Pourquoi protéger son capital si on n'a pas d'héritiers?

Dans vos chroniques «Vos placements» du journal Le Devoir, vous concluez toujours qu'il faut protéger son capital à la retraite. Quel avantage y a-t-il pour un couple d'investisseurs retraités sans enfant de conserver ce capital? Avec une espérance de vie de 85 ans, ils pourront toujours, rendus à cette étape, vendre leurs biens et propriétés pour la suite, s'ils sont encore vivants...

Alors, quel est le but de protéger son capital à la retraite si nous voulons laisser le moins d'argent possible à notre décès?

L. V.

Le capital accumulé constitue en quelque sorte votre meilleure assurance contre la perte de votre pouvoir d'achat à long terme. Bien investi, ce capital compensera pour l'effritement du pouvoir d'achat de chaque dollar gagné par rapport à l'inflation. Il le fera de deux façons: en permettant de réaliser des gains découlant de l'appréciation des placements et en générant des revenus réguliers croissants, tels que les dividendes versés par les grandes entreprises.

Et il y a les imprévus. Le capital, bien réparti entre les différentes classes d'actif que sont les titres à revenus fixes de grande qualité, les actions et l'immobilier, devrait vous permettre de faire face à toutes sortes d'imprévus. Par exemple des frais médicaux importants, des rénovations majeures sur la propriété, une réduction des rentes provenant du régime de retraite de votre ancien employeur parce qu'il est acculé à la faillite ou les contrecoups toujours possibles pouvant venir de notre système capitaliste.

Vous savez, la plupart des Occidentaux n'ont jamais vécu, depuis la Deuxième Guerre mondiale, de très dures périodes économiques telles que dépression, déflation, hyperinflation ou très longue période de stagflation. Pourtant, cela reste toujours dans le domaine du possible. Les Japonais en savent quelque chose alors qu'à la fin des années 80-début des années 90, la valeur des immeubles a dégringolé de 50 % et les titres boursiers, de près de 80 % (le marché boursier n'a jamais récupéré ce qu'il a perdu depuis).

Bien sûr, le capital investi dans les actions et l'immobilier a durement écopé. Par contre, le capital investi dans les titres à revenus fixes de grande qualité s'est passablement apprécié, alors que les rendements des obligations japonaises ont dégringolé à presque 1 % dans le cas des obligations à long terme. Or, comme vous le savez, la valeur marchande des obligations négociables varie inversement au mouvement des taux d'intérêt. Lorsque ceux-ci baissent, la valeur marchande des obligations grimpe et vice-versa. Les gains accumulés avec les obligations japonaises ont pu compenser, en partie du moins, les pertes résultant des autres classes d'actifs.

Le capital ne constitue pas une assurance parfaite contre de telles situations. Mais, au moins, certaines avenues s'offrent à celui qui a suffisamment de capital pour tenter de préserver son pouvoir d'achat. Ce ne sera certainement pas le cas pour ceux qui n'ont pas suffisamment de capital.

Que se passe-t-il avec l'action de BCE ?

Pourriez-vous commenter le fait que les journaux ne semblent pas faire état de la date à laquelle les actions de BCE seront rachetées. Quoique les nouveaux propriétaires ont, à quelques reprises, réaffirmé que la crise financière actuelle n'aurait aucun impact sur la transaction, il est curieux que les actions de Bell se transigent aujourd'hui à 39,17 $ alors que normalement la valeur de ces actions devrait tendre vers la valeur de rachat devant être réalisé vers la mi-janvier? Est-ce que la décision gouvernementale touchant le sans-fil aurait un impact sur la transaction?

P. F., retraité

La situation ne s'est guère améliorée depuis que vous avez écrit votre lettre. À la clôture du jeudi 17 janvier, l'action ne s'échangeait plus qu'à 36,53 $. Or, comme vous le soulignez dans votre lettre, l'offre d'achat en cours faite par la caisse de retraite des enseignants de l'Ontario et par deux fonds à capitaux privés porte sur un prix de 42,75 $ l'action. Un tel écart entre le cours et le prix offert par le groupe d'investisseurs laisse effectivement croire que sable dans l'engrenage il pourrait bien y avoir.

Les investisseurs craignent probablement que la transaction puisse avorter à cause de la crise actuelle de liquidités. La débandade des prêts hypothécaires à haut risque aux États-Unis se solde aujourd'hui par une véritable hémorragie des liquidités auprès de plusieurs grandes banques américaines et européennes. Au Canada, nos banques ont finalement été largement épargnées par cette déconfiture des prêts hypothécaires et de leurs papiers commerciaux sous-jacents. Les deux seules banques véritablement exposées à ce marché sont la Banque Nationale et la Banque CIBC (la plus touchée d'entre toutes). Il reste que les rumeurs vont bon train. L'une d'elles voulait même que la Banque Toronto-Dominion puisse durement écoper de ce marasme. Pourtant, son président a bien dit et redit que sa banque n'est aucunement présente dans ce type de placement. Cette fausse rumeur peut expliquer le récent recul de l'action de BCE puisque la Banque Toronto-Dominion participe au financement de la privatisation de cette dernière. La banque se portera acquéreur au terme de la transaction de 7 % des actions de BCE.

Les investisseurs sont nerveux. Le report de la conclusion de la transaction au second trimestre plutôt qu'au premier (attribuable aux demandes des autorités réglementaires) n'est pas de nature à les calmer. Cela aussi contribue à affaiblir le cours de l'action.

Cela dit, BCE, notre seul conglomérat des télécommunications, tire de son exploitation, bon an, mal an, des flux de trésorerie de plus de cinq milliards de dollars, ou 6,90 $ l'action. À son cours actuel, l'action s'échange à 5,3 fois ses fonds autogénérés, ce qui n'est certainement pas excessif. À cela s'ajoute un dividende annuel de 1,46 $ l'action pour un rendement de dividende annuel de presque 4 %. Si la présente offre d'achat devient caduque, le cours de l'action reculera encore, mais plus tellement. Par contre, si l'offre d'achat se réalise (aucun des participants à l'offre n'a manifesté pour le moment son intention de se retirer), le cours de l'action bondira à 42,75 $ pour un gain de 17 % en plus des dividendes pouvant être versés d'ici à ce que l'acquisition soit complétée.

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