Technologie - Le divertissement pour adultes emprunte la voie du téléphone cellulaire

La logique qui veut que l'industrie du divertissement pour adultes oriente l'évolution du développement technologique pourrait bien être vraie dans le cas du téléphone cellulaire. Cette réflexion me vient en tête alors que la troisième édition du Mobile Adult Content Congress se termine à Miami. Que l'on soit pour ou contre, la pornographie demeure un contenu disponible et sollicité par des millions de consommateurs, hommes et femmes, et si les gens veulent la consommer au creux de leur main, les fabricants de téléphones cellulaires devront adapter leurs appareils pour répondre à ces nouveaux besoins.
On doit parler de pression sur l'industrie du téléphone cellulaire, parce que l'on parle de gros sous. Quelques chiffres: en Europe uniquement, les revenus générés par du contenu pour adultes sur téléphone cellulaire se sont chiffrés l'an dernier à plus de 775 millions de dollars et, selon la maison de recherche anglaise Juniper Research, d'ici seulement quatre ans, on pourrait parler de 1,5 milliard de dollars. Ajoutez le marché nord-américain en développement, qui rapportait 26 millions de dollars en 2007 et vous avez là des chiffres pour faire réfléchir bien des entrepreneurs et grands fabricants de téléphones cellulaires.Au bon moment
L'ouverture de ce marché ne pourrait pas tomber à un meilleur moment pour l'industrie du divertissement pour adultes alors que les producteurs de contenu sont les nouvelles victimes du piratage de contenu en ligne. Des portails vidéo à la YouTube qui proposent gratuitement leurs productions en visionnement et téléchargement libre. Une situation qui commence à faire mal aux ventes de DVD et aux abonnements de sites pornographiques. Mais qui ira les plaindre à part quelques avocats qui en profiteront pour facturer des centaines d'heures à envoyer des courriels et mises en demeure aux sites voyous ?
En juxtaposant les malheurs de la distribution gratuite de leur contenu, qui au passage fait découvrir leur contenu aux intéressés, et l'engouement pour le téléphone iPhone au pays de l'Oncle Sam, vous avez deux circonstances qui poussent les producteurs de contenu à s'intéresser à une nouvelle plateforme de distribution, le téléphone cellulaire. C'est d'ailleurs dans le cadre du Mobile Adult Content Congress que Jay Grdina, le conjoint de la vedette Jenna Jameson, qui détient avec elle l'entreprise ClubJenna Inc, affirmait que, pour survivre dans le nouveau contexte numérique, les joueurs de l'industrie doivent s'assurer de faire leur place aussi dans le marché de la téléphonie cellulaire en développant un contenu adapté au très petit écran.
Adapter le contenu
Ce qui vient ajouter un tout nouveau sens au célèbre dicton de la grand-mère du journaliste Achille Michaud, «C'est pas la size qui matter, mais la way que tu la handle». Et c'est justement ce que font les producteurs de contenu, adapter leur contenu pour répondre aux désirs des centaines de milliers de consommateurs qui sont prêts à consulter du matériel pornographique, même par l'intermédiaire d'un petit écran. Après tout, la pornographie est passée des salles de cinéma, à la toile de projection du super 8, au téléviseur et maintenant, à l'écran de l'ordinateur, à moins que ce ne soit celui d'un baladeur multimédia. Bref, la pornographie a su s'adapter aux divers supports et devrait continuer sans trop de problèmes, tant qu'il y aura des acheteurs.
Si l'offre de contenu en Europe et en Asie doit être garante du développement nord-américain, on peut imaginer que les grands joueurs, comme les petits, s'organisent maintenant pour développer une offre cellulaire qui proposera autant de la vidéo, des photos, des textes, des petites annonces que du clavardage pour adultes. Et pour s'assurer une plus grande pénétration du marché, une belle part devrait être faite à la portion texte et photo, tant que les opérateurs cellulaires n'offriront pas des forfaits de transports de données plus accessibles.
Les opérateurs dans le coup
Car les opérateurs cellulaires sont également de l'équation. Plus les utilisateurs consomment de contenu multimédia par l'intermédiaire de leur réseau, plus les revenus sont gros à la fin du mois pour les Bell, Rogers, Telus de ce monde. C'est sans parler d'une entente particulière entre fournisseur de contenu et opérateur qui pourrait partager les revenus d'un tel service. À titre d'exemple, le fournisseur de services cellulaires Telus a cédé l'an dernier devant un lobby qui s'opposait à son service de contenu pour adulte. Mais au même moment, en collaboration avec l'entreprise Amp'd Canada, Telus travaillait à développer une offre de programmation pour adultes dans un contexte de téléphonie évoluée. Malheureusement pour Telus, Amp'd Canada a fait faillite l'été dernier et a englouti du même coup 18 millions de dollars investis par l'entreprise de Vancouver.
Paradoxalement, lors de cette rencontre de l'industrie du divertissement pour adultes à Miami, qui fait suite aux discussions de l'Adult Show de Las Vegas le mois dernier, la plupart des conférenciers des deux événements ont utilisé le téléphone d'Apple pour illustrer le potentiel que représente le marché du téléphone cellulaire en Amérique. Le hic, c'est que l'iPhone en question ne possède pas encore, comme un grand nombre de téléphones cellulaire chez nous, un lecteur Flash fabriqué par Adobe qui permet la lecture de séquence vidéo en direct d'Internet.. Une lacune que Apple ou la communauté des utilisateurs corrigera sûrement dans un avenir rapproché. Mais quand même, l'anachronisme est intéressant et illustre bien les barrières que doivent encore franchir les producteurs de contenu, et pas seulement ceux qui font du porno, avant de pouvoir offrir leur production vidéo sur téléphone cellulaire.
bguglielminetti@ledevoir.com
***
Bruno Guglielminetti est réalisateur et chroniqueur nouvelles technologies à la Première Chaîne de Radio-Canada. Il est également le rédacteur du Carnet techno (www.radio-canada.ca/techno).