Avantage Dumont

Près de deux millions de personnes ont regardé le débat. Elles ont eu, directement dans leur salon, les points de vue de chacun des trois chefs en lice pour le scrutin du 8 décembre. Cet événement clé de la campagne offrait à chacun des protagonistes un défi particulier à relever.

Mario Dumont a livré sa vision de manière bien «capsulée», tout en faisant en sorte de ne pas employer des formules trop fortes qui éclipseraient l'idée exprimée. Le chef de l'ADQ a, selon moi, rempli les objectifs qu'il s'était fixés. Il a parlé à sa base électorale, tout en montrant aux Québécois que la pensée adéquiste a un fil conducteur. Les électeurs peuvent mieux comprendre où il s'en va. Avec sa question sur la dette, Mario Dumont a placé Jean Charest dans l'embarras. Ce n'est pas tant le montant que le «euh» de sa réponse qui a mis dans une position délicate celui qui place l'économie au centre de sa plate-forme. Parce qu'il a relevé tous les défis identifiés, Mario Dumont a gagné le débat.

Pauline Marois, pour sa part, se devait de se dissocier du bilan libéral de M. Charest. Il fallait qu'elle se propose comme une personne expérimentée, mais tournée vers l'avenir. Elle a relativement bien réussi mardi dernier. Le seul problème est qu'elle a trop souvent dit qu'elle avait un plan et des idées pour le Québec, sans y mettre la substance attendue. Comme citoyens, nous nous disions: «Oui, mais quoi?» Pauline Marois est aussi parvenue à placer Jean Charest sur la défensive en lui reprochant d'utiliser une «cassette».

Jean Charest n'était pas en reste. Il devait répondre de son bilan tout en disant comment il pouvait faire mieux. Il était dans l'obligation, selon moi, d'assumer la responsabilité de ses engagements passés. Devant les attaques de ses adversaires, il devait s'élever au-dessus de la mêlée.

Il peut faire confiance aux Québécois, dire où il a échoué et présenter sa nouvelle approche. Les Québécois veulent qu'on leur fasse confiance en leur disant la vérité. Par exemple, en matière de santé, le chef du Parti libéral avait dit qu'il réaliserait plus ou moins des miracles, tout en baissant les impôts de 5 milliards durant son premier mandat. Il ne l'a pas fait. Durant le débat, il a rejeté encore une fois la responsabilité sur Mme Marois, puis sur tout le monde. Bref, on aurait souhaité avoir des réponses, qu'il accepte, à tout le moins, une part de responsabilité. Au contraire, il a perdu patience à plusieurs reprises et n'a donné aucune explication.

Il y avait quelque chose à dire aux familles ayant un enfant autiste, auxquelles il avait promis de mettre fin aux attentes interminables, de réduire le temps d'attente pour obtenir des services de stimulation précoce. L'attente était de 144 jours en 2003. Elle est aujourd'hui de 164 jours. Même s'il y a eu des avancées en six ans, il a la responsabilité de dire pourquoi, après s'être améliorée, la situation s'est à nouveau détériorée.

Il reste moins de dix jours de campagne électorale. Mario Dumont doit dire aux Québécois, notamment aux 31 % d'entre eux qui ont voté pour lui en 2007, qu'ils peuvent de nouveau avoir confiance en lui: «J'ai appris, je suis meilleur. Ensemble, on peut changer les choses.» M. Charest pourra pour sa part donner un nouvel élan à sa campagne pour compenser l'impulsion qu'il a perdue durant le débat. Celui sur qui rien ne collait pourrait trouver les derniers jours plus longs. La campagne a débuté très lentement. Personne n'en voulait. Mais le débat a lancé la véritable campagne électorale.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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