dans le but de nous entraîner sur l'une des dernières grandes rivières à être harnachée au Québec.

Aucune télé n'a encore acheté le film et Hydro-Québec est aux abonnés absents. «Notre» compagnie d'hydroélectricité n'a pas jugé bon de répondre et d'attirer l'attention sur ce documentaire «amateur», qui serait passé totalement inaperçu n'eût été l'implication de Roy Dupuis. La moitié des chiffres présentés durant les 85 minutes proviennent d'études d'impact qui dorment sur les tablettes d'Hydro.

La publicité n'est pas racoleuse: «Si vous payez un compte d'électricité, vous devez voir ce film.» Il ne s'adresse pas qu'aux écolos convertis. Dès le 28 janvier à l'ONF, au Cartier de Québec et dans 14 salles en province, il fera son petit bonhomme de chemin. La bonne nouvelle? Il y a de la relève pour l'indignation. Comme le dit Roy Dupuis, personne ne se met sur la route entre Hydro et les rivières. Eux l'ont fait. Souhaitons que ce ne soit pas pour rien.

Leur salaire? Les ovations à chaque présentation et le prix du public aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal 2010. www.chercherlecourant.com.

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http://blogues.chatelaine.com/blanchette/

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cherejoblo@ledevoir.com

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