Salles et festivals, même combat?

L'automne est la saison la plus chargée en matière de cinéma de qualité. Ainsi que la plus chargée, tout court. Pas moins de 13 films prennent l'affiche cette semaine (suicide commercial à prévoir pour les trois quarts d'entre eux). Les primeurs mondiales de Cannes et de Venise (Fair Game, Tournée, etc.) s'apprêtent à débouler dans le circuit des salles ou y sont déjà (Incendies). Toronto vient de lancer plus de la moitié des films dits «de prestige» attendus d'ici les Fêtes (Never Let Me Go, Hereafter, Black Swan, etc.).

Au même moment, au calendrier culturel québécois et surtout montréalais, c'est la déferlante festivalière. Le Festival du nouveau cinéma ouvre le bal mercredi prochain avec une offre alléchante et diversifiée qui a de quoi combler le cinéphile le plus blasé. L'oeil déjà ouvert sur demain (tant de festivals regardent en arrière), l'événement piloté par Nicolas Girard-Deltruc étendra sa portée hors de l'île en offrant une fraction de sa programmation sur une plateforme de télévision à la carte.

La traînée lumineuse du FNC sera encore visible dans le ciel lorsque se déclenchera le 28 octobre la 23e édition d'Image + Nation, le festival gai et lesbien de Montréal, événement tenu à bout de bras par sa directrice générale Charlie Boudreau. Deux jours plus tard s'ouvre à Rouyn-Noranda le 29e Festival de cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, rendez-vous incontournable où s'affichent plusieurs primeurs québécoises. Vient ensuite Cinémania (4-14 novembre), le festival-boutique très apprécié du public qui a déserté le FFM grâce à une programmation resserrée autour des figures marquantes du 7e art français. Les Rencontres internationales du documentaire se mettent en branle le 10 novembre, avant la tombée de rideau de Cinémania. Cette 13e édition, sous la gouverne de sa nouvelle directrice générale, Roxane Sayegh, prendra fin le 24 novembre. À temps pour la Thanksgiving américaine, qui actionne le compte à rebours des Fêtes, avec partys de bureau et magasinage intensif au programme.

Trop de festivals au Québec? Regardons ce qui se passe ailleurs. Le calendrier de Screen Daily dénombre, pour le mois d'octobre, pas moins de 70 festivals dans le monde. Parmi ceux-là: Rome, Tokyo, Pusan, Chicago, et un petit festival peu connu chez nous, mais qui, me dit-on, est devenu un haut lieu de rencontres: Hamptons International Film Festival, qui s'ouvrait hier à Long Island, dans l'État de New York, et où seront projetés Les Amours imaginaires de Xavier Dolan et Jaloux de Patrick Demers, devant les barons du cinéma indépendant américain.

Mais revenons chez nous, où la haute saison festivalière se concentre durant la période de l'année où les cinéphiles sont les plus comblés par l'offre commerciale. Or, un festival étant un objet organique qui grossit à mesure que sa pertinence s'affirme et que la demande des spectateurs se matérialise en entrées, on peut se demander comment une population comme la nôtre peut remplir autant de salles en même temps. Sinon en s'ouvrant à l'hypothèse selon laquelle le public festivalier et le public des salles s'additionnent sans se superposer autrement que dans une proportion marginale. Sommes-nous encore une fois en train d'observer, par ce phénomène des salles versus des festivals, que le public s'est divisé en deux, les jeunes indifférents à l'offre festivalière, les vieux hostiles aux multiplexes? Poser la question...

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À qui s'intéresse à l'histoire de l'art, Jean-Michel Basquiat: The Radiant Child est à inscrire à votre calendrier de sorties. Prenant pour point de départ une entrevue inédite (et peu révélatrice) qu'elle avait réalisée deux ans avant la mort par surdose du peintre autodidacte, survenue en 1988 (il avait 27 ans), la documentariste Tamra Davis nous fait revivre avec vigueur son parcours éclair dans le monde de l'art. Elle le fait au moyen de témoignages éclairants et d'archives qui se chevauchent et se répondent, suivant l'esprit et la manière du peintre néo-expressionniste, passé de graffiteur clandestin à superstar du monde de l'art en l'espace de deux ans à peine. À voir au Cinéma du Parc.

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