De lourds restants
Chaque année lègue à celle qui suit un lot de problèmes non résolus et de questions sans réponse. Il y en a qui reviennent comme des rengaines, comme dans «Y aura-t-il des élections cette année?».
En 2011? C'est possible, même fort probable, mais au fond, personne ne le sait. Tout dépend du prochain budget conservateur et de la fébrilité commune des partis d'opposition à partir en campagne. Il suffit qu'un d'entre eux soutienne le gouvernement pour que l'ardeur des autres s'avère inutile.La charade fera quand même jaser, saliver et, surtout, verser beaucoup d'encre, laissant sur leur faim les citoyens qui voudraient savoir ce que les partis proposent sur une foule de dossiers. L'approche d'une élection peut faire espérer des réponses, mais comme ce n'est jamais garanti, aussi bien les poser tout de suite. La liste pouvant être longue, tenons-nous-en à trois enjeux.
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Les finances publiques. Le dépôt du prochain budget fédéral, en février ou mars, devrait normalement être une nouvelle occasion de débattre de la stratégie anti-déficit d'Ottawa. Pour l'instant, le premier ministre Stephen Harper se veut rassurant. Lors de ses entrevues de fin d'année, il a répété qu'il n'y aurait pas de «coupes draconiennes».
En somme, on mise encore sur la croissance économique et le contrôle des dépenses dans l'appareil public fédéral pour y arriver, une recette que le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, juge déjà irréaliste. Elle l'est d'autant que les conservateurs persistent, malgré les déficits qui s'accumulent, à vouloir réduire l'impôt des entreprises. On parle de 10 milliards de revenus que le gouvernement laissera aller d'ici trois ans, tout cela en s'endettant.
Tous les partis d'opposition préconisent l'annulation de ces baisses de taxes, mais le geste ne peut représenter à lui seul une stratégie de retour à l'équilibre budgétaire. Des trois partis d'opposition, le Bloc québécois est ironiquement le seul à avoir, le printemps dernier, offert un plan chiffré pour faire de nouveaux investissements publics sans alourdir le déficit. Le NPD a une très longue liste de mesures économiques, sans les chiffres.
Les libéraux, quant à eux, jouent à la fois la carte de la prudence fiscale et de la compassion. Ils annuleraient les baisses d'impôt, mais pour financer des programmes qu'ils jugent prioritaires, comme celui pour les aidants naturels. On ignore cependant comment ils comptent exactement effacer le déficit. En fait, malgré les réserves de Kevin Page, les trois partis d'opposition fondent leurs calculs sur les chiffres du gouvernement.
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Le financement de la santé. Personne ne peut parler du retour à l'équilibre budgétaire sans parler du financement de la santé. Les accords qui gouvernent les transferts fédéraux aux provinces arrivent à terme en 2013-14. Stephen Harper répète qu'il ne sabrera pas unilatéralement dans ces transferts, ce que les libéraux avaient fait en 1995. Ce qu'il ne dit jamais cependant, c'est ce qu'il entend faire une fois les accords échus.
Le ministre des Finances Jim Flaherty a souvent laissé entendre qu'il préférerait voir ces transferts augmenter au même rythme que le coût de la vie et la croissance démographique, ce qui voudrait dire plus lentement que maintenant. Pourtant, lors de la mise à jour économique d'octobre dernier, ses prévisions pour 2015-2016 tenaient pour acquise une croissance de 6 % par année, comme actuellement. De quoi réjouir les provinces, pourrait-on croire, mais à la condition que ces chiffres tiennent la route, ce qui est loin d'être sûr, à entendre Kevin Page.
L'opposition parle beaucoup de santé, mais n'est pas beaucoup plus claire lorsqu'il est question de l'évolution des transferts. Le NPD promet de les accroître, mais ne chiffre pas ses engagements. Les libéraux promettent de faire respecter la Loi canadienne sur la santé, de défendre le système public et de maintenir les transferts en espèces, mais ils ne s'avancent pas sur leur taux de croissance ni les sommes en jeu. Ils demandent par contre que les négociations commencent dès maintenant avec les provinces.
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Les changements climatiques. La conférence de Cancún a permis de sauver le processus multilatéral de négociations des accords sur le climat, mais le monde n'est pas sorti du bois, ni le Canada du brouillard. Quiconque sera au pouvoir à Ottawa à la fin de 2011 devra avoir fait son nid s'il ne veut pas nous faire honte — encore — à Durban, en Afrique du Sud, lors de la rencontre de la dernière chance sur le sujet.
Actuellement, le Canada n'a toujours pas de politique digne de ce nom en matière de changements climatiques, le Bloc et le NPD demeurant les partis les plus fermes sur le sujet. Les conservateurs résistent, traînent la patte, jouent la comédie. Les libéraux, eux, marchent sur la pointe des pieds depuis l'abandon du Tournant vert et de la taxe sur le carbone de Stéphane Dion. Le PLC s'est donné une politique générale et des lignes directrices, mais on n'a encore rien vu qui atteigne la cohérence et la minutie du plan Dion.
Finances publiques, santé, environnement. Des enjeux fondamentaux et des questions cruciales pour lesquels on aimerait bien avoir des réponses avant d'aller aux urnes...
C'est pour quand les élections déjà?
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