De la bande originale de Paranoid Park
Au tout début de Paranoid Park, le formidable long métrage de Gus Van Sant qui prend l'affiche aujourd'hui, un assemblage image-son très singulier m'a fait réagir. Cette scène, une des plus puissantes du film, imprimée au moyen d'une caméra mini-DV, montre des adolescents rouli-planchistes s'activant dans un parc de béton en escarpements. En superposition à ces images: une musique insolite, assemblage de bidouillages complexes et de percussions étouffées, dont certaines rappellent le bruit des roulettes sur le béton. En filigrane, matière dans la matière, on discerne un texte, difficile à déchiffrer mais lu en français avec un accent, à mon oreille, résolument québécois.
Le générique de la fin m'apprend que la pièce employée dans cette scène, intitulée La Chambre blanche, a été composée par le Québécois Robert Normandeau. Et c'est lui qui, joint par téléphone cette semaine, m'a appris que le texte, lu par Marthe Turgeon dans l'extrait choisi par Gus Van Sant, est tiré d'un poème de la regrettée Marie Uguay.«J'ai trouvé curieux qu'il veuille employer, dans un film tourné en anglais, une musique comportant du texte français», déclare le compositeur de musique électroacoustique, art qu'il enseigne depuis 1999 à l'Université de Montréal. C'est la compagnie de production de Van Sant, à New York, qui a approché Normandeau pour en obtenir les droits. Celui-ci ne savait pas quelle serait la fonction exacte de sa composition dans le film. «C'était très nébuleux, en fait. Ils m'ont demandé de leur proposer un extrait de tant de minutes, et puis voilà.» La pièce, à l'origine, en compte 24 et comporte plusieurs textes de L'Outre-vie et d'Autoportraits, recueils de la poétesse Marie Uguay, décédée en 1981 à l'âge de 25 ans et dont Robert Normandeau avait fait connaissance à travers le très beau film que Jean-Claude Labrecque lui avait consacré.
Pourquoi cette Chambre blanche, dont on retrouve un extrait sur la bande sonore de Paranoid Park, n'a-t-elle jamais été publiée au Canada? «Elle existait aux États-Unis dans une compilation de créations radiophoniques. [...] Le monde de la musique électroacoustique est très petit. Il se réduit encore plus quand, en plus, on utilise du texte en français», répond le compositeur, bien conscient de l'ironie. Car sa Chambre blanche, tombée dans l'oreille d'un cinéaste anglo-saxon, fera, par l'intermédiaire du film, le tour du monde.
Le théâtre québécois fait souvent appel à Robert Normandeau. Le monde du cinéma, jamais ou presque. Auprès de Brigitte Haentjens, il a écrit la musique d'une douzaine de productions, dont celles de La Cloche de verre, de la trilogie Heiner Mueller (Quartett, Hamlet-Machine et Médée-matériau), ainsi que de Blasté, de Sarah Kane, à l'affiche de l'Usine C dès le 18 mars, avec Roy Dupuis et Céline Bonnier. Au cinéma, toutefois, les perspectives de travail sont rares et, selon lui, peu attrayantes. «Le milieu du cinéma est beaucoup plus conservateur que le milieu du théâtre. Ce n'est plus la chasse gardée de quelques compositeurs, comme ça l'était autrefois, mais il reste que l'approche de la musique au cinéma est très conventionnelle, nivelée, avec des usages très précis.» Ces usages et ces traditions, Gus Van Sant leur tourne le dos de façon admirable dans son fascinant Paranoid Park, que Robert Normandeau est allé voir en simple spectateur, lors de son séjour en Belgique, en octobre dernier: «J'y suis allé le jour de la sortie, à la première séance.» Je vous recommande de faire la même chose.
Le théâtre québécois fait souvent appel à Robert Normandeau. Le monde du cinéma, jamais ou presque. Auprès de Brigitte Haentjens, il a écrit la musique d'une douzaine de productions, dont celles de La Cloche de verre, de la trilogie Heiner Mueller (Quartett, Hamlet-Machine et Médée-matériau), ainsi que de Blasté, de Sarah Kane, à l'affiche de l'Usine C dès le 18 mars, avec Roy Dupuis et Céline Bonnier. Au cinéma, toutefois, les perspectives de travail sont rares et, selon lui, peu attrayantes. «Le milieu du cinéma est beaucoup plus conservateur que le milieu du théâtre. Ce n'est plus la chasse gardée de quelques compositeurs, comme ça l'était autrefois, mais il reste que l'approche de la musique au cinéma est très conventionnelle, nivelée, avec des usages très précis.» Ces usages et ces traditions, Gus Van Sant leur tourne le dos de façon admirable dans son fascinant Paranoid Park, que Robert Normandeau est allé voir en simple spectateur, lors de son séjour en Belgique, en octobre dernier: «J'y suis allé le jour de la sortie, à la première séance.» Je vous recommande de faire la même chose.
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«Lapsus, n.m. — 1833; lat. lapsus linguae, lapsus calami, «faux pas de la langue». Emploi involontaire d'un mot pour un autre, en langage parlé ou écrit.» Cette définition pour signaler, aux personnes qui ne s'en seraient pas aperçues, que j'en ai commis tout un la semaine dernière dans ma chronique en attribuant le scénario de Mon oncle Antoine à Gaston Miron alors qu'il fallait l'attribuer — bien évidemment — à Clément Perron. Toutes mes excuses à ceux que mon lapsus aurait pu offenser. «Erratum, plur. errata, n.m. — 1798; mot lat. «chose où l'on a erré», de errare - errer. Faute d'impression signalée.»