CELI vs REER vs REEE

Nouveauté fiscale en 2009, le compte d'épargne libre d'impôt (CELI) devrait s'imposer rapidement dans la stratégie de planification financière des particuliers. Il tient bien la comparaison avec d'autres programmes à incidence fiscale, telles l'épargne-retraite et l'épargne-études.

«Le CELI a certainement sa place. C'est, d'ailleurs, le réflexe qu'il faudra désormais développer», a commenté Natalie Hotte, fiscaliste à la Financière Banque Nationale. Résumé simplement, à compter de 2009, tous les épargnants âgés de 18 ans et plus peuvent cotiser au moins 5000 $ par année à un CELI. On parle d'une personne physique, et non morale. Ces cotisations ne sont pas déductibles du revenu imposable, mais le revenu généré sur cette épargne ne sera pas imposé. Il n'y a pas de contraintes fiscales associées aux retraits. «Idéalement, on devrait cotiser à la fois au régime enregistré d'épargne-retraite [REER], au régime enregistré d'épargne-études [REEE], s'il y a présence d'enfants, et au CELI», a souligné Mme Hotte.

Dans le cas où un choix doit être fait, si le taux d'imposition est égal à l'entrée et à la sortie, on choisira indifféremment une cotisation au REER ou une contribution au CELI. Si, au moment du retrait, le taux d'imposition est moindre, le REER, qui est un régime d'étalement du revenu imposable, aura un avantage. À l'inverse, si ce taux lors du retrait est plus élevé, le CELI l'emporte.

Cela étant, une nuance devient intéressante. Dans un document de réflexion présenté en novembre dernier, Luce Samoisette, notaire, a proposé le cas suivant. Un investissement de 5000 $ par année, pendant dix ans, est fait dans un CELI et un autre de 5000 $ est injecté dans le REER. L'économie d'impôt générée par le REER est réinvestie dans ce régime. Après dix ans, au taux annuel de 5 %, le capital-REER atteint 99 100 $ et celui du CELI, 66 034 $, pour un total de 165 134 $. Si la totalité des 10 000 $ est injectée dans le REER et que le retour d'impôt de 5000 $ est dirigé vers un CELI, après dix ans, au taux annuel de 5 %, le capital-REER totalise 132 068 $ et celui du CELI reste à 66 034 $, pour un total de 198 102 $. La différence entre les deux stratégies est d'environ 33 000 $, favorisant une contribution maximale au REER.

Ce même calcul et cette même comparaison, sur 20 ans, se traduit par un différentiel de 87 000 $ à l'avantage d'une contribution maximale au REER et d'une cotisation de l'économie d'impôt dans un REER.

Vu autrement, dans le premier cas, la sortie de fonds totale est de 10 000 $ par année, mais le placement total est de 12 500 $. Dans le deuxième cas, la contribution est la même, soit 10 000 $ par année, mais le placement total est de 15 000 $.

Dans le cas d'un REEE, le fait qu'une contribution à ce régime soit accompagnée d'une subvention rend ce véhicule plus avantageux d'un point de vue économique. Luce Samoisette a donné l'exemple suivant. Au taux d'intérêt de 5 %, un investissement de 2500 $ par année dans un CELI devient 33 017 $ après 10 ans. Il serait de 42 922 $ si les 2500 $, augmentés de la subvention gouvernementale de 750 $, avaient été dirigés vers un REEE, aux mêmes conditions.

Mais en bout de piste, «tout est fonction de l'objectif de l'épargne. Par exemple, le REEE est beaucoup plus contraignant quant à l'accès aux fonds», a précisé Geneviève Leblanc, notaire et fiscaliste à la Financière Banque Nationale.

D'un point de vue fiscal, il n'y a pas de limites aux retraits que le titulaire peut effectuer de son CELI, quoique sur le plan administratif des frais pourraient être exigés par les institutions financières selon la fréquence des retraits, étant donné la lourdeur du travail administratif afférent. Et ces retraits régénèrent les droits de cotisation, qui ne sont pas perdus et qui peuvent s'accumuler.

Pour son collègue Laurent Chartrand, directeur de Gestion personnalisée à la Banque Nationale, le REEE demeure le véhicule à privilégier si l'on veut constituer pour l'enfant un patrimoine servant à financer des études postsecondaires. Ce spécialiste place également le REER au premier rang des priorités, suivi du REEE puis du CELI.

Conjoint

Contrairement au REER, il n'existe pas de CELI au nom du conjoint. De plus, le CELI n'est pas soumis aux règles d'attribution. On peut cotiser au CELI de son conjoint si ce dernier dispose de droits inutilisés de cotisation. Dans ce cas, les revenus de placement ne seront pas réattribués au cotisant tant et aussi longtemps que les fonds versés au CELI du conjoint demeurent à l'intérieur de ce compte. Dit autrement, «s'il y a revenu de placement, il sera attribué au cotisant lorsqu'il y a retrait», a résumé Natalie Hotte. Si un tel transfert entre conjoints implique un bien ou un actif admissible, il y aura alors disposition présumée de l'actif. Si une perte en capital en résulte, elle ne pourra être récupérée à des fins fiscales, a ajouté Laurent Chartrand.

Luce Samoisette va plus loin en abordant la notion de prêt, tout en soulignant qu'un tel prêt ne peut impliquer un enfant mineur puisqu'un CELI doit être détenu par une personne de 18 ans ou plus. Mais si l'enfant est majeur, un parent pourrait contribuer à son CELI en lui faisant un prêt sans intérêt. Le revenu de placement généré ensuite sur les fonds dans le CELI de l'enfant serait alors imposé entre les mains du cotisant même si, civilement, ce revenu ne lui appartient pas.

Dans le cas d'une séparation ou d'un divorce, les experts sont d'avis que le CELI, contrairement au REER, n'entre pas dans le partage du patrimoine. «Nous retenons que l'objectif du REER vise la constitution d'une épargne-retraite alors que celui du CELI vise à combler un besoin quelconque», a expliqué Geneviève Leblanc.

Au décès, le CELI perd ses doits de cotisation. Mais le conjoint est le bénéficiaire, il deviendra titulaire du compte sans affecter ses propres droits de cotisation.

Retraité

Enfin, le CELI convient très bien à la personne retraitée disposant d'un surplus d'épargne. Ou encore à ces retraités qui bénéficient de suppléments de revenu et qui ne veulent pas que les prestations reçues en supplément soient amputées. Ou encore à ces rares personnes ayant utilisé toutes leurs cotisations à un REER. Ici, on peut inclure les personnes encore actives sur le marché du travail et qui cotisent à un régime complémentaire de retraite, ces cotisations entrant dans le calcul d'un facteur d'équivalence venant réduire les contributions permises au REER.

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Cette chronique s'inspire d'un texte publié dans un supplément «Finances personnelles» du magazine L'Actualité médicale, publié aux Éditions Rogers..

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