Perspectives - Mauvais départ

Le G20 de Séoul commence par des chiffres sur le commerce extérieur illustrant les sérieux déséquilibres entre les pays industrialisés et émergents. La guerre des devises et, en toile de fond, une réforme du système monétaire international risquent donc de monopoliser les discussions et d'opposer les dirigeants politiques à un moment où, plus que jamais, la reprise mondiale requiert une contribution de tous, concertée.

Cette rencontre à Séoul oppose ouvertement les États-Unis et la Chine. Dans un sens plus large, elle place au rang des belligérants une économie en soif de croissance et de création d'emplois, mais en déficit commercial record. Et une autre qui peine à éviter la surchauffe et le dérapage inflationniste, mais en surplus commercial alimenté à coups d'exportations à défaut d'un développement adéquat de son marché intérieur. Résumé ainsi, on peut comprendre le pessimisme qui régnait hier avant l'ouverture officielle de ce cinquième sommet du G20 depuis la crise.

Ces statistiques ramènent ce face à face à sa plus simple expression. Le déficit commercial des États-Unis s'est réduit en septembre grâce à la vigueur des exportations du pays, sur fond de dévaluation du billet vert les marchés de change. Mais les analystes retiennent qu'à 44 milliards $US, ce déficit mensuel demeure élevé, étant le troisième le plus lourd depuis janvier 2009. Outre-Pacifique, la Chine annonçait au même moment un bond spectaculaire de son excédent commercial en octobre, à 27,15 milliards $US, s'ajoutant à celui de 16,88 milliards en septembre. Les exportations chinoises ont progressé en octobre de 22,9 % sur un an, à 135,98 milliards, tandis que les importations ont augmenté de 25,3 %, pour atteindre 108,83 milliards.

Cette réalité économique canalise donc l'attention sur le jeu des devises et sur les conséquences des politiques monétaires. Ce sont des préoccupations réelles concernant des enjeux immédiats. Elles risquent toutefois d'édulcorer un communiqué final qui aurait pu être plus efficace si les travaux avaient consisté à jeter les bases d'un règlement durable des déséquilibres apparus de manière criante en ces lendemains de crise.

La Chine est particulièrement interpellée ici. Nombre d'études ont déjà démontré qu'un régime de taux de change flexible rime avec volatilité. Mais qu'à long terme, de telles fluctuations, même fortes, n'ont pas d'incidence sur l'économie réelle. Sur les exportations, sur la consommation, sur les investissements. L'analyse des crises monétaires passées vient également étayer la thèse des analystes dénonçant l'actuel interventionnisme à la chinoise et soutenant que le jeu des devises soit librement laissé au marché. Tant lors des crises monétaires des années 1990 que lors du choc pétrolier des années 1970, les pays touchés ont appuyé leur sortie de crise sur l'application d'un taux de change flexible pur.

Des «dommages collatéraux» sont toujours possibles. Les pays ne disposant pas d'une devise d'influence peuvent subir le contrecoup d'un flot de capitaux déferlant trop rapidement, ce qui nécessitera une supervision accrue de leur système bancaire et un encadrement de ce mouvement de capitaux pour éviter les assauts spéculatifs. Certains pays sont cependant plus sensibles que d'autres à de telles attaques spéculatives. Les pays abritant un système bancaire fragile, ou ceux maintenant un taux de change trop élevé par rapport à l'état de santé réel de leur économie peuvent devenir des cibles de choix lorsqu'un déséquilibre apparaît.

Ce sont ces considérations — importantes, mais de court terme — qui dominaient hier les préparatifs du G20. Un responsable indien proche des négociations en cours à Séoul, cité par l'agence Reuters, a soutenu que le communiqué final n'inclurait pas de référence à une devise en particulier. «Nous sommes nombreux à penser qu'on ne peut réduire l'ensemble des problèmes à une devise en particulier. Le point essentiel, c'est le processus d'évaluation mutuelle: comment coordonner les politiques afin de rééquilibrer la demande mondiale», a-t-il dit.

Mais la question des changes continuait à alimenter les tensions. Selon l'agence Reuters, une quarantaine de représentants des pays industrialisés et émergents membres du G20 ont passé 14 heures mardi dans une petite pièce à tenter d'accoucher d'un compromis. Il appert que les esprits se sont échauffés lorsqu'a été abordé le sujet de l'équilibre de la croissance mondiale, dont les chefs d'État et de gouvernement du G20 veulent faire la pierre angulaire de leur réunion. L'essentiel du travail consistait à évacuer toute référence au yuan et l'assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale américaine. Et on n'y parvenait toujours pas.

À voir en vidéo