La fin du monde
J'ai bientôt fini de gâcher votre été avec mes exhortations... Des crises, il y en aura toujours; on peut être optimiste ou pessimiste, etc. Mais ce qui s'en vient, bien que ce ne soit pas démontré à 100 %, est très inquiétant. Autant l'investisseur doit se discipliner à «ne pas paniquer», autant il doit développer l'instinct de protection. La Bourse, c'est fait pour gagner de l'argent, mais aussi pour en perdre. Tapez simplement les mots «financial meltdown» dans Google, et bonne lecture! Une réaction normale et rationnelle, dans le présent contexte, est de reconsidérer sa stratégie de placement.
Les six prochains mois vont être très difficiles pour les investisseurs, c'est à peu près indiscutable. Bien entendu, on table beaucoup (et déjà!) sur le «rebond» des marchés en fin de crise. Mais il y a un risque sérieux que la crise soit très importante et très longue (plusieurs années; comme on dit dans le métier, une crise en U plutôt qu'en V). Assez longue pour que l'investisseur n'en puisse plus de voir ses placements déprimés et finisse par les liquider, ne voyant plus le jour où surviendra le fameux rebond. Certes, on connaît tout ça et on ne se fera pas avoir, on se dit que notre horizon de placement est à long terme... Mais quand on le vit, ça peut être différent. En cas de déprime sérieuse, la patience atteint plus vite ses limites qu'en temps normal.Je comprends qu'il soit très difficile de changer de niveau de raisonnement. Il m'a fallu des mois de lectures et de révisions déchirantes pour m'amener à liquider la plus grande partie de mon portefeuille d'actions. Deux beaux exemples:
http://www.lesaffaires.tv/categorie-3-Chroniques#
http://www.rgemonitor.com/blog/roubini/242290
Des sources comme celles-là, il y en a des centaines. Tous les jours, des sites spécialisés (par exemple www.europac.net) recensent les mauvaises nouvelles économiques et financières de la journée: elles sont nombreuses et inquiétantes. Pourtant, la presse financière d'ici n'en fait état que très faiblement. Ce serait très intéressant d'analyser pourquoi, mais je m'arrête ici.
Bon été tout le monde mais, néanmoins, réfléchissez!
C. B.
À mon avis, c'est vrai qu'il risque d'y avoir d'importants chambardements économiques dans les années à venir. C'est aussi vrai qu'on peut trouver des tonnes d'informations sur le Net à propos d'un éventuel «financial meltdown». À première vue, cette situation suggère deux choses:
1- Internet est rempli de «pros» qui font leur pain et leur beurre en répétant les scénarios les plus catastrophiques. Il faut en prendre et en laisser. Encore une fois, je pense qu'il y aura de sérieux rajustements économiques dans le futur, mais la Terre n'arrêtera pas de tourner. Les gens vont avoir encore besoin d'électricité, de nourriture, etc.
2- La panique n'est pas une option. Combien de temps cela va-t-il prendre avant que «l'Armageddon économique» arrive? Qui peut prédire si les ajustements se feront en douceur ou si le choc catastrophique tant prédit se produira? Personne ne le sait. En se désinvestissant du marché boursier, on s'assure de perdre des revenus précieux. Et dans le cas d'une crise extrême, je ne suis pas sûr qu'avoir la totalité de son portefeuille en liquidités va forcement préserver son pouvoir d'achat (la monnaie ne va pas forcement préserver sa valeur). Je pense qu'on peut minimiser nos risques sans retirer toutes nos billes du marché. Le choix des domaines d'activité des compagnies dans lesquelles on investit et les ratios cours/bénéfice, entre autres, deviennent très importants.
En somme, je pense qu'il faut rester attentif aux événements macroéconomiques et bien adapter notre stratégie de placements.
N. B.
Ouf! Que de pessimisme nourri par notre premier interlocuteur envers les économies occidentales et les marchés boursiers! Certes, nous vivons dans un monde de probabilités. Aussi est-il toujours possible que l'Armageddon économique surgisse à notre grand désarroi. Mais les probabilités qu'un tel événement se produise demeurent relativement faibles. C'est pourquoi on ne doit pas gérer son portefeuille uniquement en fonction d'un tel scénario apocalyptique.
Le petit investisseur a deux avenues pour gérer le risque de ses placements. La première: répartir adéquatement son avoir entre les deux classes d'actif (je parle ici des valeurs mobilières) que sont les obligations de très grande qualité (celles émises par les gouvernements et leurs organismes) et les actions. La seconde: accorder la prépondérance aux actions des grandes entreprises qui dominent leur secteur, qui sont très rentables et qui montrent un solide historique de versements continus et croissants de leur dividende.
En ce qui concerne la répartition du portefeuille, diviser les placements à parts égales ou presque entre les obligations négociables de grande qualité et les actions m'apparaît une position très défensive devant la débâcle actuelle du marché boursier.
Quant à la section Actions, consacrer au moins 75 % de celle-ci aux titres de grandes sociétés suffit à contenir le risque intrinsèque du portefeuille.
