Pages après plages

Le voici arrivé le temps béni de l'évasion. J'ai commencé ma virée dans une Maison de la Presse, aussi bien dire une crémerie un jour de canicule. J'ai écumé les rayons, cherchant une destination, une saveur inusitée, un but, une plage de lecture, mais surtout un peu d'ombre, d'amour et un cocktail bien frais. J'ai cherché un compagnon de route pour l'été, un refuge pour me reposer, une île déserte pour faire halte, m'abriter. Dans une pile de magazines, entre les couvertures glacées à la crème et les robes de mariées plus sages qu'une image, j'ai trouvé des réponses à toutes les questions que je ne me suis jamais posées. Les voici.
À l'ombre: Dans le dernier GQ (celui avec la belle Gisèle, juillet 2008), rayon philosophie, une pièce d'anthologie sous le titre «The Fecal Position» raconte l'histoire de Bob Schoff, résidant de l'Iowa qui a passé quelques heures tête en bas dans sa fosse septique à Noël dernier. Raconté comme ça, l'incident est banal, limite scato. Mais relaté par un romancier juif qui a écrit Foreskin's Lament et pourrait faire de la compétition à Woody Allen dans la sections intello/névrosé qui se cherche un plus mal pris que lui, c'est pissant. Sans jeu de mots.À la plage: Le numéro d'été soulignant le cinquième anniversaire d'Urbania est consacré au luxe. Nous sommes de plus en plus contaminés par ce ver solitaire et le style Urbania décape la tendance, soulignant le mauvais goût et l'opulence avec un rien de cynisme et de mauvaise foi. Tout est bon dans le cochon, du journal de la poule de luxe aux confessions de l'escorte (Aisha Foxxx) qui peut demander «jusqu'à 7000 $, tout dépendant de ce qu'ils veulent que je fasse» et accompagne ses clients en vacances à Saint-Martin et Sainte-Lucie. Si ça dépasse vos moyens, lisez plutôt ce texte tout à fait rafraîchissant signé par Martin-Pierre Tremblay sur Cuba et le roi de Ciego de Avila, un animateur de tout-inclus qui refuse de quitter son île. Ça vous fait passer l'envie d'aller jouer les homards dans un truc géant avec trois piscines, quatre restaurants et deux discothèques. Aussi, un article sur les McCastles si jamais vous passez l'été sur votre balcon. Psychanalyse immobilière à rabais.
Dans l'île: Des îles désertes, sans wifi et sans possibilité d'avoir un «cell», ça doit encore exister. En tout cas, le magazine Islands (août 2008) nous en présente une dizaine, certaines très branchées, plus ou moins fréquentées, très fréquentables. À Palawan aux Philippines, le loyer d'une maison commence à 300 $ et le pourcentage d'«expats» qui ont vendu leurs bijoux et se sont débarrassés de leurs cravates pour y vivre à l'année est de 1 %. À l'île aux Kangourous, en Australie, la bière coûte 6 $ la pinte et les expats qui en boivent suffisamment arrivent à la conclusion que la vie emprunte d'étranges et fabuleux sentiers pour nous amener où nous devons aller, qu'il faut écouter son coeur même s'il nous trimballe au bout du monde. Aussi, un article sur les îles où les gens vivent le plus longtemps et n'ont pas besoin de passer des tests de tension artérielle tous les six mois.
Destination action: Dans le Géo Plein Air (août 2008), des escapades en famille dans les Berkshires, mais aussi des mecs aux corps athlétiques couverts de tatouages qui affrontent les rochers, mains nues, au Festival de bloc de Val David. Miam. Pour la destination politique, un article sur ce qu'il reste du Tibet «Ou comment ne pas être un touriste au Tibet». Le texte commence par «Devrait-on voyager sur le toit du monde?» L'auteur n'est pas en faveur du boycottage du tourisme au Tibet car chaque voyageur est un agent de changement, partout où il passe. Certains, finissent même par rester.
