La couleur des marchés à deux pas de la Maison-Blanche

Olivier Perret est sans aucun doute un chef discret. Marié à une Québécoise de Saint-Jérôme, il officie comme chef de cuisine à Washington, à deux pas de la Maison-Blanche, dans le très chic hôtel Sofitel.
Depuis quelques années, Washington se découvre la vocation d'ouvrir un peu partout dans la ville des petits marchés inspirés de la philosophie de Michelle Obama, dont la plupart des intervenants jouent la carte biologique. Le résultat est probant: ces marchés sont littéralement pris d'assaut par une clientèle bien nantie qui redécouvre le plaisir de manger. Un phénomène nouveau dans la capitale américaine, majoritairement habitée par un grand nombre de fonctionnaires qui ont plus l'habitude de s'inspirer des épiceries de grande surface que des marchés et des artisans qui les animent.Le combat des chefs
Par sa formation et son désir de qualité, le chef Perret participe à cette évolution des marchés et des petits producteurs qui étonnent les visiteurs comme moi. On pourrait fort bien, le dimanche, s'imaginer dans un marché de Montréal ou d'Europe tellement le choix y est vaste.
Mieux encore, on ne tombe pas dans le piège nord-américain de l'aseptisation à outrance et on y permet autant la vente de sandwichs que de crab cakes du spécialiste en la matière, Chris Hoge. Cet amateur au talent de chef achète les crabes bleus pêchés sur la côte du Maryland et, après leur cuisson, transforme leur chair pour la revendre en crab cakes.
Il y a une concurrence saine et douce à la fois entre les «vrais chefs» de Washington et cet artisan, qui rivalise de talent avec ces professionnels de la restauration. Et c'est une manne pour les nombreux consommateurs, qui découvrent autre chose que la restauration rapide au pays de l'oncle Sam.
L'effet Obama y est sûrement pour quelque chose, affirme sans détour Olivier Perret, qui, lors de sa venue à Washington au moment de l'investiture du président Barack Obama, était installé à Chicago, juste avant Montréal.
On n'aurait pu imaginer, auparavant, trouver dans un marché local du fromage de chèvre, un boulanger offrant une vingtaine de pains différents et des variétés d'herbes ou de légumes à faire rêver les Jean Georges de ce monde qui s'installent dans la capitale. Le train est en route et fait sourire les organisatrices des marchés (un organisme sans but lucratif), qui ont déjà installé sous des tentes une dizaine de marchés qui regroupent, pour certains, une quarantaine de petits producteurs, un nombre qui augmente chaque année.
Dans l'est de la ville, des quartiers plus pauvres, semblables à Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal, sont en pleine mutation et viennent d'un coup de baguette magique de bénéficier de l'effet Obama. De l'or en barre pour ce restaurant populaire mis en avant par le président, qui trône entre le Chili Bowl, la poutine version américaine et le fameux Chili Half- Smoke. Un plat dont Barack Obama a fait découvrir à Nicolas Sarkozy les vertus thérapeutiques.
Du coup, le restaurant est assailli de toute part; on y organise des visites et chaque Japonais de passage dans la capitale y consacre une séance de photos.
Au Sofitel de Washington, Olivier Perret s'attarde lui aussi à fabriquer des crab cakes, mais il s'amuse également avec les extraordinaires produits que l'on retrouve à une heure de la capitale: des mini-kiwis, des champignons de toutes sortes, mais aussi des kakis japonais ou crabes à chair molle, du poulet amish et du boeuf de l'Ouest américain, sans oublier les vins issus de la Virginie, de l'Oregon ou encore, et surtout, de la Californie.
Le réveil américain est-il bien réel? Selon ces nouveaux producteurs que l'on voit dans les marchés de Washington, le train est désormais en marche; il ne s'arrêtera pas, et ce, même si la route est longue.
www.chrismarketplace.com, www.benschilibowl.com, www.sofitel.com (recherchez ensuite Washington).
***
Biblioscopie
Le Bonheur de cuire
Philippe Laloux
Éditions Québec Amérique, 2010, 275 pages
Beau, simple et sincère. Laloux est un jouisseur culinaire discret et fidèle à lui-même. Il fait redécouvrir dans son livre les vrais aliments et une cuisine qui sait toucher le coeur.
***
Recette de la semaine
Les crab cakes du chef
Olivier Perret de Washington
- 450 g de chair de crabe déjà cuit
- 40 g de poivrons rouges coupés en dés
- 20 g d'oignons verts hachés très fins
- 1 oeuf entier
- 3 cuillères à soupe de mayonnaise
- 1 cuillère à soupe de chapelure Panko*
- Sel, poivre et Tabasco au goût
* La chapelure Panko, ou chapelure asiatique, se trouve dans les épiceries fines ou asiatiques.
Mélanger ensemble tous les ingrédients, sauf la chapelure. Façonner des boules et les aplatir avant de les passer dans la chapelure.
Faire dorer dans un peu de gras les galettes, des deux côtés, et servir avec une mayonnaise épicée.
***
Humeurs et découvertes
Tout savoir sur ce que mangent les Québécois
C'est à l'initiative de l'association du centre de référence de l'Université de Montréal que se déroulera, d'octobre 2010 à septembre 2011, «Tout le monde à table», qui permettra de mieux comprendre ce que consomment les familles québécoises. Ce projet touche les familles ayant des enfants de 0 à 12 ans, dans tout le Québec.
www.toutlemondeatable.org
***
Philippe Mollé est conseiller en alimentation. On peut l'entendre tous les samedis matin à l'émission Samedi et rien d'autre, à la Première Chaîne de Radio-Canada.