Un ministre nous est né

Nous venons à peine de finir de ranger la coutellerie et de laver les casseroles que notre bien-aimé premier ministre du Canada nous offre «les restes» de son Conseil des ministres. En voilà au moins un qui sait où il s'en va. Il s'en va en Ontario pour gagner la majorité qui lui fait si cruellement défaut et dont il rêve même quand il est éveillé. Il a donc jeté son dévolu sur quatre personnes, deux de l'Ontario, histoire de rendre les prochaines élections plus intéressantes pour nos voisins, et deux de l'Alberta, pour ne pas déplaire à sa base. Des noms qui ont dû le hanter durant toute la période des Fêtes et qu'il avait hâte de présenter à la foule sans aucun doute. Il a osé parler d'un remaniement... alors qu'on ne peut même pas parler d'un époussetage. Les quatre nouveaux sont, paraît-il, unilingues anglais. Un détail...

L'un des quatre, Peter Kent, ancien journaliste célèbre, s'est retrouvé à l'environnement. Quand on sait la formidable importance que Stephen Harper a accordée à ce dossier au cours des dernières années, j'imagine que M. Kent a bien compris qu'on ne s'attend pas à ce qu'il révolutionne la conception canadienne des problèmes écologiques. Moins il en fera, mieux ce sera. Il ne pourra assurer son avancement dans la hiérarchie du pouvoir que dans la mesure où il apprendra vite à ne pas créer de problèmes au premier ministre et à garder le couvercle sur la marmite pour éviter tout débordement.

Il n'aura qu'à s'efforcer de ne jamais avoir d'opinion sur quoi que ce soit, de fermer les yeux sur les signes de plus en plus évidents de la souffrance de la Terre et tout ira bien. Son programme pourra être celui des trois petits singes si sages: je ne vois rien, je n'entends rien et je ne dis rien. Stephen Harper pourra alors faire à sa guise, comme il l'a toujours fait.

La réalité, cependant, c'est que, à force d'empiler les problèmes sans jamais les régler, on finit toujours par se construire une bombe à retardement qui ne manquera pas de nous sauter au visage à un moment donné.

Et les problèmes ne manquent pas. Quand les oiseaux commencent à tomber au sol, par milliers, morts en plein vol, comme ça s'est produit en Arkansas et en Louisiane au cours des derniers jours, quand des dizaines de milliers de poissons meurent dans les lacs et les cours d'eau comme en Arkansas et en Ontario, quand l'eau des puits est malsaine, quand les vagues emportent les maisons, quand les eaux recouvrent des espaces si grands que des dizaines de milliers de citoyens doivent être évacués, quand des volcans se réveillent et que les séismes se multiplient, qui a vraiment envie de devenir ministre de l'Environnement?

L'environnement, avec toutes ses questions sans réponses, est devenu un souci constant pour les citoyens avertis. Ceux-ci se retrouvent souvent devant des thèses qui s'opposent. Certaines crient à la catastrophe inévitable qui se forge sous notre nez et d'autres crient à l'exagération et à la capacité des humains de reprendre les choses en mains. Pour certains, il est déjà trop tard, pour d'autres, il faut se méfier des excités qui créent de l'angoisse pour rien.

Si je connaissais bien Peter Kent, le nouveau ministre de l'Environnement canadien, je lui dirais qu'il n'avait pas le droit d'accepter une telle nomination à moins d'être parfaitement informé de la situation de la planète en ce moment et de la position que défendent d'autres gouvernements à travers le monde. Je lui dirais qu'il n'a pas le droit de «servir» les idées de Stephen Harper sur la question et qu'il va devoir se coller à la position des citoyens pour qui il travaille maintenant, même si ça veut dire déplaire au premier ministre en le faisant. Lui qui a toujours choisi de faire «distingué» dans son comportement, il va devoir retrousser ses manches et foncer dans le tas parce que la lutte qu'il va devoir mener ne se fera pas avec des gants blancs. Dommage pour lui.

Sa tâche n'est plus de faire seulement de beaux discours. Il y a longtemps que la Terre n'en est plus là. S'il s'agit de sauver la vie sur Terre, il y a déjà un bon moment que les citoyens ont compris que ce ne sont pas seulement les petits gestes qu'ils peuvent poser, chacun chez soi, qui vont sauver la planète et qu'il faudra beaucoup plus.

J'ai entendu raconter un jour qu'autrefois, dans les mines, on descendait un oiseau avec les mineurs. C'était leur système de sécurité. Quand l'oiseau mourait, il fallait sortir d'urgence les humains parce que l'air qu'ils respiraient allait les tuer aussi.

Cette histoire m'est revenue en mémoire quand j'ai vu les routes jonchées d'oiseaux morts en Arkansas... Serait-il temps pour les humains de «sacrer le camp»? Je ne crois pas que Peter Kent puisse répondre à cette question. Dommage.

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