Sex, sun and sand: Dans le magazine Lire (mai 2008), on ne retrouve que le sexe, et ça se prend sans crème solaire. Quand vous en aurez terminé avec le sexe entre Marx et sa baby-sitter et des phrases comme «La philosophie est à l'étude du monde réel ce que l'onanisme est à l'amour sexuel», quand vous aurez tout su sur Lacan et les femmes ou sur Sartre qui prétendait être davantage masturbateur de femme que coïteur, vous pourrez vous attaquer au morceau de choix de ce numéro d'été: une entrevue avec Lucie Ceccaldi, la mère de Michel Houellebecq (Les Particules élémentaires). Une mère qui dit de son fils qu'il n'a jamais rien branlé, à part lui-même, ça jette une douche froide. Lucie Ceccaldi a publié L'Innocente (Scali) pour répondre aux attaques de son fils. Si jamais vous n'avez rien à branler à part vous-même.
Refuge: Le Psychologie Today (août 2008) n'y va pas de main morte avec sa page frontispice. «Twisted?» Sept tabous sont explorés: celui du paresseux dans un monde de performance, du sens de l'humour morbide, de l'asexualité, des fantaisies sexuelles inusitées, du secret tortueux qu'on porte en soi, du solitaire ou de la mère qui a un chouchou parmi ses enfants (soit 80 % des mères qui n'ont pas eu d'enfant unique). Les tabous sont encore nombreux et la «normalité» est un concept plutôt boiteux qui fait de chacun de nous un être extra-ordinaire. Pour bronzer moins idiot.
Destination voisins d'en bas: Dans Ulysse (mai-juin 2008), six villes mythiques aux États-Unis: Los Angeles, Las Vegas, Chicago, Pittsburgh, Washington et Memphis. Tiens, je ferme les yeux et je choisis au hasard. Je m'en vais visiter la cité des Anges et ses habitants, les Angelinos. J'irai voir Hollywood et ses nymphettes-starlettes, la rainbow culture, les marchés latinos, les tacos trucks, les plages de Santa Monica, les surfers et la lumière extraordinaire qui en fait une ville de cinéma qui se fait du cinoche. California dream et beach boys.
Au pays: La Gaspésie, bien sûr. Gaspésie gourmande nous propose une rencontre avec la porte-parole de la grande Traversée de la Gaspésie (TDLG) et pêcheuse à la mouche, Isabel Richer. Elle donne même sa recette de gravad lax. Le journaliste Yanick Villedieu, à qui j'ai eu l'occasion de faire goûter ma morue portugaise l'été dernier, écrit une lettre d'amour touchante à notre Clo nationale, l'initiatrice de la TDLG. Je rentre à peine du pays que j'ai déjà hâte d'y retourner.
Au frais: Le 400e de Québec, on n'y échappe pas cet été. Et l'an prochain, ce sera le 475e de Gaspé. En attendant, le magazine Géo (mai 2008) nous présente 45 pages de photos de la vieille capitale. J'y étais la semaine dernière et à tout prendre, je m'évaderais plutôt du côté du Nunavik. Un article sur le sujet dans le même numéro, «Nunavik, ma grande terre arctique». L'auteur raconte l'histoire de son pays de toundra et de taïga, celle de sa famille et de son peuple, les Inuits. Encore un truc écrit pour faire «triper» les Français, mais ça change des reportages déprimants sur la pauvreté dans les réserves et l'alcool de contrebande.
Beach bums: Dans le Vanity Fair (août 2008), la nouvelle vague de jeunes vedettes qui font Hollywood. Ils sont tous nés à la fin des années 1980 ou même dans les années 1990... Certains n'ont même pas encore l'âge légal pour boire un martini et n'ont pas obtenu leur permis de conduire, mais ça leur fait une belle jambe et ils se paient des chauffeurs. Et ils sont déjà désabusés par l'amour à 20 ans... C'est beau l'innocence.
Dans la catégorie «un séjour en enfer» et «Le Devoir ne me paie pas assez pour essayer ça»: L'auteur Christopher Hitchens essaie une forme de torture (on appelle ça une méthode d'interrogation) très populaire chez les bérets verts: le waterboarding (on introduit de l'eau par le nez du supplicié cagoulé, couché et attaché sur une planche). Pour les estomacs solides. Jeux d'eau extrêmes.
L'amour: Une autre forme de torture répandue, tiens. Que serait l'été sans une histoire de vacances série B ou un psycho-test gomme balloune? Psychologies hors-série (avril-mai 2008) propose un test sur «En amour, que craignez-vous le plus?» Qu'il vous prenne pour une marionnette? Perdre le contrôle? Perdre votre liberté? Faire confiance? Souffrir? Vous avez le choix des armes. Je vous abandonne lâchement pour retrouver ma liberté et aller perdre le contrôle. De retour le 8 août...
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