Et puis euh - Contradictions

Dans une environnementale préoccupation de ne rien jeter qui puisse encore servir, la rubrique Et puis euh, fichée au patrimoine mondial de l'UNESCO, a pour politique de recycler de temps à autre de vieilles affaires. Celle-ci, par exemple, originalement diffusée le 17 juillet 2003 et dont tout le monde se souvient comme si c'était il y a quatre ans et demi: quel est le comble de la paranoïa? C'est le gars qui va au centre commercial, qui regarde le plan de l'établissement, lit «Vous êtes ici» et se demande comment «ils» ont bien pu savoir ça. Bien sûr, il existe d'autres versions. Celle, par exemple, du citoyen qui goûte le repos du juste en regardant par un dominical aprèm un match de football professionnel américain et qui, voyant les joueurs de l'attaque réunis en caucus, se dit «T't à coup qu'ils sont en train de parler de moi?».

Là-dessus, il ne faut pas confondre caucus de la NFL et caucus de l'Iowa (même si personne ne comprend comment fonctionnent l'un et l'autre), non plus qu'élections primaires et ligne tertiaire. Ce qui nous rappelle quand même opportunément que le frère de Michelle, la charmante épouse de Barack Obama, est Craig Robinson, ancienne grande vedette de basket à Princeton et actuellement entraîneur-chef à l'université Brown. Si vous voulez savoir toute l'histoire, lorsque Barack, qui avait tout au plus réchauffé le banc dans l'équipe de son école secondaire, a commencé à faire les yeux doux à Michelle, celle-ci, qui croit beaucoup que le sport révèle la personnalité, a exigé que Barack dispute un match contre son frère et que celui-ci lui fasse rapport. Le verdict fut positif, et voilà, ils convolèrent quelque temps après. Et alors qu'autrefois Michelle fut «la soeur de Craig Robinson», voici maintenant que Craig est «le frère de Michelle Obama». Ce qui prouve, messieurs dames, que vous ne devriez jamais vous priver d'arpenter une patinoire de quartier ou un 18 de mini-putt, la passion vous y pend peut-être au bout du birdie.

Et quel est le comble de l'incompétence? Prenez les deux matchs de football de dimanche pendant les caucus desquels vous pensiez qu'ils complotaient contre vous. Il ne fait aucun doute qu'après avoir refusé d'aller au brunch de matante pour pouvoir mieux soupeser les cotes statistiques, vous en êtes arrivés à la conclusion que ouais ouais, les Colts sont blindés mur à mur à la maison contre S. Diego et que, non non, imposs que le N. York aille s'imposer contre un finissant de 13-3. Et pourtant, rien qu'à se lever lundi matin avec le cahier des sports bien en selle (c'est une image), il fallait se rendre jusqu'à l'évidence, même si la randonnée était longue: deux surprises, deux autres preuves qu'on ne sait jamais, deux illustrations supplémentaires si besoin était de ce que le club le plus affamé est celui qui n'a point d'oreilles et n'entend donc pas la foule crier chou comme des perdus quand c'est lui, le visiteur, qui a le ballon, et n'entendant pas la foule, n'éprouve pas de difficultés à faire entendre ses signaux sur la ligne de mêlée même s'il est dépourvu d'oreilles — ici, je pense qu'il y a comme une légère contradiction interne, mais après 24 heures de réflexion, je n'ai pas encore réussi à la résoudre; merci de votre patience-aide pédagogique-soutien financier (reçu pour fins d'impôts sur demande).

Remarquez, annoncer Indianapolis et Dallas gagnants n'était pas nécessairement un signe d'incompétence. L'on peut avoir été enduit d'erreur par un supposé expert. L'on peut n'avoir eu que peu de temps et de disposition d'esprit pour soupeser les stats parce que, par politesse, l'on est quand même allé faire une saucette au brunch de matante et l'on est rentré vaguement éméché par ces quelques mimosas bien tassés. L'on peut même conclure qu'il s'en est fallu de peu pour que la situation s'inverse du tout au tout. Car (attention, d'énormes clichés s'en viennent avec pas de retenue) le football américain, à l'instar de 487 autres disciplines dont je vous invite à dresser la liste quand vous aurez un moment entre deux dossiers à régler, se joue sur le terrain et est une affaire de pouces où l'important consiste à accomplir les petites choses.

Par contre, voici un indice irréfragable d'incompétence: un magazine astrologique qui doit cesser ses activités en raison de circonstances imprévues. Vous ne me croyez pas que cela se puit? Voyez plutôt: www.astrologicalmagazine.com. Le tout n'est d'ailleurs pas sans évoquer à mon âme percluse de contradictions, comme dans l'histoire des oreilles, cette annonce que je visionnai il y a quelques mois: Prenez le contrôle de votre vie grâce à l'hypnose. Je n'y comprends pas tout, mais me semble que.

Enfin, il y avait beaucoup, beaucoup de neige à Green Bay, et il faut espérer qu'il y en aura encore plus dimanche prochain. Ça, c'est du vrai football.

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Aujourd'hui, George Mitchell, Bud Selig et Donald Fehr comparaissent devant un comité du Congrès pour jaser de drogue. Mais le vrai croustillant viendra dans un mois, quand Roger Clemens et son ex-entraîneur Brian McNamee devront y défendre sous serment leurs versions totalement contradictoires de ce qui s'est passé dans le cas du lanceur étoile.

Je pourrais vous annoncer tout de suite ce qu'ils y diront, mais l'espace manque. Et puis, une boutade, c'est bien plus amusant.

Fehr, le directeur de l'Association des joueurs du baseball majeur, a laissé entendre que l'ancien sénateur Mitchell, auteur du récent rapport sur les stéroïdes dans le baseball, pouvait se trouver en conflit d'intérêts. Mitchell est membre de la direction des Red Sox, il a déjà été administrateur des Marlins et a siégé au conseil de l'entreprise qui possède le réseau ESPN, diffuseur des matchs des ligues majeures. Le commissaire Selig, lui, dit maintenant que Mitchell a enquêté en toute indépendance. «Mitchell est l'homme de Selig», a dit Fehr.

Et voici la boutade. Dans les années 1970, le commissaire de la NFL, Pete Rozelle, avait été mandaté pour régler personnellement tout litige contractuel entre les joueurs et leur équipe. Cela avait fait regimber certains joueurs, qui voyaient en Rozelle le représentant des dirigeants de clubs. Ce à quoi un propriétaire avait rétorqué: «Le commissaire est neutre. Nous le payons très cher pour être neutre.»

Ha. S'il le dit, ça doit être vrai.

jdion@ledevoir.com

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