Théâtre - Quand on veut...
Questembert — C'est l'automne aussi dans la campagne bretonne, un peu plus vert, un peu moins jaune que chez nous, mais l'automne quand même. Ce qui n'empêche pas les dix petites communes du pays de Questembert de vibrer ces jours-ci au rythme de Festi'Mômes, un festival culturel destiné à la petite enfance et implanté en pleine campagne française.
Festi'Mômes, pour ceux qui ne se souviendraient pas de notre présence ici l'an dernier, c'est une trentaine de représentations, dans dix communes différentes, d'une bonne dizaine de spectacles s'adressant aux tout-petits; en fait, sept des productions offertes ici visent les bébés de moins de deux ans. Et ce qui rend l'événement exceptionnel, c'est autant la qualité des propositions offertes aux tout-petits — la direction artistique est assurée par Joël Simon et son équipe de Méli'Môme — que le cadre dans lequel elles s'insèrent. Quand on voit la taille des minuscules villages où a lieu le festival (Limerzel et Pluherlin comptent un peu plus de 1000 habitants, Le Cours, 548, et Lauzach, 828), on se surprend à rêver... et à se demander pourquoi de telles initiatives ne pourraient pas surgir chez nous dans ce désert culturel presque total que sont les régions...En posant des questions aux organisateurs du festival, on se rend rapidement compte que ce n'est pas une question de budget qui pourrait empêcher la tenue d'un événement similaire chez nous: le budget global de Festi'Mômes est de 55 000 euros (un peu plus de 80 000 $). Une somme qui n'est pas prohibitive, même au regard du pauvre budget alloué à la culture par la plupart des municipalités régionales de comtés, l'équivalent de la communauté de communes qui organise le festival.
Ce n'est pas non plus une question d'infrastructure puisque, même si la plus grande commune — Questembert, qui compte plus de 7000 habitants — abrite une médiathèque exceptionnelle et une grande salle multifonctionnelle, les autres reçoivent les spectacles, «peu encombrants» pour la plupart, dans de toutes petites salles communales. Détail important, une petite armée de bénévoles gravite autour du festival, et les artistes qui viennent jouer dans l'une ou l'autre des communes sont accueillis chez l'habitant. La logistique de la chose est sans doute un peu complexe à gérer, mais cela semble se faire dans la plus festive des complicités, la région étant située assez loin des grandes villes.
Comme dans la plupart des grands dossiers de ce type, c'est donc d'abord une volonté politique très claire qui a donné naissance, il y a trois ans maintenant, à Festi'Môme. Ici, les élus locaux ont choisi d'investir aussi dans la culture et d'affiner plus encore ce choix en décidant de consacrer l'événement aux tout-petits, ce qui était plutôt risqué en pleine campagne, avouons-le. Et la réponse est fabuleuse me dit-on partout: dans toutes les communes, les salles sont encore plus remplies que l'an dernier, et les parents comme les enfants sont ravis. Chapeau!
Quand on veut, on peut! Et quand la chose se produira au Québec, dans une quelconque semaine des quatre jeudis — comme si la culture n'était pas d'abord ce qui fait de nous ce que nous sommes! —, on sera là pour le souligner abondamment, ne vous en faites pas!
Bon. Revenons plutôt à la programmation du festival... Jusqu'ici, presque à mi-parcours, j'aurai raté un spectacle que je devais voir à Méli'Môme (Passage, de la compagnie Porte-Voix qu'on verra pour la première fois à Petits bonheurs, le printemps prochain, avec Gong) et vu deux petites choses irrésistibles. Tout d'abord, Uccellini, de Skappa théâtre, qui propose aux bébés d'un an une production reposant sur la couleur, dans laquelle Isabelle Hervouët raconte brillamment avec ses pinceaux le passage de l'état embryonnaire, jusqu'au rêve de l'oiseau qu'elle aspire à être. Ensuite, La Brouille, un «spectacle de mains manipulées», présenté dans un bus par le Théâtre des Tarabates et destiné aux tout-petits dès l'âge de 18 mois. Ce bus spécialement aménagé peut accueillir, dans des mini-gradins, jusqu'à une bonne vingtaine d'adultes et encore plus de tout-petits. On y présente une histoire toute simple, tirée d'un livre pour enfants qui fait un tabac ici, présentée sur une toute petite scène sur laquelle deux mains — celles de Philippe Saumont — vivent toute une série d'aventures sur une plage de sable, de la rencontre jusqu'à la fusion, en passant par toutes les zones de conflits et de découvertes qu'on peut imaginer. Irrésistible! Je l'ai déjà dit. D'autant plus que le spectacle se distingue aussi par la qualité de son accueil des petits spectateurs: on les amène à la représentation tout doucement, puis on leur propose un «parcours sensoriel» particulièrement élaboré. Très réussi. Mais ce n'est pas tout...
J'ai aussi pu revoir les merveilleuses Histoires d'ours d'Ève Ledig, qu'on avait présenté à la Maison Théâtre l'an dernier, et, mardi, lors de l'inauguration officielle du festival à Questembert, Premier chant du Théâtre d'Illusia, un spectacle de marionnettes sur l'eau également passé à Petits bonheurs, il y a deux ans, dans le cadre du partenariat avec Méli'Môme.
Là-dessus, rendez-vous mardi prochain, si la France n'est plus perturbée par la série de grèves qui a remis en question ici les bases même de la vie la plus quotidienne.
En vrac
- Puisque l'on en est au théâtre pour tout-petits, soulignons que le Théâtre des Confettis est actuellement en tournée au Japon et qu'il s'est installé dans la ville de Shizuoka jusqu'au 17 novembre avec son irrésistible Amour, délices et orgues. Depuis sa création en mai 2000, ce spectacle-installation de Claudie Gagnon a été présenté un peu partout au Québéc, au Canada et en Asie.
- Difficile de ne pas souligner le 40e anniversaire du Théâtre français de Toronto, dont la saison débutait avec une production du Misanthrope de Molière. En plus d'offrir une saison de cinq spectacles, dont une création (le don Quichotte de Toronto de Glen Charles Landry), la compagnie offre un volet jeunesse fort intéressant: Les Zurbains 2007, Le Fantôme de Canterville, Conte de la lune et La Bonne femme. Pour en savoir plus sur ce qui se passe là-bas, consulter le site www.theatrefrancais.com
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.