Une année... avec Pedro Almodóvar

Pedro Almodóvar et Penélope Cruz
Photo: Agence Reuters Pedro Almodóvar et Penélope Cruz

Il y a les années sans et les années avec. Cette année, nous ferons avec Pedro Almodóvar, dont le 17e long métrage, Los abrazos rotos (Broken Embraces en anglais), prenait l'affiche ce mercredi en Espagne, six semaines avant sa première mondiale anticipée à Cannes, d'où il amorcera son tour du monde.

Que je vous rassure, je n'y étais pas. Ce que je vous raconte ici, je le tiens des articles de mes confrères de la presse internationale, qui confirment que Penélope Cruz est à nouveau au centre de l'affaire, trois ans après Volver. Elle campe une starlette un peu cheap et fatale qui, par opportunisme, épouse un homme d'affaires riche et corrompu et le trompe avec le cinéaste avec qui elle tourne, sous l'oeil d'un espion engagé par le cocu pour réaliser un making-of du film en question.

Il y aurait du Femmes au bord de la crise de nerfs dans cette histoire. C'est du moins ce que la presse espagnole signalait cette semaine, Almodóvar, en conférence de presse, reconnaissant d'emblée le fil qui lie ce nouveau film avec sa comédie datant de 1988. «Mes films sont mon héritage, à tous égards: financier, émotif et artistique. Ils font partie de l'histoire de ma vie et quand je me mets à écrire, je les ai à l'esprit. L'intrigue [de Los abrazos rotos] fait référence à celle de Femmes au bord de la crise de nerfs pour des raisons pratiques: les personnages font un film, si bien que j'ai décidé, pour ce film dans le film, de privilégier la comédie, qui met en valeur les problèmes et les drames vécus par les protagonistes. Je ne me rends pas hommage. C'est juste pour moi une question d'employer et de manipuler des idées sans avoir à demander la permission ou payer des droits à quiconque.»

Cette comédie noire qu'Almodóvar qualifie de «lettre d'amour au cinéma», avec des références à Roberto Rossellini, Vincente Minelli, Henry Hathaway, Nicholas Ray, etc., a été accueillie avec un enthousiasme modéré par les critiques de Variety et Screen International, bref par la presse des professionnels du cinéma, qui se prononce en premier.

Dans Variety, Jonathan Holland, visiblement séduit par le mélange des genres opéré dans le film et par la personnalité singulière de son auteur, déclarait que «les fans purs et durs ne seront pas déçus. Mais ceux qui espèrent que le film s'inscrive dans la continuité feutrée de Volver, avec son humeur intimiste, seront déçus de constater que Los abrazos rotos n'est pas fait de chair et de sang, mais bien de celluloïd.»

Même son de cloche de la part de Barry Byrne, correspondant madrilène du magazine britannique Screen International. «Les fans d'Almodóvar seront en terrain connu — des couleurs riches et saturées, une intrigue hyper-dense, un style explosif et de la comédie décalée», dit-il avant d'ajouter que l'approche du cinéaste est trop passionnée pour le film noir, qui exige retenue et froideur. En outre dit-il, «son Madrid pétillant est loin du théâtre glauque du film noir, avec ses allées sombres et ses ombres au mur».

Ma collègue Odile Tremblay vous en reparlera de Cannes, et on remettra le couvert à l'automne, pour la sortie en salles chez nous. C'est loin, je sais.

***

Une étude réalisée par le magazine Forbes auprès de 157 professionnels de l'industrie du cinéma américain, visant à dresser la liste des acteurs les plus viables économiquement («bankable»), a donné des résultats franchement déstabilisants. Seulement 28 femmes apparaissent dans ce top-100, quatre seulement dans le top-30. Ce sont Angelina Jolie (no 2), Julia Roberts (no 11), Meryl Streep (no 16) et Nicole Kidman (no 22).

Pas moins de 1400 acteurs étaient évalués dans cette étude, selon quatre critères volatils et impressionnistes: quels acteurs facilitent le financement d'un film?, qui vend le plus de billets une fois le film en salle?, et enfin, qui soutient encore l'intérêt pour un film lors de son passage au DVD? En première place, vous me demandez? Pas surprenant: Will Smith. Johnny Depp, Leonardo Di Caprio et Brad Pitt sont à égalité au deuxième rang, avec Mme Jolie.

***

La citation de la semaine

«On décrit Hollywood comme étant le sexe sans la profondeur, et Washington comme étant la profondeur sans le sexe, alors peut-être que les deux sont faits pour se plaire», a dit l'acteur Ron Silver, mort d'un cancer le week-end dernier à l'âge de 62 ans. S'il a incarné l'avocat Alan Dershowitz dans Reversal of Fortune, sur l'affaire Von Bulow, et participé à la série The West Wing, Silver était mieux connu comme acteur de théâtre... et militant démocrate. Du moins jusqu'aux attentats du 11-Septembre, au lendemain desquels il a changé de camp et endossé la politique de «guerre à la terreur» préconisée par le gouvernement Bush. Ce qui lui a valu d'être mis au ban de l'industrie.

***

Collaborateur du Devoir

À voir en vidéo