Une fois ces deux mesures mises en place, le petit investisseur doit saisir toutes les occasions de replis majeurs (10 % et plus) pour accumuler graduellement, toujours sur faiblesse des cours, les actions de huit grandes sociétés tout en les choisissant de manière à participer à quatre, préférablement cinq, secteurs prometteurs de notre économie. Et cela, il doit le faire en faisant fi de tous les grands titres à l'emporte-pièce des journaux. Et dois-je vous dire que le contexte actuel est propice à accumuler graduellement les actions de grandes sociétés à des prix attrayants? Les actions de plusieurs grandes compagnies s'échangent actuellement sur la base de rendement de dividende de 3 %, 4 %, voire 5 % et plus.
Oui, l'économie américaine est probablement en récession. Oui, le secteur bancaire est durement ébranlé par ses propres excès en ayant octroyé de trop nombreux prêts à risque trop élevé. Oui, le consommateur américain ploie sous le poids de sa dette. Oui, le secteur immobilier américain est en plein marasme. Oui, l'industrie de l'automobile vit des heures difficiles, confrontée à la fois au déclin de sa demande et au défi que pose la montée du prix de l'essence.
Cependant, à tous ces points négatifs, d'autres plus positifs font déjà contrepoids. Par exemple, la fin du cycle du resserrement monétaire amorcé en 2004. Depuis août 2007, nous vivons une phase importante d'assouplissement des politiques monétaires en Amérique du Nord. À cela s'ajoute une politique fiscale des plus accommodantes aux États-Unis (cadeau fiscal de près de 1200 $US par famille qui fouette déjà les ventes au détail au sud de notre frontière) et au Canada (baisse de 1 % de la TPS en janvier dernier).
Quant aux grandes banques américaines et européennes durement ébranlées par les prêts à haut risque, elles sont parvenues jusqu'à maintenant à lever les capitaux nécessaires pour se renflouer. Cela n'est pas surprenant lorsqu'on sait que les fonds souverains disposent probablement de près de trois mille milliards de dollars américains en quête d'occasions de placement.
Tout est en place pour remettre l'économie nord-américaine sur les rails de la croissance. Le hic: cette croissance est soumise totalement au diktat d'une denrée: le pétrole. L'explosion du prix de l'or noir a annihilé en bonne partie les mesures stimulatrices prises par nos gouvernements. Bien que nos économies devront désormais composer avec des prix élevés de l'énergie, il ne faut pas croire que le prix du pétrole n'ira qu'en augmentant. Des replis sont probables, si ce n'est qu'à cause de l'influence des facteurs saisonniers. Une fois passée la saison estivale, la demande pour le pétrole connaîtra une accalmie, ce qui devrait se traduire par une baisse de son prix. Toute baisse du prix de l'or noir donnera un peu plus d'oxygène à notre économie pour se maintenir à flot.
Par ailleurs, il faut faire confiance au dynamisme de notre société. Le prix élevé de l'or noir forcera des ajustements sur le plan de la consommation. C'est déjà commencé. La demande pour les plus petites voitures est fortement à la hausse. Plusieurs entreprises américaines considèrent la semaine de travail de quatre jours au lieu de cinq à raison de dix heures par jour au lieu de l'actuel huit heures par jour, question de réduire les déplacements en voiture des travailleurs. Le télétravail gagne aussi en popularité. Et les avancées technologiques telles que la voiture hybride sont déjà en place pour réduire passablement notre consommation d'essence au cours des prochaines années.
Oui, l'Occident doit relever de grands défis. Mais d'immenses occasions de croissance s'offrent également à lui, alors que les économies émergentes se développent rapidement. Et les entreprises bien gérées en bénéficieront.
Quant aux Américains, ils possèdent de nombreuses grandes sociétés au bilan très solides capables de saisir les occasions de croissance dans les pays émergents. En revanche, le consommateur américain devra payer pour sa trop grande addiction à la dette. La note lui sera refilée subtilement sous la forme d'une inflation interne plus forte dont l'issue sera la stagnation, voire une baisse, de son pouvoir d'achat. Une inflation qui sera également nourrie par la faiblesse chronique du dollar sur les marchés des devises. À cause de ce recours excessif à la dette et à la planche à billets, les Américains risquent à terme de se faire déposséder de leurs entreprises, qui passeront aux mains des investisseurs étrangers plus riches.
Pour ma part, je ne crois pas qu'une dépression puisse nous venir uniquement des déboires du secteur financier. Seuls des facteurs tangibles, concrets, pourraient faire basculer notre monde dans une grave dépression. Par exemple, une pandémie, une guerre nucléaire ou du moins une guerre très importante (tel un conflit armé avec l'Iran, ce qui ne peut pas être exclu) ou des déséquilibres aux effets encore insoupçonnés dus au réchauffement climatique.
Ah oui! Faites toujours une place à l'or dans votre portefeuille, à hauteur de 5 % à 7 % de la section Actions de celui-ci. L'or vous prémunira contre l'inflation, laquelle se fera beaucoup plus persistante au cours des prochaines années. Et, qui sait, advenant les pires scénarios, l'or demeurera la valeur refuge par excellence.
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