Et puis euh - La pression
Tout le monde peut se tromper. Il s'agit déjà d'une lapalissade assez imposante pour que personne n'ose sérieusement en douter, mais s'il y a quand même quelques sceptiques dans la salle, on va citer Marion Jones pour étouffer dans l'oeuf les derniers soupçons. Avant que d'aller passer six mois en taule pour avoir raconté des menteries fédérales, Marion Jones faisait hier une saucette chez Oprah, la grande confesseresse des États. «Je veux que les gens comprennent, vous savez, que tout le monde fait des erreurs, a-t-elle dit. Et je pense qu'on peut évaluer la personnalité d'une personne au fait qu'elle reconnaît ses erreurs.» Bon, évidemment, dans le cas qui nous occupe, le processus de reconnaissance a nécessité quelques années, mais la madame a déballé une superbe excuse en béton précontraint: «J'ai fait une erreur en voulant me protéger et protéger ma famille.» Vous, ça vous regarde, mais personnellement, j'ai très hâte d'en entendre un/une qui dira: «Ben oui, chose, j'ai nié avec une véhémence outrecuidante parce que sais-tu quoi? j'étais persuadé que je ne me ferais jamais prendre, qu'il y aurait toujours une échappatoire, les substances de drogue ont aussi la faculté de procurer un sentiment d'invulnérabilité, selon des sources.» Je pense que je vais attendre encore longtemps, mais comme disait le poète agraire, les boeufs sont lents mais la terre est patiente.
Ceci pour dire autre chose: prenez un gars tout seul attablé à un clavier déraisonnablement muet, et il est possible qu'il se trompe et ponde un truc poche (contrairement à la présente chronique, qui remporte déjà un impressionnant succès bien qu'écrite qu'au quart). Il croit que c'est pas trop mal, mais bon, il ne bénéficie pas du recul nécessaire. Ça arrive. En revanche, prenez une production à gros budget, film, télésérie, n'importe quoi, à laquelle participent plein plein de gens. Une production qui se révèle, après réflexion même pas mûre, plutôt mauvaise, et il est seul. Ma question est la suivante: comment diantre se fait-il que personne, parmi la multitude des concernés au fil de la création, ne se lève et dise hé, les copains, vous rendez-vous compte qu'on est en train de faire quelque chose de pas très bon? Et vu les circonstances, est-il vraiment indiqué de continuer?Je songeais un peu à tout ça, vendredi soir dernier, juste avant d'aller brûler les planches sous un stroboscope d'enfer dans un dancing à la mode. À la télé, il y avait le tout premier épisode de MVP, une série que présente le réseau CBC que vous financez avec vos impôts et les miens et qui a été précédé d'un battage publicitaire relativement soutenu, selon des gens qui regardent la CBC (depuis la disparition de Chez Hélène, je m'y contente du curling et d'une analyse esthético-éthique des goûts vestimentaires de Don Cherry — en fait, j'essaie d'imaginer la tronche de la couturière lorsqu'elle était en train de confectionner ça). MVP raconte les aventures d'épouses et de copines de joueurs de hockey, mais ne vous inquiétez pas si vous ne faites pas la différence entre un tir à ras la glace et un match de quatre points, il n'y a pas de hockey là-dedans. Certes, on retrouve des personnages qui prétendent être des hockeyeurs, mais on ne les voit jamais jouer. Il pourrait s'agir de comptables agréés ou de moissonneurs-batteurs* si le gars moyen n'était pas toujours en train de circuler dans un vestiaire à moitié tout nu (c'est le gars qui est à moitié tout nu, pas le vestiaire, qui, lui, est à moitié habillé).
(* Parfaitement, moissonneurs-batteurs. L'égalité dans les emplois non traditionnels, vous connaissez? Pourquoi ce seraient juste les moissonneuses-batteuses féminines qui auraient le droit de moissonner-battre? Il est temps que ça change.)
Pas de patins donc, ni davantage d'épaulettes, juste des beaux gars et des belles filles et de temps en temps un journaliste qui fout la merde. Et de la couchette. Tenez, pour vous situer si vous regardez le deuxième épisode après avoir raté le premier: dans le premier épisode, il y a un gars, le même qui jouait Mike Ludano dans Lance et compte je ne sais plus combien, qui s'est fixé comme plan de match personnel de connaître bibliquement le plus grand nombre de sexes opposés possible, et comme il est beau gosse poitrail ciselé jeune riche célèbre disponible aux heures chômées — le cliché de circonstance est «sur le marché des agents libres», je vous jure —, ça marche. Jusque-là, rien qui ne s'écarte des sentiers battus, on le sait depuis que Pierre Lambert avait dompé Ginette pour s'enferrer dans le stupre qui grouille dans la Vieille Capitale avant de craquer pour Lucie Baptiste pendant que Marc Gagnon, avant de déniaiser Suzie... enfin, vous vous en souvenez sans doute.
Sauf que le snoro — il s'appelle Damon Trebuchet, ça ne s'invente presque pas —, ne se contente pas de procéder nuitamment à ce qui est inracontable dans ce journal intellectuel familial. Il filme ses ébats, le snoro, à l'aide d'une caméra cachée. Question de stats, sans doute. Et il conserve les cassettes dans une armoire, le vlimeux. (Pour un aperçu visuel de sa fiche en carrière, tinyurl.com/2kvq3y.) Sauf que vers la fin de l'épisode, sa dernière conquête en date, qui a flairé le stratagème, s'est subrepticement emparée de la cassette et lui annonce qu'elle part avec.
Suspense, n'est-ce pas? En tout cas, c'est très très très très très bon. Ça doit relever de l'aspect hyperréaliste de l'ensemble. On s'identifie aux personnages. On se dit ouais, lui, avec juste un peu moins de talent, elle, avec juste un peu plus de linge, c'est moi.
Et puis, question de réalisme qui dépasse la fiction sans clignoter, voyez plutôt. Dimanche dernier, les Cowboys de Dallas ont perdu. Or, pendant la semaine de congé suivant la fin de la saison régulière, le quart-arrière des Cowboys, Tony Romo, au lieu de s'entraîner à lire le blitz de la tertiaire comme un bon garçon, est allé en vacances au Mexique avec sa nouvelle flamme, Jessica Simpson. (Si vous ne connaissez pas Jessica Simpson, je vous envie. Sérieux.) Et voilà, Romo a mal joué et il s'en trouve au Texas pour supputer que ce n'est pas une très bonne fréquentation pour un quart-arrière partant, cette mamoiselle-là, et que ce n'est pas loin d'être sa faute.
Ils l'ont d'ailleurs déjà surnommée: Yoko Romo.
Vous essaierez, vous, d'être une star et heureux en même temps, avec toute cette pression.
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