Le Reine fête ses 50 ans

Nul ne peut prétendre que la façade du «Queeny» est attirante. Le Reine Elizabeth ressemble en effet à un gros cube posé sur l'ancien boulevard Dorchester, rebaptisé René-Lévesque dans cette partie de Montréal après le décès de l'ancien premier ministre.
Lorsque George Drummond, architecte du Canadien National, a été sollicité en vue de la construction de l'hôtel, il a souhaité faire de cet emplacement un haut lieu novateur pour les Montréalais. En 1958, c'est donc une petite révolution technologique qui s'est produite avec l'installation, dans ce bâtiment, de la climatisation centrale, de téléphones à ligne directe dans chacune des chambres et d'escaliers mécaniques. De plus, l'hôtel Le Reine Elizabeth devait permettre aux voyageurs d'accéder directement à la gare Centrale depuis l'hôtel, sans avoir à mettre le nez dehors.Nous sommes le 15 avril 1958. La température clémente de la journée, avoisinant les 15 °C, promet une inauguration grandiose avec invités de marque, petits fours et champagne. Le nouvel hôtel, haut de 21 étages, compte 1200 chambres. Partout à l'intérieur, des artistes québécois ont laissé leur signature artistique.
Jean Dallaire a tissé une tapisserie qui retrace trois siècles de l'évolution de Montréal. Marius Plamondon, maître verrier, a quant à lui oeuvré sur une magnifique murale qui représente le port de Montréal à l'époque de la traite des fourrures. On y trouve aussi une fresque à huit panneaux d'Alphonse Paré. L'hôtel offre alors ses chambres de luxe à 26 $ la nuit tandis qu'il en coûte 20 $ pour avoir une chambre régulière.
Nous sommes à l'époque des salles de bal et des grandes tenues chic. Les big bands font fureur, et il suffit d'évoquer le nom de Glenn Miller pour faire virevolter les gens. Il est 20h30 lorsque Denny Vaughan prend la baguette de l'orchestre maison de l'hôtel et lance le grand bal devant les invités. Le Reine Elizabeth appartient désormais à Montréal et attirera les foules du monde entier.
De club privé à salon grand public
En 1785, le Beaver Club a été conçu pour les riches commerçants exploitant les fourrures du Nord-Ouest canadien. Toute nouvelle candidature à ce club très fermé doit être approuvée par tous les membres par un vote unanime. Ce club est strictement réservé aux hommes et on y fume abondamment le cigare cubain. Les repas sont gargantuesques et généralement giboyeux. Le vin coule à flots et les discussions vont bon train.
En 1958, le Beaver Club s'établit au Reine. Ses membres feront revivre la légende au moins une fois par année jusqu'en 1996. En 2008, il en est tout autrement, assure Michel Bush, directeur adjoint et responsable de la restauration de l'hôtel. Si le Beaver Club est toujours légendaire aux yeux de certains, c'est son histoire qui lui confère ce caractère. Désormais, le midi comme le soir, le restaurant est accessible à tous, et on y savoure une cuisine de qualité. De nombreux chefs y ont laissé leur empreinte, et ce, malgré le changement d'orientation et les divers propriétaires.
Le revêtement des murs du Beaver Club rappelle toujours cette époque de la trappe et des coureurs des bois.
Le passage de John Lennon
On ne compte plus les chefs d'État qui y ont séjourné depuis l'Exposition universelle de Montréal, en 1967, ni les célébrités, par exemple le dalaï lama, Nelson Mandela et Charles Aznavour. Un des événements qui ont le plus marqué les médias ainsi que l'hôtel lui-même demeure le passage du couple Lennon-Ono dans la suite 1742 lors de son bed-in en guise de protestation contre la guerre du Vietnam. C'est dans cette même suite que Lennon a enregistré l'hymne pacifiste Give Peace A Chance.
Cette belle époque pour l'hôtel est aussi celle des cocktails qui se prolongent au piano bar devant les martinis et les gin fizz, sans oublier les belles soirées avec Tony Bennett, Liberace ou Carol Channing. Le «Queeny» a su s'adapter aux nouvelles technologies d'Internet et aux nouvelles commodités des années 2000 en offrant écran plasma, minibars, salle de gym, sauna, etc.
Comme tous les hôtels, Le Reine Elizabeth est victime des changements de cap et des nouvelles administrations, qui doivent d'abord viser la rentabilité de l'établissement. La gestion des 1200 chambres et suites est donc passée du Canadien National aux hôtels Hilton, puis au Canadien Pacifique, avant d'être remise à la chaîne Fairmont. Plusieurs se souviennent encore des débuts et regrettent avec nostalgie ce qu'ils considèrent comme une autre époque. Le Reine Elizabeth vient tout juste d'atteindre sa maturité après un demi-siècle de bons et loyaux services pour un jeune premier qui a déjà bien du vécu.
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Philippe Mollé est conseiller en alimentation. On peut l'entendre tous les samedis matin à l'émission de Joël Le Bigot, Samedi et rien d'autre, à la Première Chaîne de Radio-Canada.
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La recette de la semaine - Feuilleté de saumon sauce vierge de tomate au basilic et à la coriandre. Recette pour quatre personnes
- 500 g de pâte feuilletée du commerce
- 1 jaune d'oeuf pour la dorure
- 4 tranches de saumon de 120 g chacune
- 1 échalote française hachée
- 1 tomate en dés
- 30 ml (2 c. à soupe) de coriandre hachée
- 4 feuilles de basilic hachées
- 15 ml (1 c. à soupe) de jus de citron
- 30 ml (2 c. à soupe) de vinaigre balsamique
- 60 ml (4 c. à soupe) d'huile d'olive extravierge
- 15 ml (1 c. à soupe) de sauce chinoise Hoisin
- Sel et poivre au goût
Étalez la pâte feuilletée et confectionnez des losanges ou des rectangles d'un demi-centimètre d'épaisseur, de huit cm de longueur et de cinq cm de largeur. Préchauffez le four à 400 ºF, puis faites cuire les feuilletés sur une tôle à pizza, sur la grille du haut du four, pendant sept à huit minutes. Retirez les feuilletés et laissez-les refroidir.
Disposez le saumon sur la même tôle, badigeonnez-le légèrement d'huile d'olive et assaisonnez-le. Faites-le cuire à 325 ºF de quatre à cinq minutes.
Pendant ce temps, préparez la sauce en mélangeant tous les autres ingrédients. Ouvrez les feuilletés en deux, placez-y le saumon, ajoutez la sauce et replacez le dessus du feuilleté. Servez avec du riz ou des légumes cuits en papillote.
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.