En 2007, je vous avais signalé les invasions barbares de nouveaux restaurants pour 2008. Mission accomplie: au cours des prochaines semaines, vous découvrirez le bon et parfois le mauvais de cette restauration invasive. Le Pois Penché: tel est le nom de ce beau et chic restaurant qui souhaiterait bien représenter ou imiter les grandes brasseries du groupe Flo et ces cafés fleuris qui ont donné à Paris les écaillers et les bancs d'huîtres, la choucroute alsacienne, le petit salé aux lentilles ou encore l'onglet aux échalotes.

Tout a été fait pour que la ressemblance soit parfaite: verre biseauté pour les miroirs, chaises matelassées et jolies banquettes, plancher remarquable, bar magnifiquement intégré et comptoir à fruits de mer. Tout ressemble à une fresque du quartier Saint-Michel ou des grands boulevards de Paris. Il manque la hauteur du plafond, qui tranche avec le reste. Quoi de mieux que de s'initier aux arts gourmands en compagnie de professionnels de la restauration?

Le menu ressemble de près aux menus des institutions parisiennes. On offre divers plats à la carte avec une surprise qui peut coûter cher au final, c'est-à-dire les garnitures à la carte. Tout cela explique que le plat arrive bizarrement dépouillé dans l'assiette.

La petite salade et la crème de légumes font partie des entrées proposées à la table d'hôte. Rien de très parisien dans le choix offert. Une crème de légumes très ordinaire et fortement poivrée se disputait l'entrée avec une salade verte plus qu'ordinaire et deux demi-tomates cerises. Banalité jusqu'à la vinaigrette, qui avait toutes les peines du monde à humecter les feuilles de mesclun aseptique.

On a supprimé du vocabulaire gastronomique la raie au beurre noir pour la remplacer par la raie au beurre noisette. En fait, les secondes sont comptées entre le passage du beurre noisette à l'état de beurre noir, et il suffirait de presque rien, ce qui ne serait pas très grave si c'était seulement une fois de temps en temps. La raie est un poisson délicat qui se consomme extrêmement frais, ce qui a été le cas ce midi-là. Une jolie portion complètement dénudée vous fera débourser 8 $ de plus pour obtenir en garniture un gratin dauphinois trop sec. Il est vrai que dans cet établissement, on se pense à Paris, tour Eiffel en moins et avec une cuisine discutable.

Discutable aussi le fait de recevoir de la raie qui, bien que fraîche, doive être retournée en cuisine pour cause de cuisson insuffisante. Par contre, on n'a pas hésité à remplacer cette assiette par une toute nouvelle portion parfaitement cuite au deuxième essai. Mon camarade, lui, avait décidé de se rabattre sur le steak-frites sauce béarnaise, le demandant à point et le recevant saignant... Il faut croire que dans cet établissement, on a adopté la théorie du cru! Dommage, car la viande ne répondait pas aux attentes, la sauce et les frites terminant le tout en obtenant à peine la note de passage.

En matière de service, beaucoup d'employés sont présents, mais la plupart sont hésitants par rapport à leurs tâches et s'empêchent même parfois de vous servir le vin. La carte des vins est étoffée et offre un vaste choix de vins au verre issus de la dernière technologie de conservation à l'azote, à prix relativement élevé toutefois.

Au dessert, nous avons eu droit à deux petites profiteroles perdues dans leurs assiettes. Rien pour nous faire oublier le manque de saveurs, oubliées au chapitre des plats, et ce, bien loin du décor somptueux et de Paris.

- Prix payé le midi pour deux tables d'hôte (24 $ et 22 $), un gratin dauphinois (8 $), une eau minérale (10 $) et deux cafés (3 $ chacun), service non compris: 79,01 $.

- Plus: le magnifique décor qui rappelle les grandes brasseries parisiennes.

- Moins: une nourriture sans signature et sans saveurs.

Le Pois Penché, 1230,boulevard de Maisonneuve Ouest, Montréal, 514 667-5050