Et puis euh - En attendant
Attendre. «Voyager, c'est attendre», disait Queneau, et encore, on imagine ce que, en styliste raffiné, il aurait pu pondre s'il avait connu l'après-11-Septembre. Bukowski, lui, assimilait l'existence à une file à l'épicerie, le moindre des paradoxes n'étant pas que c'est vous le client, c'est vous qui faites vivre le commerçant, et c'est quand même vous qui attendez. Personnellement, je voterai pour que, lorsqu'on retiendra les grandes citations de notre époque, «Votre appel est important pour nous» figure au sommet, devant même «Ça sent la coupe». Oui, messieurs dames, votre appel est important pour nous, mais pas assez pour que ce ne soit pas une machine qui vous le dise et qu'on vous fasse attendre, votre temps étant toutes proportions gardées assez moins important que le nôtre.
Bref, nous sommes là à attendre. En l'occurrence, à attendre après Mats Sundin. À attendre qu'il se décide. Le paradoxe est d'ailleurs impressionnant: l'amateur de hockey n'aime pas attendre. Il aime l'action, il aime quand ça bouge, pif paf pouf, enwoye vite, pas de taponnage. L'amateur de hockey témoigne régulièrement de son impatience lorsque, pendant une supériorité numérique en zone adverse, la rondelle est refilée à la pointe. Il met alors un dixième de seconde à hurler «Shooooooooot!» comme un perdu. Dans certains cas, il méprise le baseball parce qu'on y passe son temps à attendre. C'est qu'il oublie le mot de Cesar Pavese (1908-1950), le poète, qui disait que le véritable drame, c'est de ne rien attendre (et s'il était fan de l'équipe nationale d'Italie de football, Pavese savait un peu ce que c'est que d'attendre). Enfin.Donc, on attend après Sundin. Là-dessus, nos médias, qui nous ont habitués à suivre les affaires importantes de bien plus proche que ça, font un boulot tout à fait déplorable. Chaque jour, une ligne aux nouvelles, «Sundin n'a pas encore décidé», et parfois même zéro. Pourtant, il y a dans cette histoire une intensité humaine qui ferait de la maudite bonne télé. Comme dans télé-réalité. On voudrait voir Sundin réfléchir à son avenir. On devrait planter une caméra qui le suive 24 heures sur 24. Avec des câbles connectés à ses synapses qui nous indiquent en permanence l'évolution de sa réflexion. «Oh! le voilà à 68 % en faveur d'une poursuite de sa carrière.» «Ah non, voici qu'il a trois quarts de chances de prendre sa retraite. Il n'aurait pas dû en jaser avec son beau-frère.» Il s'agirait d'une première dans l'histoire de la télévision, et le tout se situerait en plein dans la tradition du grand cinéma suédois d'Ingmar Bergman: observer quelqu'un penser pendant des heures sans qu'il se passe rien d'autre.
Suggérons à ce sujet une trame générale. Tourmenté, Sundin fait face à deux questions de fond. 1. Dois-je continuer à me produire dans la Ligue nationale de hockey? 2. Si oui, dois-je le faire dans l'uniforme de Canadien? L'émission s'appellerait donc Préoccupation double. Cotes d'écoute béton garanties.
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Dans la série «Mon chien a mangé ma copie», nom donné au répertoire des excuses les plus inimaginables que l'on puisse imaginer — à ranger à peu près dans le même tiroir que «C'est pas toi, c'est moi», «L'erreur est due à un problème technique indépendant de notre volonté» et «Des circonstances imprévues font en sorte que» —, voici de l'excellent matériel, qui remonte certes à près d'un mois, mais la rubrique Et puis euh, qui affectionne la perspective historique, n'est pas pressée. Et puis, après tout, c'est l'été, il fait chaud, et si on s'énerve on fait du stress et des ulcères et de la haute tension et on se ramasse à l'hosto où, de toute manière, il faut attendre. On ne s'en sort pas. Remarquez d'ailleurs qu'il est symptomatique, de quoi, je n'en ai pas la moindre idée mais symptomatique tout de même, que notre monde postmoderne si désireux de tout faire à mille milles à l'heure ait créé des salles d'attente. Des lieux spécifiquement conçus pour ne rien faire d'autre que passer le temps alors qu'on voudrait être ailleurs. Tenez, je voterai aussi pour que, lorsqu'on retiendra les grandes citations de notre époque, «Prenez un numéro» figure au sommet, devant même «Ça prend un gros centre de premier trio à Canadien».
Dans la série «Mon chien a mangé ma copie», nom donné au répertoire des excuses les plus inimaginables que l'on puisse imaginer — à ranger à peu près dans le même tiroir que «C'est pas toi, c'est moi», «L'erreur est due à un problème technique indépendant de notre volonté» et «Des circonstances imprévues font en sorte que» —, voici de l'excellent matériel, qui remonte certes à près d'un mois, mais la rubrique Et puis euh, qui affectionne la perspective historique, n'est pas pressée. Et puis, après tout, c'est l'été, il fait chaud, et si on s'énerve on fait du stress et des ulcères et de la haute tension et on se ramasse à l'hosto où, de toute manière, il faut attendre. On ne s'en sort pas. Remarquez d'ailleurs qu'il est symptomatique, de quoi, je n'en ai pas la moindre idée mais symptomatique tout de même, que notre monde postmoderne si désireux de tout faire à mille milles à l'heure ait créé des salles d'attente. Des lieux spécifiquement conçus pour ne rien faire d'autre que passer le temps alors qu'on voudrait être ailleurs. Tenez, je voterai aussi pour que, lorsqu'on retiendra les grandes citations de notre époque, «Prenez un numéro» figure au sommet, devant même «Ça prend un gros centre de premier trio à Canadien».
Donc, on sait que la France a connu un parcours brutal lors du dernier Euro de football. Deux défaites, une nulle, un seul but marqué, la poisse, quoi. Or le sélectionneur des Bleus, Raymond Domenech, a analysé le tout et livré sa conclusion: si son équipe a mal joué, c'est à cause de... l'hôtel où elle logeait, à Mont-Pèlerin, en Suisse.
«Il y avait la configuration de l'hôtel, presque une forme de cul-de-sac, et on a été victimes de cette géographie qui nous a donné ce côté plus fermé», a déclaré Domenech.
Comme disait le philosophe existentialiste pas encore revenu de tout mais pas loin: hé ben.
À la décharge de l'équipe de France, il faut souligner que l'établissement hôtelier en question, bien qu'offrant une vue imprenable sur le magnifique lac Léman, s'appelle Mirador Kempinski. Vous essaierez, vous, de ne pas vous sentir vaguement renfermé dans un établissement portant le nom de Mirador.
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Mats Sundin diffuse un communiqué pour dire qu'il n'a pas encore décidé, Madonna diffuse un communiqué pour dire qu'elle ne sort pas avec Alex Rodriguez. Quand il se passera quelque chose, on vous le dira. En attendant, on va attendre.
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