Changement de cap

La fidélité aux restaurants n'est pas chose courante au Québec. Les clients aiment essayer des établissements et s'empressent de le faire dès qu'un nouveau resto fait son apparition.
La Gaudriole est un restaurant qui, il y a environ dix ans, a connu un certain succès, et le chef de l'époque a désormais passé le flambeau à sa collègue et élève Nadia Boudreau.Le décor a été quelque peu épuré. Le blanc contemporain semble rajeunir les lieux et donner lumière et profondeur à la salle. Les chaises, identiques, reposent sur un beau plancher de bois.
J'avais invité un collègue journaliste venu d'Europe pour faire un reportage sur la gastronomie au Québec.
Enfin, on pourra lire qu'il existe autre chose que la poutine et la tarte au sucre comme plats québécois.
La table, bien disposée, annonce un service professionnel fait par des gens qui connaissent les rudiments de leur métier.
Du côté de la carte, Nadia Boudreau a conservé quelques valeurs sûres et supposément gagnantes de l'ancien chef, Marc Vézina: foie gras, thon rouge, carré de porc, gibier, lapin et pot de crème à la façon Demers, l'ex-chef pâtissier du défunt restaurant Les Chèvres.
Une cuisine «métissée»
La cuisine de La Gaudriole se qualifie de «métissée». On doit comprendre ici le mélange des genres et de produits de partout, une bonne façon pour la propriétaire d'essayer des styles parfois difficiles à saisir pour le commun des mortels.
Le menu est différent le midi et le soir et propose diverses tables d'hôte.
Tandis que mon invité avait opté pour le foie gras poêlé et sa garniture de pommes en compote et en tranches caramélisées, c'était pour moi un jour sous le signe du poisson avec le carpaccio de saumon et de thon.
Le foie gras taillé en escalope manquait de coloration, mais mon invité l'a trouvé savoureux avec le mélange de pommes caramélisées.
Ça nous change des habituelles figues qu'on retrouve sur bon nombre de menus.
Le carpaccio, dressé sur une belle grande assiette, dégageait une grande fraîcheur. Bien assaisonnée, la portion généreuse s'est laissé apprécier avec délectation.
Le chou farci
Le chou farci est un plat traditionnel des bistros de quartier français. Mme Boudreau semble apprécier autant les choux de Bruxelles que les choux pommés ou de Savoie.
Elle propose une version tentante du chou savoyard avec crème et fromage, mais nous nous sommes laissés influencer par le classique râble de lapin farci.
Une garniture de champignons et de légumes racines trop cuits accompagnait le lapin.
Le râble de lapin trop sec et trop cuit manquait totalement d'intérêt et nous a fait regretter notre choix. La chair sèche ressemblait à celle d'un réchauffé de mauvaise qualité.
Profondément déçus, nous nous sommes jetés corps et âme sur les fromages, pourtant trop froids. Un beau choix, toutefois, que mon invité a également pu revisiter par la suite à la fromagerie de Yannick Fromager à Montréal.
Le service est professionnel et propose, outre une bonne prestation, des conseils de gens compétents en matière de choix des vins.
Une deuxième chance
Après la déception du plat principal, nous avons préféré nous concentrer sur le fromage et conserver tout de même une bonne impression pour nous donner une deuxième chance d'explorer plus tard une carte qui, espérons-le, sera ajustée.
Il est parfois difficile de reprendre un restaurant existant sans en changer radicalement le style.
Nul doute que Nadia Boudreau pourra relever ce défi qui consiste à donner du plaisir et pas seulement à nourrir.
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La Gaudriole
825, rue Laurier Est, Montréal, 514 276-1580
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- Plus: le nouveau décor allégé qui donne plus de lumière.
- Moins: une cuisine incertaine qui se cherche une identité.
- Prix payé pour deux personnes au repas du soir, taxes et service non compris, avec une bouteille de vin: 120 $.
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Collaborateur du Devoirr